Nous traversons incontestablement une période où nos capacités cognitives au travail sont sur sollicitées. En effet, ces développements les mettent au défi quotidiennement : de nouveaux outils de travail, des processus revus à l’aune du télétravail, l’autogestion nécessaire à une journée à travailler de chez soi, pour commencer. Quels enseignements les managers peuvent-ils tirer des sciences cognitives pour aider leurs équipes à traverser ces bouleversements successifs ?
Respecter le rythme de travail de chacun
Connaissez-vous le chronotype ? Ce concept désigne le rythme biologique sur lequel opère chaque être humain et joue un rôle déterminant dans notre activité cognitive. Jérémy Coron, qui accompagne les cadres dans la recherche de performance, pointe vers l’utilité de ce concept clé. “Parfois les RH, responsables, managers, peuvent imposer un travail assez conséquent, stimulant ou dense au niveau cognitif, typiquement le matin à une personne qui n’est pas faite pour travailler le matin, et inversement,” explique-t-il. Or, comprendre les moments de performance optimale de chaque membre de son équipe contribue à un travail de meilleure qualité.
“Un manager, un RH ou un cadre qui connaît cette notion de chronotype peut plus facilement comprendre ses collaborateurs et réellement leur donner le travail adéquat au moment approprié. Les salariés sont alors plus productifs, plus heureux de leur travail, parce qu’ils seront compris et auront les capacités de l’accomplir pleinement,” conseille Jérémy Coron.
Comment intégrer le chronotype de chacun au management à distance ?
- Départager le travail au sein des équipes par chronotype
- Alterner les tâches qui demandent un travail cognitif plus intense
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Aménager des plages de travail collaboratif courtes (par exemple de 10h à 12h et de 14h à 16h) et autoriser les collaborateurs à effectuer leurs tâches en dehors quand il leur est plus propice.
Revaloriser le droit à l’erreur
L’importance du droit à l’erreur a plusieurs fois été mentionnée comme une des clés des nouveaux modes de management. Il est donc impératif de dédramatiser l’échec, afin de redonner envie aux collaborateurs de tenter des choses et de faire preuve de créativité.
“Se tromper est très mal vu, comme étant quelque chose de faillible, un tort ou encore la démonstration d’un manque de compétences. Alors que pourtant, l’erreur est clé pour apprendre au cerveau à faire quelque chose,” analyse Jéremy Coron.
Les managers se doivent également d’adopter des réflexes qui aident à surmonter l’échec, par la pratique du feedback immédiat pour revoir les actions en situation, par exemple.
“Suite à une erreur, ça va être le feedback qui va la corriger et permettre au cerveau de modifier son modèle du monde, pour l’affiner et ne plus commettre la même erreur par la suite et donc d’apprendre plus efficacement.”
Mobiliser ses capacités cognitives au travail au service du droit à l’erreur :
- Accepter que les erreurs font partie du processus d’apprentissage.
- Donner un feedback sitôt l’erreur commise.
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Organiser des exercices de réflexion comme le retour sur expérience suite à un projet aux résultats décevants permet d’en tirer les leçons et de mieux avancer par la suite.
Optimiser l’apprentissage en entreprise en alliant management et neurosciences
“Les pratiques traditionnelles de l’apprentissage ne sont pas efficaces pour mémoriser durablement des informations, par exemple : donner beaucoup d’informations d’un coup. Elles ne sont pas adaptées au fonctionnement de notre cerveau,” affirme la conseillère scientifique de 2Spark, Vasilia Skvortsova qui détient un doctorat en neurosciences cognitives.
La start-up adapte les sciences cognitives au travail pour mieux accompagner les entreprises clientes dans le cadre de leur transformation digitale, un période riche en nouvelles informations denses et concentrées. Dès 1985, le philosophe allemand Hermann Ebbinghaus a conclu, des suites d’une expérience intitulée la “courbe de l’oubli”, que la mémoire humaine n’était capable de retenir que 80% des informations prises en compte par le cerveau. Si l’on veut obtenir une meilleur taux de rétention d’informations, il est primordial de modifier la façon de former les collaborateurs.
Adaptez le parcours d’apprentissage des collaborateurs à la lumière des mécanismes de plasticité cérébrale :
- Diluer les formations intensives d’une ou deux journées en présentiel en plusieurs occurrences. Si l’on en croit la start-up Woonoz spécialisée en apprentissage augmenté par l’IA, “ces formations présentielles ne changent pas radicalement les comportements et souvent les mauvaises habitudes persistent car les temps de simulation individuels sont trop courts pour permettre l’acquisition de réflexes.”
- Fragmenter le timing de l’apprentissage en multipliant les rappels pour mémoire.
- Contextualiser la prise d’informations en proposant des mises en situation des nouveaux gestes et concepts. Dans des postes de service client (en présentiel ou en ligne) par exemple, la mise en situation crée des automatismes qui génèrent un impact immédiat lors du prochain cas client réel.
- Réviser utile. S’il est tentant de se concentrer sur un sujet unique lors des exercices de réitération d’informations, l’entreprise Domoscio également experte en apprentissage informé par les neurosciences conseille de mélanger différents sujets lors d’une même session de révision.
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Personnaliser le processus d’apprentissage en adaptant le niveau de difficulté aux connaissances de départ de chaque collaborateur.
Allier management et neurosciences pour un meilleur télétravail
L’année passée a mis les capacités d’autogestion de chacun à l’épreuve. Les salariés qui ont su régler leurs journées selon leurs responsabilités et leur chronotype vivent certainement mieux le télétravail. Pour ceux qui arrivent à couper court le soir, les heures de sommeil supplémentaires, offertes par l’élimination du trajet au travail, favorisent le fonctionnement optimal du cerveau.
Mêler management et neurosciences peuvent venir redresser la balance des abus du télétravail. En premier lieu, l’exposition à la lumière bleue des écrans pendant la majorité de la journée vient perturber le sommeil, précieux allié d’une bonne performance des capacités cognitives au travail. Une production de mélatonine en berne et nous éprouvons une plus grande difficulté de s’endormir. Enfin, passer la journée assis chez soi peut ralentir les capacités cognitives au travail. Selon les neurosciences, certaines activités physiques auraient impulsé le développement cognitif des humains, comme la chasse qui mobilise l’observation, l’analyse du terrain et le sens de la déduction, par exemple. L’immobilité inhibe aussi des mécanismes cérébraux essentiels comme l’oxygénation du cerveau et la production de nouveaux neurones.
Comment préserver les capacités cognitives au travail ?
- Stimuler l’autogestion chez les collaborateurs en leur laissant adapter le programme de leurs journées et en donnant des horaires et dates claires de livrables.
- Encourager les collaborateurs à la mobilité physique. Ils peuvent effectuer certaines de leurs tâches debout ou encore changer de poste de travail dans leur domicile, si cela leur est possible.
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Appliquer et respecter le droit à la déconnexion le soir et le week-end.
Maï TREBUIL