Le gouvernement a publié au Journal officiel du 31 mars 2021 le décret n° 2021-346 visant à adapter la réforme de l’assurance chômage de 2019 prévue avant la crise sanitaire, à la situation économique et sociale actuelle. Les mesures, dont certaines entreront en vigueur dès le 1er juillet 2021, sont vivement critiquées par les syndicats. Ces derniers affirment qu’elles pénalisent ceux qui ont déjà été durement touchés par la crise. Retour sur les principaux volets de cette réforme controversée et sur les conséquences de ces nouvelles mesures sur les travailleurs.
Les nouvelles mesures de la réforme
La réforme de l’assurance chômage vise un double objectif pour le gouvernement : lutter contre la précarité liée à la hausse des contrats courts (le nombre de CDD de moins d’1 mois a augmenté de 250% en 10 ans, alors que l’activité n’a augmenté que de 15%) et “supprimer des injustices dans le mode d’indemnisation« . Quelles sont les quatre mesures principales décidées par le gouvernement pour atteindre ces objectifs ?
Tour d’horizons des principales mesures :
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la modification du calcul du salaire journalier de référence (SJR, servant de base à la détermination du montant d’allocation au chômeur), avec un mécanisme de plancher.
Dès le 1er juillet 2021, “les indemnités chômage seront calculées sur le revenu mensuel moyen du travail et non sur les seuls jours travaillés comme auparavant.” À partir de cet été donc, seront prises en compte toutes les périodes pour le calcul des indemnités, y compris les périodes non travaillées. L’exécutif parle d’une plus forte “équité”, car l’indemnisation est aujourd’hui plus favorable aux personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu. Pourquoi ? Car l’indemnisation est calculée en divisant les revenus par les seuls jours travaillés pendant la période de référence. “Toutefois, les périodes d’inactivité prises en compte à ce titre seront désormais plafonnées et ne pourront donc entraîner une baisse trop importante du montant de l’allocation, afin de préserver la situation des salariés dont les périodes d’emploi sont particulièrement morcelées” précise sur son site internet le Ministère du travail. Pour ce dernier, cette modification encouragerait les salariés à accepter des contrats d’une durée plus longue.
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la création d’un bonus-malus pour les employeurs recourant trop aux CDD et aux contrats courts, à compter de juillet 2022.
Les entreprises de sept secteurs seront donc assujetties à des prélèvements majorés. A contrario, les employeurs dont la main-d’œuvre est stable verront leurs prélèvements diminuer. Précision importante : les secteurs gravement touchés par la crise, tels que la santé et la culture, échappent au dispositif.
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La dégressivité des allocations pour les hautes rémunérations (4500€ mensuels bruts)
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Le durcissement des conditions d’éligibilité sera acté au plus tôt au 1er octobre. La période de travail minimum pour accéder à l’assurance chômage sera ramenée à 6 mois sur les 24 derniers mois au lieu de 4 mois sur 28. Cette mesure dépendra toutefois d’une amélioration du marché de l’emploi.
La réforme de l’assurance chômage controversée
Cette nouvelle version de la réforme de l’assurance chômage, modifiée en réponse à la crise sanitaire, reste toutefois vivement critiquée. La modification du calcul du SJR semble être la disposition la plus controversée puisque, selon l’Unédic, près de 1,15 million de personnes qui ouvriront des droits à l’assurance-chômage après le 1er juillet 2021 toucheront une allocation mensuelle plus faible qu’avec les règles actuelles. Fortement dénoncée par les syndicats, la réforme pénalise les travailleurs en contrats courts (CDD), qui enchaînent courtes périodes de travail et chômage. Malgré le plancher prévu par le gouvernement, selon l’Unédic, environ 840 000 personnes (38 % des allocataires) connaîtront une baisse d’indemnisation de 20 % en moyenne par rapport à ce qu’elles touchaient avec les règles actuelles, même si elles auront des droits plus longs.
Dans cette réforme de l’assurance chômage, la seule disposition qui pourrait trouver grâce aux yeux des syndicats est la création du bonus-malus pour les entreprises. Les autres changements ne semblent pas assez prendre en compte les répercussions de la crise sanitaire sur les travailleurs. Professeur au Collège de France, Philippe Aghion défend que « ce n’est pas le moment » d’impulser ces changements. Ce nouveau mode de calcul du SJR présume « un chômage essentiellement volontaire, ce qui est encore moins le cas aujourd’hui avec la pandémie ». Pour Laurent Berger, le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), la réforme est « injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée » a-t-il tweeté.
Pour en savoir davantage sur ce thème:
Philippine Sander