Inscrite dans le Droit du travail français, la notion d’employabilité n’est pas que contrainte pour les entreprises, elle est aussi un argument de marque employeur : nous formons nos salariés, quand ils sortent de chez nous, ils en savent plus qu’à l’arrivée. Avec ses potentiels et ses limites, la formation, est un de ses facteurs.
« L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi […] ». Inscrite dans le Droit du travail français, la notion d’employabilité n’est pas que contrainte pour les entreprises, elle est aussi un argument de marque employeur : nous formons nos salariés, quand ils sortent de chez nous, ils en savent plus qu’à l’arrivée. En la matière, « la plupart des grandes entreprises font des choses très intéressantes, la création d’universités d’entreprises, par exemple, est révélatrice d’une vraie volonté d’accompagnement », observe Marie Ducastel, présidente du directoire d’Abilways. Il est aussi question quand on aborde le sujet de positionnement de dirigeants attachés à la formation, de compréhension de ses enjeux, de problématiques de recrutement… Les situations sont néanmoins très disparates selon les entreprises, les managers et l’appétence à se former des collaborateurs.
Le faux débat de la priorité donnée aux talents
La formation est un des vecteurs de l’employabilité mais l’on sait qu’elle ne touche pas de façon égale tous les publics. « Les entreprises misent sur les talents, ce sont eux que l’on fait évoluer et qui ont le plus accès à la formation », constate Marion Breuleux, responsable des secteurs management et efficacité professionnelle chez EFE. Il n’est pas évident non plus de faire coïncider les besoins individuels, les trajectoires personnelles et la stratégie de l’entreprise. « Ce sont des négociations, des arbitrages, voilà pourquoi beaucoup de la formation se reporte sur les cadres car ce sont eux qui sont les plus acteurs de leur formation », ajoute-t-elle.
Un faux débat pour Marie Ducastel : « On dit souvent que les budgets servent à ceux qui sont déjà formés mais la problématique naît bien en amont de la formation professionnelle. De plus, une entreprise n’a aucun intérêt à opposer la formation des cadres et celles des moins qualifiés, au vu de la vitesse des mutations, même les plus diplômés ont besoin de se former tout au long de leur carrière pour rester à la pointe des meilleures pratiques de leurs métiers. »
Les principaux freins
Outre cette priorité aux talents, les entreprises se heurtent aux limites des budgets qui empêchent de former tous les collaborateurs en même temps, au fait que le DIF soit, assez couramment, un dispositif mal compris des salariés. Les entreprises communiquent, informent mais rencontrent deux difficultés : impliquer les managers et faire le marketing de leur service formation.
« L’implication des managers fait la différence entre un process qui peut bien fonctionner et la façon dont les managers font vivre et utilisent les dispositifs », note Marion Breuleux. Quant à la promotion de son service formation, c’est un challenge qui s’ajoute pour les équipes mais il permet de reconsidérer les frontières du métier. Celui-ci change, il passe de la gestion d’un budget à une vraie vision stratégique, « on voit aujourd’hui que 90% des universités d’entreprises sont rattachées à la direction générale », ajoute-t-elle.
Par ailleurs, le rapport au temps de travail n’est pas le même dans un grand groupe et dans une PME, celle-ci recouvre des réalités très différentes et l’absence d’un collaborateur durant deux jours pour cause de formation est très compliqué à gérer pour une TPE. Proposer des offres adaptées est de la responsabilité des organismes de formation.
Penser à la sortie des collaborateurs dès leur embauche ?
Peu d’entreprises ont les moyens, en termes de maturité ou de positionnement fort, pour penser à la sortie d’un collaborateur. Et le départ de ce dernier est vécu différemment selon que l’entreprise est leader, attractive ou qu’elle se bat sur son marché – la majorité d’entre elles sont dans ce dernier cas. « Il faut pour cela avoir une politique RH suffisamment mure pour pouvoir relativiser la perte d’un talent », explique Marion Breuleux.
Adapter au lieu de former en masse
Avant, on partait du recensement des besoins lors de revues des talents et des collaborateurs pour derrière, former en masse. D’autres pratiques ont cours aujourd’hui ou se développent progressivement, qui tablent notamment sur des formations adaptées. Nous développons dans un article à suivre le cas de STEF, leader européen de la logistique du froid, qui a notamment une vision plus globale de recensement sous forme de bilan de compétences métiers. De plus, comme le rappelle Marion Breuleux, « chaque collaborateur doit avoir aussi en tête sa propre employabilité quand il définit ses besoins de formation ».
Le rôle du marketing de soi
Enfin, puisque les collaborateurs sont aussi acteurs de leur développement, puisque la formation n’est pas l’unique agent de l’employabilité, rappelons le rôle du marketing de soi. « L’entreprise peut décider qu’il est important pour elle aussi que l’ensemble de ses collaborateurs soient présents, avec un profil vendeur, sur un réseau comme LinkedIn, la réflexion sur les réseaux sociaux les oblige à cela », pointe-t-elle. En tant qu’individu, le collaborateur n’a nullement besoin du feu vert de son entreprise pour travailler cet aspect.
Sophie Girardeau