Vous l’avez loupée sur LinkedIn ? Jessica Djeziri est DRH chez Bloomays et exerce depuis plus de 15 ans au sein de la fonction RH.
Très présente sur LinkedIn, Jessica revient sur son parcours et sa vision des défis RH.
Nous avons passé 20 minutes avec Jessica pour comprendre qui elle est.
Si 8 230 personnes suivent Jessica Djeziri sur LinkedIn, ce n’est peut-être pas par hasard.
Jessica, quel est ton parcours ? 🎓💼
Par vocation, j’ai commencé par suivre des études de droit, comme beaucoup, dans le but de devenir avocate en droit pénal. Après un démarrage difficile pendant les premières années, j’ai fini par découvrir une spécialisation liée aux ressources humaines : le droit du travail, qui a finalement remplacé ma vocation initiale.
J’ai mis le pied à l’étrier dans le domaine des RH, avec un premier stage en tant que chargée de gestion des RH en 2007 pour la Société Générale. Par la suite, j’ai travaillé pour différentes entreprises comme Accenture, France Télécom, PhotoBox ou, plus récemment, Shift Technology, 365Talents et Ornikar.
En 2023, j’ai rejoint Bloomays pour démarrer une aventure entrepreneuriale avec des experts en recrutement, dont j’avais été la cliente.
« Aujourd’hui, je suis officiellement Chief People Officer & Subject Matter Expert pour l’entreprise de recrutement Bloomays. »
Qu’est-ce que tu apportes à la fonction RH ? 👊
Au fil des années, j’ai développé un certain pragmatisme en plus de mes compétences juridiques qui sont pour moi un socle essentiel des connaissances de base des RH.
J’exerce cette profession depuis un certain nombre d’années maintenant. J’ai donc pu développer une certaine expérience grâce à des mentors RH, mais également aux côtés de dirigeant·e·s que j’ai pu côtoyer.
J’ai aussi créé une communauté de professionnels des ressources humaines dans le secteur Tech — HumanizR — il y a près de dix ans, avec une camarade d’université, Johanna Ponté. Notre objectif était de créer un véritable espace d’entraide, de conseils et de partage de bonnes pratiques. Ce qui n’existait pas à l’époque.
Quand on est RH d’une entreprise à taille humaine, une fois que l’on a élaboré la stratégie RH pour notre entreprise, on est aussi en charge de son exécution… C’est là toute la spécificité d’être DRH au sein d’une PME ou d’une start-up/scale up : il faut être partout !
Quels sont les grands défis RH ? 🦸🏻♂️🦸🦸🏾♀️
À mes yeux, l’un des sujets majeurs est déjà de reprendre une place stratégique au sein de l’organisation. Pour cela, il faut que les RH arrivent à alléger le poids des « opérations RH » qui aujourd’hui pourraient gagner à être plus automatisées. Pour faire simple, je pense qu’on doit s’efforcer d’exploiter les progrès technologiques afin d’automatiser un maximum de tâches répétitives, sans grande valeur, et se consacrer davantage au temps humain, à l’interaction avec les individus, pour générer plus d’impact.
Ce que je déplore — et les employés ne s’en rendent peut-être pas toujours compte —, c’est qu’au sein des équipes RH, nous sommes submergés par ces fameuses opérations. Prenons un exemple concret : la gestion de la paie et de l’administration du personnel sont des responsabilités récurrentes, incontournables, même lorsque nous externalisons une partie de cette fonction à une entreprise tierce. Nous sommes constamment plongés dans ces tâches, confrontés à des problématiques qui reviennent en boucle.
Il existe aujourd’hui de nombreux outils, notamment basés sur l’intelligence artificielle, qui révolutionnent ainsi certains pans de notre travail. Il est crucial de tirer parti de ces avancées pour pouvoir se recentrer sur les relations humaines.
De mon point de vue, j’ai l’impression que les départements RH sont encore assez attentistes face à ces avancées. Et ce, alors qu’il existe déjà des solutions incroyables qui pourraient nous faire gagner en efficacité et en impact.
Dans les entreprises de taille intermédiaire dans lesquelles j’évolue, nous cherchons en permanence à nous acculturer aux nouvelles méthodes et outils. Pour cela, nous nous formons et nous rencontrons des fournisseurs de solutions qui pourraient nous aider à gagner en rapidité d’exécution, grâce aux innovations liées à l’intelligence artificielle par exemple.
Les entreprises de plus grande taille, quant à elles, peuvent utiliser des outils basés sur des modèles prédictifs pour gérer les talents par exemple (comme avec 365Talents), ou encore prévoir les démissions (comme le promet T.O.P).
L’IA peut aussi effectuer des prédictions ou des analyses, par exemple sur des enquêtes d’engagement collaborateur, et faciliter la vie des équipes RH sur ce sujet.
Aujourd’hui, il me semble indispensable de mesurer la satisfaction et l’engagement des équipes très régulièrement, par exemple tous les trois mois ou plus, pour avoir des informations réalistes, pertinentes, reflétant bien le ressenti des équipes. L’IA peut d’ailleurs nous aider à rendre ces projets d’enquête de satisfaction plus efficaces en nous suggérant des questions intéressantes, en nous aidant dans l’analyse des résultats et en proposant des axes d’amélioration aux managers.
Le secret de ta visibilité sur LinkedIn ? 🧙♂️🪄
Alors, j’ai découvert que je figurais sur une liste d’influenceurs fin 2023. Cela m’a fait sourire et plaisir en même temps !
Je suis présente sur LinkedIn depuis mes débuts professionnels en 2007. En réalité, je n’ai pas de stratégie particulière pour augmenter mon nombre d’abonnés. Je suis sollicitée assez naturellement, car ma fonction est assez visible depuis le début de ma carrière. En tant que recruteuse, c’était normal d’ajouter de nombreuses personnes au quotidien !
Je pourrais faire appel à notre équipe marketing, mais j’ai fait le choix de conserver la main sur mon compte LinkedIn. Je continue donc à poster moi-même, à réagir sur des sujets d’actualité et à partager de l’information… Changer ma façon de poster pour créer plus d’influence ne m’intéresse pas, je préfère rester fidèle à ce que je fais depuis 15 ans.
Je suis très active au sein de différentes communautés RH, dont la mienne qui a été créée loin de toute idée de monétisation. L’intention première reste l’entraide, sans forcément chercher la croissance du nombre de membres. Je consacre aussi beaucoup de temps à aider quand je le peux, à apporter mon soutien à des entrepreneurs de différentes générations ou aux personnes qui me sollicitent, pour des conseils sur leur réorientation vers des carrières en RH par exemple ou pour obtenir mon avis sur leur produit dans le paysage de la HR Tech. Je siège également au conseil d’administration d’une association favorisant l’insertion des jeunes, MaVoie.org.
Toutes ces activités demandent du temps, que je prends avec plaisir. Je ne cherche pas nécessairement à avoir du retour sur investissement, mais je me dis que c’est important de « give back » et de faire profiter de mes connaissances et mon expérience, si cela peut aider. Bien sûr pendant très longtemps, j’utilisais beaucoup mon compte LinkedIn avant tout pour renforcer la marque employeur de mon entreprise.
Aujourd’hui, c’est devenu un outil de travail plus complet pour moi. En tant qu’entrepreneuse, LinkedIn me sert d’outil de communication principal afin de faire gagner en visibilité nos différentes offres de services.
Un peu poussés par l’algorithme de Linkedin, on aurait envie de poster sur un certain type de format, en suivant des règles un peu convenues. Mais ce n’est pas du contenu qui me plaît. Je pense qu’il faut rester authentique et fidèle à ses convictions.
Tu es : workaholic ou work-life balance ? 🔥
Étant novice en entrepreneuriat, j’ai la chance de m’être associée à des personnes qui ont pu commettre des erreurs sur ce sujet avant moi. Ce qui, je suppose, m’aide à ne pas les reproduire.
Personnellement, je ne me considère pas du tout workaholic. Cependant, en tant que directrice des ressources humaines, j’exerce un métier où l’on a tendance à penser que l’on est indispensable, ou bien nos employeurs nous font ressentir qu’on l’est, à tort. Je dis toujours à mes équipes que nous ne sommes pas chirurgiens, nous ne sauvons pas des vies. Il peut y avoir des situations d’urgence, bien entendu. Mais dans l’ensemble, nous pouvons — et nous devons — décrocher.
Un exemple que je donne fréquemment concerne le recrutement. Envoyer une offre d’embauche à 23h00 un vendredi soir, comme j’ai pu le faire parce que j’étais dans un environnement de travail qui me laissait penser qu’il fallait impérativement que je le fasse, est inutile. C’est à ce moment-là que des erreurs peuvent survenir, dans la rédaction de l’offre par exemple. Personnellement, je ne fais plus cela. Parce que j’ai aussi compris que les candidat·e·s préfèrent attendre le lundi pour recevoir leur offre et commencer à y réfléchir, plutôt que recevoir un mail à une heure tardive !
J’ai beaucoup progressé sur ce point. Au sein de Bloomays, nous avons instauré une semaine de 4 jours et demi, qui s’applique à tous. Cela nous pousse à être plus efficaces toute la semaine. Pour moi, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle est crucial, et la direction doit montrer l’exemple. Si vous montrez que vous êtes constamment connecté à 100 %, cela peut envoyer le mauvais message aux équipes qui vont penser en retour que c’est ce qui est attendu d’elles.
Par exemple, l’un de mes associés vit au Mexique. Malgré le décalage horaire, cela fonctionne bien, car nous travaillons de manière asynchrone et utilisons des outils qui respectent le temps de chacun. De mon côté, il m’arrive aussi de travailler en décalé. Mais au lieu d’envoyer des messages immédiatement, je les programme. Les destinataires les recevront au moment opportun. Cela ne coûte rien et évite de stresser les gens avec des notifications intempestives. Le droit à la déconnexion, c’est une avancée sociale indispensable !