Vous l’avez loupé sur LinkedIn ? Jonathan Goldfarb est directeur du développement des ressources humaines pour le Groupe Synergie.
Passé par Monoprix puis par Franprix, il revient sur son parcours et nous livre sa vision des enjeux RH sans détour.
Nous avons passé 20 minutes avec Jonathan pour comprendre qui il est. Si 7 823 personnes suivent Jonathan Goldfarb sur LinkedIn, ce n’est peut-être pas par hasard.
Jonathan, quel est ton parcours ? 🎓💼
J’ai commencé par suivre des études d’économie. Après mon bac, je ne me plaisais pas beaucoup à l’université, alors j’ai décidé de commencer à travailler.
Donc j’ai commencé dans la restauration, chez McDonald’s où j’ai travaillé environ 4 ans, puis en brasserie, 4 ans également. J’ai donc fait 8 ans de terrain.
En parallèle de cette activité terrain à temps complet, j’ai évolué sur différentes fonctions. J’ai commencé comme équipier avant d’évoluer vers la fonction de chef de rang, puis manager. Finalement, je suis venu en renfort sur le recrutement et la formation. C’est comme ça que j’ai découvert un peu le milieu.
Durant cette période, j’ai aussi suivi des cours Florent, avec des activités d’art dramatique. À l’issue de tout ça, j’ai souhaité reprendre des études. D’abord en psychologie clinique, puis en ressources humaines.
En octobre 2012, j’ai effectué ma première alternance en ressources humaines chez Monoprix. J’ai été chargé du recrutement. Finalement, j’y suis resté plus de cinq ans et j’ai évolué sur différentes fonctions jusqu’au poste de manager. Je travaillais notamment sur des projets autour de la startupisation de Monoprix.
Puis j’ai évolué sur le volet RH, sur l’innovation RH, le développement de partenariats… À cette époque, j’avais commencé à mettre en place un certain nombre d’outils.
On m’a également proposé de travailler sur les sujets relatifs à la marque employeur. Aujourd’hui, et depuis environ 6 mois, je travaille pour le groupe Synergie, en tant que directeur du développement des ressources humaines.
Au quotidien, je m’occupe du recrutement, de la formation et de tout ce qui a trait à la gestion des talents, des carrières, mais aussi de la marque employeur et de l’innovation RH.
Qu’est-ce que tu apportes à la fonction RH ? 👊
Il y a quelques années, quand tout cela commençait à se développer, j’ai effectué un gros travail de veille sur ces outils. Grâce à mon expérience, j’ai eu la chance d’avoir des bases solides, couplées à une certaine réputation qui m’a permis de tester pas mal de choses.
J’ai donc été beaucoup sollicité, comme mentor ou témoin, notamment par le Lab RH. Ce qui me permet d’avoir accès à un ensemble de panels, à différentes tables rondes où j’échange avec différents pairs qui livrent aussi leurs retours d’expérience sur l’utilisation d’outils stratégiques, en complément de ma veille personnelle.
Et je pense qu’aujourd’hui, en tout cas sur les fonctions que j’occupe, le fait d’avoir cette connaissance aide beaucoup à gagner du temps, à trouver des prix intéressants, aussi, puisque les outils RH coûtent quand même assez cher. Quand on déniche des petites start-up qui vont commencer, on a tout de suite des idées, des engagements et des prix intéressants.
Et au-delà de mon travail de veille, je pense que, dans la pratique RH au quotidien, la conduite de projets, la mise en place de petites solutions comme ça et la coordination permettent d’évaluer assez rapidement un outil sur sa technologie et son marché.
Quels sont les grands défis RH ? 🦸🏻♂️🦸🦸🏾♀️
Il y en a beaucoup. Me concernant, je fais face à un réel défi d’attractivité. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, le secteur du travail temporaire n’est pas très vendeur. Synergie, que je représente aujourd’hui, est finalement assez peu connue, par rapport à des boîtes comme Adecco ou Randstad par exemple. Pourtant, nous sommes en cinquième position sur le marché européen, ce qui n’est pas rien. Donc j’identifierais un réel grand défi sur ce point.
Aussi, je crois que cela fait écho à d’autres défis bien connus des RH : la pénurie de talents et la difficulté à fidéliser les collaborateurs. Nous évoluons aujourd’hui dans une logique où collaborateurs et candidats doivent être considérés comme des clients, dans une démarche de marketing RH. Car nous sommes précisément dans cette logique : on utilise des techniques issues du marketing ou du commerce pour séduire, pour fidéliser. Donc je crois qu’il faut investir cette dimension-là, et développer une vraie relation avec les talents. Relation qui peut se construire et se déconstruire, avec, par exemple, les salariés boomerang.
Ensuite, je pense que l’un des défis RH consiste aujourd’hui à prouver que la fonction est un modèle de business.
Pour y arriver, il faut nécessairement passer par l’apprentissage de la data. C’est-à-dire que lorsque l’on fixe un projet, quand on met en place quelque chose, il faut donner des KPI, trouver des indicateurs plus fins que ceux que l’on utilise habituellement. Ce qui implique de pouvoir “naviguer” dans les chiffres.
Enfin, pour revenir sur la problématique de fidélisation, j’identifie un enjeu connexe : celui de la transmission de savoirs entre seniors et juniors. C’est un sujet avec lequel nous avons beaucoup de difficultés. La génération Z est une génération qui a besoin d’inspiration, besoin de rêver… Mais personnellement, je trouve que nous sommes en train de perdre le goût du travail bien fait, une certaine culture de l’excellence. Aujourd’hui, on travaille vite, mais pas forcément très bien. J’ai en tête des exemples assez flagrants, dans le bâtiment ou le ferroviaire par exemple.
Le goût du travail bien fait était plus présent chez les plus anciens. C’est ce qu’il faut transmettre à la nouvelle génération de talents. On a souvent tendance à dire que les jeunes n’ont plus envie, ne sont plus motivés, etc. Mais en fait, nous vivons dans une vie qui va à 200 à l’heure tout le temps. Et l’on perd cette “envie de fignoler”, qui, certes, prend un peu de temps, mais qui permettra d’en gagner si l’on n’a pas à revenir dessus 6 mois plus tard.
Donc je pense qu’il y a quelque chose à jouer avec les seniors qui sont puissamment incarnés dans cette culture de l’excellence, envers les jeunes, pour les faire venir chez nous.
Le secret de ta visibilité sur LinkedIn ? 🧙♂️🪄
Très honnêtement, je ne pense pas que c’est moi qui fais véritablement le job.
En fait, j’ai eu de la chance de mettre en place des choses parce que j’ai un côté un peu curieux, déchiffreur. Et j’ai su faire valoir mon expérience, ma plus-value en matière d’innovation RH, ce qui a permis de faire connaître mon travail à l’extérieur.
Mais je crois aussi que lorsque l’on atteint un certain nombre d’abonnés, la visibilité se renforce. Pourtant, je publie très peu. Je trouve d’ailleurs que je ne publie pas assez. Ma dernière publication remonte peut-être à un mois. Donc je n’ai pas de secret à proprement parler, je crois que dans un sens, les autres font très bien le travail à ma place.
Quand j’étais chez Franprix, on avait mis en place des méthodes de recrutement non discriminatoires, sans CV. Nous avons été parmi les premiers à le faire. On a mis en place des outils de onboarding complètement révolutionnaires sur de la reconnaissance vocale, des simulations 360, etc. Autant de choses qui ont permis de me faire connaître, sans doute.
« Après, j’ai monté un programme Emmaüs pour travailler avec des personnes sans-abri, et je pense que tout cela a créé cet engouement. Puis, il y a eu les trophées. Car, quand on a mis en place certaines innovations, on nous demande de concourir. Et puisque j’en ai remporté quelques-uns, je crois que tout cela a créé une émulation autour de ça, effectivement. »
Tu es : workaholic ou work-life balance ? 🔥
L’équilibre vie professionnelle, vie personnelle, c’est bien. Mais quand c’est nécessaire. Il est difficile de trouver un équilibre lorsque l’on manque de “cadre”.
Et il me semble qu’aujourd’hui, on a tendance à basculer complètement d’un côté ou de l’autre. Quand j’entends certaines choses à propos des candidats, que l’on considère comme des “candidats-rois”, je crois qu’à l’instar des enfants-rois, ils n’ont plus de cadre. À un moment donné, je crois que l’on a besoin de repères. Mais on est en train de les supprimer.
Dans l’absolu, je suis pour l’équilibre vie professionnelle vie personnelle, il n’y a pas de débat. Mais je ne suis pas pour un système où l’on instaure trois jours de télétravail par semaine parce que le full remote, c’est à la mode. Je pense qu’il faut (re)cadrer les choses.
D’une certaine manière, je suis peut-être workaholic, mais parce que j’aime ce que je fais, d’autant plus que mon travail n’est pas si éreintant. C’est mon rapport au travail, mais je respecte bien évidemment tous les autres.
Je pense que les choses sont différentes, par ailleurs, lorsque l’on aime moins son travail et que là, effectivement, on a besoin de cette séparation, de cette distanciation.