Thomas Vilcot, directeur de recrutement du groupe Casino et président d’un CFA interprofessionnel de l’enseignement supérieur, pratique le recrutement depuis 1998. Avec son ouvrage « Le recrutement responsable », paru chez Afnor en mars dernier, l’auteur délivre des pistes pour réconcilier les entreprises et les candidats, en plaçant la valeur humaine au cœur du recrutement. Rencontre.
Qu’est-ce-qui vous a amené à écrire « Le recrutement responsable » ?
Au fil de mes expériences, j’ai constaté qu’il y avait beaucoup de responsables en recrutement mais peu de recruteurs responsables. Si le recrutement est la fonction la plus ancienne de l’entreprise, elle est désormais confrontée aux outils d’aujourd’hui, à savoir le web 3.0, les réseaux sociaux (…). Or, si les nouvelles technologies ont modifié la donne mais aussi les profils et la nature même des candidats, les responsables en recrutement ont pour leur part peu changé.
Concrètement, qu’entendez-vous par « recrutement responsable » ?
Un recrutement responsable, c’est un recrutement plus humain. Il faut revenir à la notion de rencontre et d’échange avec le candidat. C’est aussi sortir d’un rapport de domination/soumission entre le recruteur tout puissant et le candidat ayant des difficultés à accéder à l’entreprise. Selon moi, il faut accueillir le candidat comme un client. Il mérite de l’attention, un accueil chaleureux. La notion de plaisir, telle qu’on l’envisage dans la démarche d’une rencontre doit également être de mise. Le recrutement responsable c’est aussi revenir aux compétences en mettant notamment en place des liens entre les écoles, les universités et les entreprises qui soient beaucoup plus forts.
En quoi le recrutement, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, ne correspond pas à cette notion ?
Aujourd’hui, le processus de recrutement est devenu de plus en plus long. Comme les entreprises recrutent peu, elles ont mis en place un nombre d’étapes absolument invraisemblables avec des entretiens en cascade, des processus de recrutement qui s’étalent sur plusieurs mois, et ce même pour des postes de cadres juniors ! A cela s’ajoutent des tests, l’intervention de psychologues… Les responsables RH ont, semble-t-il, totalement oublié qu’il s’agissait avant tout d’une rencontre ! Ils confondent le métier de recruteur avec celui de risk manager. Selon moi, revenir aux compétences et à l’humain éviterait bien des dérives !
Cela demande-t-il une démarche différente dans le recrutement ?
Absolument. Le recrutement doit être un projet d’équipe dans lequel le directeur général de l’entreprise est pleinement impliqué. De leur côté les responsables RH doivent également se repositionner. Nous ne sommes plus dans une démarche d’attente, via l’envoi d’un CV et d’une lettre de motivation d’un candidat. Le recruteur doit aujourd’hui animer un vivier de candidats potentiels en ayant notamment une approche sur les réseaux sociaux, à l’instar d’un community manager.
Dans les faits, comment agir ?
Il faut travailler sur deux choses. Mettre en place des indicateurs – « D’où viennent les candidats que je recrute ? Pas le biais de quels supports, de quels outils ? » – et entrer dans une logique de retour sur investissement. Aujourd’hui, ces questions sont confiées à des agences externes via des budgets très importants. Ce n’est pas une démarche de recrutement responsable.
Etre innovant, c’est former l’ensemble des équipes RH aux nouveaux supports de la relation candidats, il faut désormais aller directement à leur rencontre. Il faut savoir que dans trois, quatre ans, il y aura plus de postes à pourvoir que de candidats, notamment via les flux démographiques. Si les recruteurs ne se remettent pas en question, les candidats iront chercher du travail ailleurs, à l’étranger. En réalité, personne ne s’est penché sur la question essentielle du regard que portent les candidats sur le recrutement.
Il serait important de faire des retours de satisfaction des candidats suite à un entretien. Ces éléments permettraient une meilleure analyse de la démarche de recrutement des équipes RH et une approche beaucoup plus pertinente, par la suite, de ce processus.
Gérald DUDOUET