Nombreuses sont les entreprises qui mettent en avant leur démarche « d’innovation participative », lancent leur « plateformes collaboratives » à grand renfort de communication, mettent en avant un management qui veut prendre en considération l’avis de ses collaborateurs, les valoriser, les impliquer par leurs idées. De quoi séduire la Génération Y, née sur Internet, plongée dans les réseaux sociaux dès leurs premiers pas. Mais innovation participative rime-t-elle avec management participatif ?
Le management participatif : une fausse nouveauté
Le « participatif » et le « collaboratif » sont des mots à la mode. Une mode en partie amenée par l’émergence et la désormais omniprésence des réseaux sociaux, tant dans la vie privée que professionnelle. On les introduit jusqu’en politique lorsque certains parlent de démocratie participative. Un pléonasme. Tout comme l’est l’expression management participatif. Le manager n’a-t-il pas besoin de collaborer avec ses collaborateurs ? Par définition, le management est participatif.
Mais l’expression concrète d’un management participatif fait rêver la Génération Y. Les jeunes actifs veulent participer aux échanges, prendre part dans les décisions de leur équipe, et plus largement de leur entreprise, commenter, comprendre et non pas seulement effectuer les tâches demandées. En mars dernier, le cabinet Deloitte demandait aux futurs diplômés (Bac+ 5, issus des universités et Grandes Ecoles) de décrire « l’entreprise idéale de demain ». Les deux tiers d’entre eux disaient concevoir le management comme participatif. Loin devant les trois autres choix de management proposés : délégatif, paternaliste ou directif.
De la simple boîte à idées à la plateforme collaborative, l’innovation participative apparaît surtout comme un outil « marque employeur ». Air France, Renault, Bouygues Télécom ou plus récemment dans nos pages Solvay et ses Innov’acteurs, Leyton et ses Trophées Idées… impossible d’échapper à la notion de « participatif », sans compter les lancements de Réseaux Sociaux d’Entreprise. Pourtant, pour Eric Delavallée, spécialiste du conseil en organisation et management, fondateur d’IM Conseil et Formation, le management participatif n’est pas si en vogue dans la réalité des entreprises. Bien au contraire, remarque-t-il, « les processus de décision sont moins participatifs qu’il y a 15 ans. Les entreprises se sont re-centralisées parce qu’il faut aller plus vite, faire plus avec moins ». Quant à l’aspect novateur du management participatif, « il est né dans les années 60, 70 et n’a donc rien de nouveau », ajoute-t-il.
Si les entreprises développent des outils de collaboration, comme des plateformes d’échange d’idées ou des réseaux sociaux internes, « ils restent faiblement articulés autour des processus de décision », considère Eric Delavallée. Selon lui, c’est davantage le style de management que le management lui-même qui est qualifié de participatif, comme il l’explique sur son blog « Questions de Management »[1].
La finalité du « participatif » : l’échange ou le challenge ?
Le point de départ d’une démarche participative est toujours le même : favoriser l’émulation. « Notre métier implique de se renouveler constamment, explique dans un récent communiqué Anthony Kohler, président de Leyton et du jury des Trophées Idées 2011. C’est pourquoi il est essentiel de valoriser l’innovation participative ». Si le concept de « participatif » est source d’émulation, il l’est de deux manières : il y a, d’une part, l’outil exclusivement basé sur l’échange, comme la plateforme collaborative, la boîte à idées ; à la clé : la seule reconnaissance de ses pairs et/ou de la direction. Puis il y a l’outil axé sur le challenge, la compétition, avec récompense – prime ou cadeau d’entreprise – à la clé. C’est le cadre des Trophées Idées de Leyton par exemple. « Un concours tel que celui-ci favorise l’émulation, surtout quand il y a un séjour de 4 jours à New-York pour les trois équipes gagnantes à la clé ! », met en avant Anthony Kohler.
Du côté de Solvay, la notion de « gagnant » n’existe pas dans leur démarche d’innovation participative. La concrétisation de l’idée est, en soi, une récompense. « Il peut y avoir une récompense financière, mais surtout une reconnaissance interne », insistait, dans un précédent article sur la question, Thierry Collard, responsable des nouvelles activités et technologies de Solvay France.
L’émulation, comme la motivation, naît-elle du seul esprit de challenge et corporate que le manager insuffle à son équipe ? Ou bien a-t-elle besoin d’une récompense sonnante et trébuchante ? La même question ne cesse de se poser.
Typhanie Bouju