Comment séparer mon temps professionnel et mon temps personnel ? La question est au cœur des demandes de formation individuelle à la gestion du temps. Elle émane de personnes sous stress. Si les entreprises engageaient une réflexion globale sur le sujet, les résultats obtenus au niveau individuel ne pourraient-ils pas l’être au niveau collectif et ainsi contribuer au bien-être au travail ?
Telle plateforme de relation client, plutôt que d’imposer des horaires individuels, fait le planning avec toute l’équipe. « Quand elle a besoin de plus de ressources, les collaborateurs répondent à l’appel. Pourquoi ? Parce qu’ils se sentent reconnus et derrière, la productivité suit », observe Anne Aveline, formatrice indépendante et intervenante à l’IFORPRO sur la question de la gestion des temps. La planification idéale est celle qui tient compte des objectifs de productivité et des souhaits des équipes. Elle part d’un postulat : quand on tient compte des besoins des salariés, on les motive et on les mobilise plus facilement. Des entreprises reconnues comme étant celles où il fait bon travailler, telles Google et Leroy Merlin, l’ont compris : lorsqu’une entreprise fait le pari d’impliquer ses salariés dans l’organisation du temps de travail, les résultats sont probants.
Autre constat, le télétravail devient une demande courante des salariés des centres d’appel, notamment. Un signe que le besoin de mieux gérer sa vie professionnelle et personnelle augmente. « La demande individuelle est forte sur le sujet de la gestion du temps mais il manque une réflexion commune des directions et des managers », déplore-t-elle. « On parle beaucoup du stress en entreprise mais c’est comme si on n’établissait pas de lien entre la gestion du temps et la prévention des risques psychosociaux. » Tant que la majorité des demandes émaneront de collaborateurs sous stress, parfois à la limite du burn-out, ou poussés par un manager à l’issue de leur entretien d’évaluation, ou encore, plus délicat, tant que des collaborateurs seront inscrits d’office à des formations à la gestion du temps, la question restera entière de savoir si les entreprises se délestent du sujet en le désignant comme une problématique plus personnelle qu’organisationnelle.
« À chaque fois que l’entreprise répond à un besoin individuel, elle y trouve son compte »
Pour gérer son temps il faut à la base une prise de conscience de son fonctionnement personnel. Or, si toutes les équipes n’ont pas effectué ce travail, il est difficile d’obtenir des résultats au niveau collectif. En outre, les horaires de travail ne sont qu’un pan de la gestion des temps qui elle-même n’est qu’un pan de la prévention des risques psychosociaux. « Une salle de sport, un restaurant d’entreprise, une crèche dans ses murs contribuent aussi à une meilleure gestion du temps, de même que l’agencement d’un bureau – être systématiquement obligé d’aller à l’autre bout d’un couloir pour récupérer des informations dont on a régulièrement besoin fait perdre par exemple un temps fou. À chaque fois que l’entreprise répond à un besoin individuel, elle y trouve aussi son compte », souligne Mme Aveline.
Sophie Girardeau