Avec la crise la question a ressurgi : l’économie et les entreprises iraient-elles mieux si elles étaient plus mixtes ? Au regard des conclusions établies par les nombreuses études et autres rapports publiés sur le sujet, nul ne peut ignorer aujourd’hui qu’il existe une corrélation positive entre la féminisation des postes à responsabilité et la performance des entreprises. De là à l’admettre, voire à le mettre en pratique au sein des organisations, il y a encore tout un monde : celui des hommes, apparemment…
Selon le Rapport* publié en janvier 2010 par la Commission européenne, qui étudie le niveau d’intégration des femmes dans le processus de décision en Europe, il semble que « les femmes restent sous-représentées dans les postes à responsabilité (…) alors qu’elles constituent près de la moitié de la main d’œuvre et plus de la moitié des diplômes fraîchement émoulus de l’université dans l’Union Européenne (UE) ».
On le savait déjà, me direz-vous ? Alors, comment expliquer que les conseils d’administration des plus grandes sociétés cotées sur les places boursières des Etats membres de l’UE ne comptent qu’une femme pour dix hommes ? Ou bien encore, que pas une seule banque centrale de tous les Etats membres de l’UE ne soit dirigée par une figure féminine ? Pourquoi, le rythme d’accession des femmes aux postes de direction demeure-t-il aussi lent, alors que le monde des affaires semble prendre peu à peu conscience qu’un bon équilibre hommes/femmes est source de performance ?
« Les filles sont très bien représentées dans les études supérieures, mais plus on monte dans la hiérarchie professionnelle plus cela s’inverse », indique Elisabteh Laville, Fondatrice du cabinet de stratégie et développement durable Utopies. Paradoxal, surtout quand on sait que « la mixité n’est plus considérée aujourd’hui comme un sujet tabou au sein de l’entreprise », précise Paule Boffa-Comby, Dirigeante du cabinet PEMA-partenaire spécialisé dans l’accompagnement de la mixité.
Lois, quotas, mentoring… comment sortir de l’impasse ?
Alors, à qui la faute ? Sûrement pas à l’absence de cadre réglementaire. En France, par exemple : de la loi Roudy de 1983 en passant par la loi Génisson de 2001 sans oublier celle de 2006 sur l’égalité salariale ou encore la loi Zimmermann-Copé de 2011 relative à la représentation des femmes dans les conseils d’administration et de surveillance, ce ne sont pas les lois qui manquent en matière d’égalité professionnelle. Et pourtant, oui pourtant : en 2007 sur 60 % de femmes diplômées en cursus Master, seules 27 % sont cadres, 16 % chefs d’entreprises et 8 % dans les comités de direction (source OCDE, Ministère de l’Education, APEC, Mc Kinsey). Des pays comme la Norvège font pourtant figure d’exception en offrant un modèle de « mixité quasi pure et parfaite » avec 42 % de femmes pour 58 % d’hommes dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises cotées en Bourse. Une conséquence directe des quotas mis en place en 2006.
Alors pour ou contre, ces fameux quotas ?« Dans certains cas l’approche volontaire n’est pas suffisante. C’est la raison pour laquelle, je suis favorable aux quotas », affirme Elisabeth Laville, quand Viviane Reding, Vice-présidente de la Commission européenne Justice, droits fondamentaux et citoyenneté, recommande dans son rapport* l’utilisation de « (…) modèles d’identification, du parrainage et des réseaux pour favoriser la participation des femmes ». Cela n’a-t-il pas déjà été fait dans la plupart des entreprises ?
« De nombreuses actions RH ont été mises en place en matière de recrutement, de gestion de carrière ou encore d’accompagnement via du mentoring et du coaching », confirme Paule Boffa-Comby. Alors, pourquoi le fossé entre hommes et femmes dans les fonctions de direction persiste-t-il et ce, dans tous les secteurs de l’économie ? Cela pourrait s’expliquer selon le Rapport*de la Commission européenne, par des conceptions dépassées sur le rôle respectif des hommes et des femmes dans la vie et dans le monde professionnel. « Il faut lever les obstacles personnels, notamment chez les dirigeants. Il y a un certain nombre de mauvaises habitudes qui ont été prises dans les entreprises et que l’on peut simplement lever en opérant des prises de conscience », analyse Paule Boffa-Comby. Comment ça ? En sensibilisant les hommes afin que ces derniers osent accompagner les femmes et misent sur elles ? C’est d’après cette (simple) réflexion que Danone a décidé d’organiser un séminaire à destination des entreprises, centré sur les femmes et ouvert aux hommes. Et ça marche, apparemment…
*« Plus de femmes aux postes à responsabilité : une clé de la croissance et de la stabilité économique »
Emilie VIDAUD