« Action-réaction » ou troisième loi ou principe des actions réciproques de Newton, ici reprise par la Cour de cassation.
Car dans cette affaire, une salariée avait été licenciée en 2012 pour faute grave.
L’employeur lui avait reproché son comportement déloyal résultant dans les faits :
- d’avoir adopté progressivement une attitude de moins en moins collaborative, plusieurs salariés s’étant plaints au cours des derniers mois de rumeurs calomnieuses qu’elle aurait lancées dans l’entreprise afin de créer des dissensions au sein de l’équipe ou de générer une animosité à l’égard de l’employeur ;
- d’avoir tenté d’obtenir le paiement d’une prime de bilan en se fondant sur un document sur lequel elle aurait apposé seule, de son propre chef, le tampon de la société afin de pouvoir s’en prévaloir à des fins personnelles.
Cependant, comme l’ex-salariée licenciée se plaignait d’avoir subi un harcèlement moral, elle saisit en 2013 la juridiction prud’homale, et la cour d’appel condamna l’employeur au paiement de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, et déclara nul son licenciement, considérant que le licenciement avait été au moins en partie motivé par les faits de harcèlement moral qu’elle avait subis.
Devant la Cour de cassation, la société faisait relever que sa lettre de licenciement ne formulait aucun lien entre les griefs qui lui étaient reprochés et ses accusations de harcèlement moral, que la cour d’appel avait donc dénaturé les termes de la lettre de rupture, que les juges du fond auraient dû caractériser le lien de causalité entre les agissements subis et la rupture du contrat de travail de la salariée, que la salariée n’avait pas été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral, que la lettre de notification du licenciement détaillait amplement le motif qui avait conduit à la rupture du contrat de travail (attitude déloyale de la salariée qui avait tenté d’obtenir une prime à laquelle elle ne pouvait prétendre, en se fondant sur un document manifestement établi pour les besoins de la cause), que la cour aurait dû vérifier si le grief invoqué par la société était ou non établi.
Mais la Cour de cassation donna tort à l’ancien employeur :
- car il résulte des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul ;
- la cour d’appel a constaté que le harcèlement moral, résultant notamment du retrait de certaines de ses attributions, d’injures et humiliations de la part du nouveau gérant ou de salariés sans réaction de ce dernier, était caractérisé à l’égard de la salariée, et retenu, sans dénaturation de la lettre de licenciement, que « l’attitude de moins en moins collaborative » ainsi que le fait de créer des dissensions au sein de l’équipe et de dénigrer le gérant, griefs reprochés à la salariée, étaient une réaction au harcèlement moral dont la salariée avait été victime,
- la cour d’appel, qui n’avait pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement, en a exactement déduit la nullité du licenciement.
La Cour de cassation avait déjà suivi en juin 2011, ce raisonnement d’« action – réaction » (Cass. soc. 29/06/2011 n°09-69444), mais en s’appuyant d’abord sur l’obligation de sécurité de résultat et la constatation d’un défaut de diligences de l’employeur, selon le raisonnement suivant :
- « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur son lieu de travail, de violences physiques ou morales exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements » ;
- « l’employeur ne justifiait d’aucune diligence pour mettre fin à cette situation conflictuelle et ne démontrait pas que les faits matériellement établis par la salariée auraient été justifiés par des éléments objectifs ou auraient procédé de causes étrangères à tout harcèlement » ;
- « il résulte des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail que le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul » ;
- « la cour d’appel, qui a constaté que le harcèlement était caractérisé et que le comportement reproché à la salariée était une réaction au harcèlement moral dont elle avait été victime, n’avait pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement ».
Cela étant, encore faut-il, pour que la réaction du salarié ne soit pas retenue comme étant fautive, que le harcèlement moral à son égard soit en effet constaté et caractérisé.
Stéphane VACCA
Avocat au barreau de Paris
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