La semaine de 4 jours, assortie d’une réduction du temps de travail hebdomadaire, semble continuer sa progression dans les entreprises en France en 2024. Quand elle est mise en place avec succès dans une entreprise, ses avantages semblent plutôt évidents : compétitivité, performance, QVT, attraction et fidélisation des talents… Mais elle n’est ni simple à déployer ni simple à faire fonctionner dans la durée. Et les RH sont en première ligne aux côtés des managers.
Attractivité et marque employeur : les pièges de la semaine de 4 jours
La semaine de 4 jours a un pouvoir d’attraction des talents quasi indéniable. Mais cela génère de nouveaux problèmes pour les RH.
Car si l’impact sur la qualité de vie au travail et sur la vie personnelle (via le jour supplémentaire de repos accordé chaque semaine) a un pouvoir d’attractivité très élevé, il est aussi crucial pour les recruteurs d’arriver à trier, parmi les candidats, ceux qui veulent rejoindre un projet global d’entreprise, et pas juste une entreprise qui est passée à la semaine de 4 jours. Ce tri, à faire au moment des candidatures, mais aussi lors des entretiens, peut demander un travail fastidieux, d’autant plus s’il y a un volume important de candidats.
En parallèle, il s’agit aussi de recruter des profils qui s’épanouiront dans cette organisation du travail singulière. Si la semaine de 4 jours peut paraître séduisante, elle n’est pas forcément adaptée à tout le monde. Une personne qui a une culture du travail plus portée sur la quantité de travail que la qualité, ou qui privilégie les échanges de travail synchrones (en réunion, à l’oral, etc.), risque de ne pas y trouver son compte dans une entreprise où l’organisation a été optimisée grâce à l’asynchrone et la culture de l’écrit.
Fidélisation : les impasses possibles et le piège de la « cage dorée »
D’une part, celles et ceux qui restent dans l’entreprise pourraient avoir moins de possibilités d’évolution de carrière. En effet, avec moins de départs, il peut y avoir très peu de postes à pourvoir en interne, et donc moins de choix (ou aucun) de mobilité interne.
Charge aux RH de prioriser cet enjeu des parcours de carrière afin de trouver d’autres solutions que celles qui étaient amenées par les départs « naturels » des salariés.
D’autre part, il peut y avoir un phénomène que l’on appelle la « cage dorée ». À savoir des conditions de travail si intéressantes qu’elles incitent les salariés à rester dans l’entreprise même lorsque le travail quotidien ou les relations avec leurs collègues répondent moins ou plus du tout à leurs attentes. Ce qui peut créer des situations où des salariés désengagés, ou moins impliqués, ne quitteront pour autant pas l’entreprise afin garder cet « avantage » de la semaine de 4 jours qui n’existe que dans une minorité d’entreprises actuellement.
Ici, les RH devront être vigilants à mener des politiques d’évaluation permettant de détecter ces situations le plus tôt possible pour trouver les solutions adaptées. Évolution de périmètre quand c’est possible. Ouverture d’une discussion sur un changement de poste, sur un départ, etc.
Culture d’entreprise : gérer l’évolution du rapport au travail
Si les entreprises qui passent à la semaine de 4 jours ont une culture d’entreprise souvent déjà compatible avec la nouvelle organisation du travail que cela va impliquer, il n’en reste pas moins qu’il va falloir gérer quelques évolutions liées à cette culture. Le point central sera celui du rapport au travail, pour soutenir une organisation plus efficace permettant de produire autant sinon plus en un peu moins de temps (32 h au lieu de 35 h dans la plupart des cas). Car, en définitive, c’est la condition de réussite de la semaine de 4 jours.
Pour cela, les RH ont un vrai chantier à mener autour des valeurs de l’entreprise en lien avec le travail. Il y a notamment deux formes de cultures qui deviennent plus importantes lors du passage à la semaine de 4 jours, et qui pourraient faire évoluer les valeurs de ces entreprises :
- la culture du résultat, qui est la volonté d’accorder plus d’importance au résultat final qu’à la manière dont on l’atteint (et au temps que cela a pris) ;
- la culture du travail asynchrone, qui vise à privilégier un travail dans lequel on dépend moins d’échanges en direct (réunions présentielles, visioconférences, discussions orales, etc.) et qui favorise l’écrit, que ce soit pour partager ou demander des informations, avancer sur un projet ou même prendre des décisions.
Dans Quand les start-up, scale-up et licornes réinventent les RH, Agnès Chauvigny, Head of people chez Figures, témoigne :
Avec un jour non travaillé qui est au choix le mercredi ou le vendredi, notre culture de l’écrit a dû être renforcée. Ainsi, chacun peut rattraper facilement les informations importantes diffusées lors de la journée où il était absent.
L’articulation avec le télétravail
Dans l’organisation du travail combinant la semaine de 4 jours au télétravail, on observe deux écoles.
Tout d’abord, celle des entreprises revenant sur le nombre de jours télétravaillés chaque semaine. LDLC, par exemple, a choisi de passer à un jour de télétravail hebdomadaire contre deux auparavant après plusieurs années en semaine de 4 jours. En effet, avec la semaine de 4 jours et le jour non travaillé « tournant » (c’est-à-dire non commun à tous les salariés), les salariés se croisaient beaucoup moins, voire parfois très peu ou plus du tout.
Or, la direction de cette entreprise est convaincue que les interactions présentielles formelles, comme les réunions, ou informelles, dans les couloirs ou devant la machine à café, sont importantes pour l’entreprise. Qu’il s’agisse de développer le lien social, la cohésion d’équipe ou encore la créativité des équipes. D’où sa volonté de réduire le nombre de jours télétravaillables, pour augmenter la collaboration présentielle des équipes.
À l’opposé, d’autres entreprises utilisant la semaine de 4 jours depuis des années ne changent rien aux règles liées au télétravail. Et pour cause, les directions considèrent que, à condition de bien gérer les réunions internes importantes et d’avoir des regroupements d’équipes bien organisés, la semaine de 4 jours peut bien fonctionner même avec du travail à distance récurrent.
En résumé, si la semaine de 4 jours apporte de nouveaux défis pour les RH, c’est aussi une merveilleuse occasion pour ces derniers de prendre (ou de reprendre) plus de leadership sur l’organisation du travail, en présentiel et à distance.