La grève perlée, qu’est-ce que c’est ? Chaque employeur est un jour ou l’autre confronté à une grève dans son entreprise, d’autant plus dans un contexte social, économique et politique en tension, comme cela peut être le cas aujourd’hui face au conflit lié à la réforme des retraites. Depuis 1946, le droit de grève est reconnu par la Constitution. Il s’agit de cesser l’activité de façon collective après concertation. Le but ? Faire valoir ses revendications – qu’elles soient d’ordre professionnel et/ou d’ordre politique.
Or, si le droit de grève est étroitement encadré par notre législation – il s’agit d’un droit protégé par la constitution -, certains mouvements collectifs s’en rapprochent et il est parfois difficile de savoir s’ils sont légaux et comment réagir en tant qu’employeur. C’est le cas notamment de la grève perlée qui n’implique pas une interruption de l’activité et n’est donc pas une grève en tant que telle.
Mais de quoi s’agit-il exactement ? La grève perlée est-elle licite ou non ? Pour ne plus être pris au dépourvu face à vos salariés, myRHline vous livre ici quelques éclairages.
Qu’est-ce qu’une grève ?
Rappel des conditions de validité d’une grève
Pour bien comprendre en quoi consiste la grève perlée, il est important de rappeler les grands principes de la grève dans l’entreprise.
Pour être licite, cette dernière doit en effet remplir les critères suivants :
- L’action d’une cessation collective du travail. Elle doit être exercée par plusieurs salariés (au moins deux collaborateurs). Un seul salarié peut cesser le travail uniquement s’il est l’unique employé de l’entreprise ou si ce salarié participe à une action de mouvement national.
- L’action d’une cessation concertée du travail. Plusieurs salariés doivent s’entendre pour engager un débrayage. L’appel d’un syndicat à faire grève n’est pas nécessaire.
- L’action d’un arrêt total de l’activité. Le travail doit cesser totalement, même pour une courte période. Aucune durée minimale n’est en effet requise : elle peut aussi bien durer une heure que quelques jours.
- Des revendications professionnelles : conditions de travail, rémunération, hygiène et sécurité…
Qu’appelle-t-on une grève perlée ? Définition
Une grève perlée, c’est quoi ? La jurisprudence propose une définition claire de la grève perlée. La grève perlée consiste en une exécution du travail au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses (cass.soc.05.03.53, no 53-01.392). Cela veut dire que les salariés doivent avoir l’intention de dégrader les conditions de l’exercice normal de l’activité de l’organisation, du rythme de travail ou de la production. La mise au ralenti de l’activité de l’organisation professionnelle est également une caractéristique de cette grève dite perlée.
La grève perlée n’entraînant pas une cessation totale de l’activité (condition essentielle de la grève), ce mouvement est par conséquent illicite.
« La grève est un arrêt complet du travail des salariés. En revanche, travailler au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses, sans interruption véritable d’activité (« grève perlée ») ne constitue pas une grève véritable et peut être considéré comme une faute professionnelle susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires », explique le ministère du Travail, du Plein Emploi et de l’insertion.
Bon à savoir. Sur le même principe, est également illicite la cessation du travail limitée à une obligation particulière du contrat (par exemple le non-respect d’une obligation d’astreinte Cass. soc. 2-2-2006 n° 04-12.336). De même que la « grève du zèle » , c’est-à-dire une exagération volontaire des règles et procédures afin de ralentir la productivité ou paralyser l’entreprise.
La grève perlée : un mouvement illicite à ne pas confondre avec d’autres
Attention à ne pas confondre la grève perlée avec d’autres mouvements sociaux où les salariés cessent leur travail pour une courte durée et de manière répétée. Par exemple, cela avait été le cas à la SNCF en 2018, avec des journées de grèves prévues sur plusieurs mois. Cette situation serait tout à fait légale : des interruptions de travail courtes et répétées constituent l’exercice normal du droit de grève (cass. soc. 25-1-2011 n° 09-69.030).
Ainsi, le terme « grève perlée » employé dans les médias français pour qualifier la cessation d’activité des salariés de la SNCF serait inexact.
« La grève perlée des cheminots, contre la suppression du statut pour les nouveaux embauchés, a débuté, ce mardi. La mobilisation des agents est grande » (Ouest-France, avril 2018)
« SNCF : la grève perlée touche à sa fin mais la bataille continue » (Le Point, juin 2018)
« Rétro 2018 dans l’Hérault : la grève perlée à la SNCF (…) d’une amplitude jamais vue et d’une forme inédite : trois mois de débrayage à la SNCF à raison de deux jours chômés tous les cinq jours, soit 36 journées d’actions sur les rails pour lutter contre la réforme ferroviaire et la remise en question du statut de cheminot » (France Bleu, janvier 2019)
Grève perlée : quelles sanctions pour les salariés ?
La grève perlée n’étant pas licite, les employés concernés ne sont pas protégés par les dispositions légales sur le droit de grève, qui interdit notamment toute sanction ou licenciement.
Ainsi, en ne respectant pas leurs engagements contractuels, ils commettent une faute professionnelle.
L’employeur peut alors mettre en œuvre une procédure disciplinaire pouvant aller, selon la gravité de la faute, jusqu’au licenciement.
« Le salarié participant à un mouvement illicite n’est pas protégé par le droit de grève. Il risque une sanction disciplinaire et peut être licencié », rappelait le ministère de l’Intérieur.
En revanche toute sanction pécuniaire serait interdite. L’organisation ne peut pas opérer de retenues sur la rémunération des salariés procédant à une grève perlée en raison et à une exécution défectueuse de leur mission (cass. soc. 16-3-1994 n° 91-43.349). La mise en place de la cessation du versement de salaire serait donc interdite.
Quelles sont les différentes formes de grèves ?
Il existe bien-sûr d’autres formes de grèves – autres que la grève dite « perlée ».
La grève du zèle consiste, pour les salariés désireux de faire valoir leurs revendications au sein de leur entreprise, de se contenter de faire le strict minimum à leur travail de manière à ce que l’activité décélère ou qu’elle soit partiellement interrompue.
La grève dite « d’autosatisfaction » consiste pour les salariés à faire jouer leurs droit de grève de façon illicite sans négociation auprès de l’employeur.
Mais il existe d’autres types de cessations de travail, comme la grève « bouchon » qui a pour objectif de faire blocus au fonctionnement d’un service de l’entreprise en cessant de travailler. Elle ne reste légale qu’à condition qu’elle ne porte pas un préjudice important.
La grève de solidarité, quant à elle, consiste à se mettre d’accord avec l’ensemble de ses collaborateurs pour cesser de travailler collectivement pour soutenir les revendications d’autres grévistes.
Enfin, la grève d’occupation consiste, pour les salariés, à occuper leur lieu de travail pour faire valoir leurs contestations et empêcher le bon fonctionnement du travail. On peut notamment entendre parler de « piquet de grève » lorsque les contestataires se positionnent à l’entrée d’une entreprise pour empêcher les collaborateurs non-grévistes de travailler. En France, cette pratique n’est pas légale et met à mal les conditions d’exercice de l’activité des organisations professionnelles.
Pour savoir si une cessation de travail peut être pratiquée légalement, il est nécessaire de se référer aux dispositions en place dans le Code du travail.