Jeunes et télétravail ne font pas si bon ménage. Si les réticences au télétravail ont été surmontées par la contrainte d’une pandémie ces derniers mois, il ne fait pas pour autant l’unanimité au sein des entreprises. Selon une étude Choose My Company menée début juin, seulement 62 % des Millennials ont apprécié le passage au télétravail ces derniers mois, ils sont cinq points en dessous de la moyenne des personnes interrogées. Pour les collaborateurs satisfaits qui se sont rendus compte des bénéfices du mode distanciel, il sera difficile de revenir à un fonctionnement dominé par le présentiel. Comment accommoder les besoins des uns et des autres ?
Jeunes et télétravail, un besoin de lien social et d’encadrement
Chose surprenante révélée par l’étude, ce sont les profils technologiques qui sont les moins convaincus par le télétravail. À la tête des torts attribués au mode distanciel figurent le manque de liens sociaux, un encadrement insuffisant et le manque de rythme dans les journées de travail.
En effet, pour ces jeunes qui découvrent le monde du travail et vivent pour la plupart seuls ou avec d’autres dans la même situation, la vie d’entreprise joue un rôle majeur dans la construction sociale. L’arrivée et le départ du bureau, les déjeuners avec les collègues et les pauses partagées, ces rituels quotidiens servent de repères tout au long de la journée de travail, sans elles, il est facile de perdre le fil des heures passées derrière l’écran. Ceci est moins le cas pour les salariés plus âgés, moins exposés à l’isolement, puisqu’ils bénéficient de la structure qu’apporte une vie de famille (préparation de la journée pour les enfants, heures de repas plus fixes, coucher des enfants, etc.).
Les jeunes professionnels ont besoin d’encadrement, car ils apprennent encore à se positionner en entreprise. L’encouragement et la reconnaissance tiennent alors une place de choix dans leur épanouissement professionnel. Le manque d’accompagnement à distance déploré par les plus jeunes soulève un point clé de la mise en place du distanciel. Cette lacune pourrait provenir de l’inadaptation de la culture managériale au distanciel.
Le télétravail nécessite une réorganisation à deux vitesses
En ces temps de redémarrage d’activité pour beaucoup, il est beaucoup question de réaménagement organisationnel. Et si la perte de lien social pouvait-être remédiée par une nouvelle organisation des modes opératoires qui incluent le télétravail comme un parti-pris et non une simple option ? Cette idée implique d’assumer la prise d’autonomie que ce mode confère, les managers peuvent par exemple apprendre à donner des responsabilités dans un cadre sécurisé, plus rassurant pour les plus jeunes professionnels.
S’il existe une part de vérité dans la corrélation entre télétravail et génération, les choses qu’on lui reproche peuvent en fin de compte être ressenties par l’ensemble des collaborateurs. Il est judicieux d’utiliser la différence de rythme proposée par le distanciel et le présentiel. Alors comment faire d’un point de vue RH ?
- Intégrer le distanciel dans la réorganisation du travail, cela peut se traduire par une réelle flexibilité horaire basée sur la confiance, dans la limite du droit à la déconnexion bien entendu.
- Transposer la partie réactive et agile du présentiel au télétravail. Les managers passent de l’opérationnel à un véritable rôle de soutien et de facilitation, plus dans l’écoute active que la surveillance excessive.
- Miser sur les rituels quotidiens dès que les collaborateurs sont en télétravail. L’objectif est double : entretenir les liens sociaux et stimuler la productivité. Une visioconférence matinale peut donner le ton pour la journée à venir et servir de dose de motivation tandis qu’en fin de journée, on peut évoquer les problématiques, c’est l’occasion pour le manager d’accueillir les feedbacks et mener une réflexion sur la marche à suivre par la suite.
- Allouer du temps de travail, et éventuellement un budget, pour que les salariés puissent se retrouver physiquement et renouer des liens sociaux.
- Revoir la place de l’espace physique. Flex office, coworking et le bureau comme service, nous somme en pleine révolution du lieu de travail et de la mentalité qui en découle. Le présentiel n’est plus ce qu’il était, il est alors motivé par les rencontres et s’axe autour du mode collaboratif.
Le 100 % télétravail pérenne paraît invraisemblable aujourd’hui, en particulier dans notre pays où la forte culture du présentiel dominait jusqu’à il y a seulement quelques mois. Les jeunes professionnels ressentent peut-être davantage l’isolement du télétravail, ce qui redonne envie de côtoyer ses collaborateurs. Car le mode distanciel ne se contente pas de supprimer le temps passé dans les transports, ni de remplacer le face-à-face ; il regorge de potentiel pour le travailler ensemble. À vrai dire, il mérite une approche centrée sur l’humain et nos dynamiques socio-professionnels. En somme, si le télétravail peut être une question de génération, sa bonne intégration en entreprise requiert une transformation profonde de la culture d’entreprise qui concerne l’ensemble des collaborateurs.
Mai TREBUIL