De la chasse aux nouveaux talents ou du développement du capital humain, quel est le meilleur levier de performance ? Cette interrogation en appelle d’autres car la notion de performance pose une question complexe qui interpelle le mode de management. Doit-on la mettre au cœur des processus RH ? Points de vue.
Les RH au service du business ? Une idée séduisante particulièrement discutable pour le DRH groupe de Mazars Laurent Choain : « Il faut sortir de cette sorte d’imperium de la performance, il fait se focaliser les RH sur des objectifs de court terme, rater des virages stratégiques. » Ce n’est pas à court terme que l’on peut par exemple développer l’accession des femmes à des postes de dirigeants, cela demande cinq à dix ans. Maintes fois posée, la question de la performance interpelle les modes de management, elle suppose que celui-ci favorise la prise en compte des attentes de l’entreprise et de celles du salarié. Elle implique aussi d’offrir un cadre de travail satisfaisant et épanouissant. Un incontournable à l’heure où la jeune génération le revendique comme le montre l’enquête que Mazars a menée auprès de la génération Y du cabinet – un archétype des « Yers » tels que les médias les présentent – dans 64 pays, dont 62 ont répondu. « Il en ressort de façon évidente que l’attente de ces jeunes professionnels se fait sur un environnement de travail plus ouvert, convivial, avec une organisation du travail différente », commente Laurent Choain.
Dans une optique de performance, « on va rationnaliser les process, déterminer que l’un est meilleur que l’autre, or, il n’existe pas un modèle performant, il en existe de différents en fonction des entreprises », note Karine Merle, enseignant-chercheur à l’Idrac Lyon. Oublions donc l’idée d’un modèle universel, tout processus doit être pensé dans son contexte, même s’il y a des invariants comme la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité, qui font se retrouver des tendances, des caractéristiques. Ainsi, on n’appliquera pas le modèle de Google à Barclays.
La performance et sa mesure : une approche gestionnaire normale mais réductrice
Pour autant, « témoigner d’une vraie politique RH à travers des plans de formation, du développement de carrière, etc. peut être un vrai levier de performance. Ce qui pose problème, c’est de mesurer la performance », pointe-t-elle. Cette rationalisation de l’approche est normale car l’entreprise est dans une démarche gestionnaire, mais elle veut absolument rendre mesurable l’humain, elle est donc réductrice. « Il faut taire les processus RH, la fonction RH, c’est de la relation », confie le DRH groupe de Mazars. Un point de vue qui ne l’empêche pas de mesurer la performance, des recrutements et de la formation notamment. « On arrive à une vraie mesure de la performance du recrutement en dialoguant avec les pays. Par exemple, si pour remplacer 120 collaborateurs, ils doivent proposer 300 contrats, cela nous interpelle sur notre attractivité sur ce marché ; nous avons alors un véritable risque de ne pas recruter notre « 1er choix ». Autre indicateur significatif à ses yeux, la part du budget formation qui n’est pas destinée à la formation dans le poste : « Ce budget de développement doit être prioritaire car c’est le fondement même de l’employabilité de nos collaborateurs ».
Alors, de la chasse aux nouveaux talents ou du développement du capital humain, quel est le meilleur levier de performance ? « La question est extrêmement complexe car on se heurte encore et toujours à la mesure de la performance, mais les pratiques témoignent de ce qui se passe réellement en entreprise », souligne Karine Merle. On a beau développer une politique de chasse aux nouveaux talents pour apporter du sang neuf, pour favoriser l’innovation, la démarche est vaine si l’on n’a pas de dispositif de fidélisation en fonction des profils. En ce qui concerne l’acquisition de nouveaux talents, « la vraie performance, c’est quand on recrute qui on veut, pas qui on peut », résume Laurent Choain. La formule vaut pour le développement du capital humain.
Sophie Girardeau