La lettre de motivation, véritable bête noire des candidats, qui se réfugient souvent derrière des stéréotypes sans grand intérêt pour le recruteur. Au temps de la candidature numérique, le mail de quelques lignes semble détrôner la LM. Du côté des recruteurs, on avoue, parfois à demi-mot, ne plus la lire ou seulement en diagonal. Mais, d’aucun n’osera affirmer qu’elle est inutile. Une candidature sans (lettre de) motivation, c’est un peu comme un mur sans décoration : vide et impersonnel.
La lettre de motivation : un objet de décoration
Il y a ceux qui se fournissent dans les catalogues de la grande distribution et ceux qui font dans le sur-mesure, voire l’extravagant. Dans le premier cas, la lettre de motivation se révèle un tissu de banalités et de formules en kit, prêtes à l’emploi. Piocher dans la vaste littérature rébarbative, et parfois même contradictoire, a l’avantage de faire gagner du temps aux candidats mais n’apporte que peu d’éléments sur les réelles motivations. Preuve que la lettre est moins un sésame qu’un objet de déco : sans grande utilité mais indispensable à la personnalisation.
Qu’apprend-on à la lecture d’un copier-coller des formules les plus courantes ? « Quel intérêt de préciser au recruteur de Renault que son entreprise est l’un des plus grand constructeurs automobiles ? » La question est d’Eric Hauptmann, Directeur du cabinet Solution RH. Selon lui, le schéma VOUS-MOI-NOUS, ou NOUS-MOI-VOUS en fonction des écoles, « n’est pas très efficace. Dans sa lettre de motivation, le candidat doit expliquer pourquoi il postule, donner des informations complémentaires, sur sa mobilité, sa disponibilité, des éléments qui éclaircissent le CV. »
Reléguée au plan de notice explicative, seulement lue lorsque le plan de construction – de carrière – ne suffit pas, la lettre de motivation se résume souvent à un mail. Au temps de la candidature numérique, y a-t-il encore une différence entre la LM et le corps de texte du mail ? « Les deux sont très proches puisqu’il s’agit d’expliquer pourquoi vous postulez », répond Eric Hauptmann. Alors, le mail suffit-il ou la LM a-t-elle sa place en pièces jointes ? « Au candidat de choisir l’exercice dans lequel il est le plus à l’aise », conseille le professionnel du recrutement.
Paradoxe : non lue mais nécessaire
A quoi bon écrire un mail qui ne sera pas lu, ajouter une LM en pièce jointe qui ne sera pas ouverte ? Le candidat est en droit de se poser la question, mais doit jouer le jeu. Celui du recrutement, dont les règles sont aussi sévères que le marché de l’emploi actuel. A gagner : un entretien d’embauche. Les joueurs ne sont évidemment pas logés à la même enseigne selon le domaine dans lequel ils évoluent. « Notre niveau de tolérance est plus élevé pour des profils moins courus », reconnaît Eric Hauptmann. La formule CV+LM et les outils traditionnels restent « les moins risqués » pour les profils standards.
Il est au mois deux raisons de ne pas se passer de la LM ou du mail d’accompagnement : l’ego du recruteur et les logiciels de scoring. « Il peut être vexant de recevoir une candidature sans aucun message », explique le Directeur du cabinet. Le logiciel de scoring, lui, n’a que faire des formules de politesse mais s’intéresse de près aux mots-clés. Une raison de plus d’éviter les fautes d’orthographe, qu’il ne saura corriger, et de lire attentivement l’offre d’emploi.
Ce mode de pré-tri est utilisé par les grands groupes, les multinationales et les cabinets de recrutement généralistes. Un indice : si vous êtes renvoyés vers un formulaire de candidature ou que l’offre insiste sur les formats .doc ou .pdf, vos documents, lettre de motivation et CV, seront probablement scorés. Inutile pour autant de forcer le coffre à coup de caches ou de formules pseudo-savantes d’apparition d’un mot-clé par la négative – du type « je ne parle ni l’anglais ni l’espagnol ». Vous vous retrouveriez dans l’embarras le jour de l’entretien et l’abus de mots-clés est vite repéré.
Au final, n’est-ce pas simplement la motivation qui serait devenue obsolète ? « Les candidats sont moins motivés. Ce qu’ils recherchent, c’est un emploi. Ils répondent même lorsqu’ils n’ont pas le profil », constate Eric Hauptmann. L’ère du numérique et le manque de temps des recruteurs ne sont pas les seuls assassins de la lettre de motivation.