Le Prix Académique de la Recherche en Management a lancé cette année la Minute Skype du Conseil en Management qui donne la parole aux lauréats, membres du jury, anciens gagnants, … à travers une interview vidéo réalisée par Skype sur un thème en lien avec leurs recherches, le Prix lui-même (organisation, intérêt, retour d’expérience…), la recherche en sciences de gestion, leurs livres, …
Cette nouvelle Edition de la Minute Skype du Conseil en Management donne la parole à Cécile Godé, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2 (laboratoire COACTIS) et nominée au Prix Académique de la Recherche en Management. Elle y montre que le monde militaire constitue un laboratoire naturel pour étudier les pratiques de coordination des équipes de travail et un exemple pour les managers. Ce texte est tiré de cette Minute Skype du Conseil en Management.
Managers vous avez beaucoup à apprendre des militaires !
Le retour d’expérience : un outil incontournable pour la coordination dans les équipes
Cécile Godé, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2 (laboratoire COACTIS) et Jean-Fabrice Lebraty, Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3 (laboratoire MAGELLAN) se sont appuyés sur les expériences des équipes militaires pour étudier la coordination et ainsi offrir aux entreprises des pistes concrètes de management différent. Les entreprises ont tout intérêt à s’ouvrir à d’autres environnements, comme le monde militaire, afin de tirer des enseignements utiles à l’amélioration de leurs propres pratiques et processus. Le monde militaire constitue en effet un laboratoire naturel pour étudier les pratiques de coordination des équipes de travail. Il est révélateur de logiques d’acteurs poussées jusqu’au bout, donc plus apparentes et permet de penser la transposition des pratiques de coordination observées vers les entreprises. Ainsi, les deux chercheurs se sont posé la question : « Comment le retour d’expérience influence-t-il la coordination des équipes en contexte extrême ? ». Ils proposent des éléments de réponse à partir d’une étude de cas réalisée avec les membres de l’Equipe de Voltige de l’Armée de l’air.
L’équipe de voltige de l’armée de l’air structure son retour d’expérience à chaud autour de 3 phases :
- Avant le vol : où les pilotes échangent mutuellement leurs connaissances à travers un langage partagé.
- Pendant le vol : où les erreurs sont corrigées en temps réel.
- Après le vol : juste après l’atterrissage où les pilotes débriefent leur prestation sur un mode formel souvent à partir de vidéos du vol, mais aussi sur un mode informel au sein du bar d’escadron.
L’étude de cas de l’équipe de voltige de l’armée de l’air démontre que le retour d’expérience favorise l’articulation de 3 pratiques de coordination centrales :
- Pratiques de communication : qui permettent de filtrer l’information pertinente de celle qui l’est moins pendant l’action. Pour ce faire, les équipes développent un langage commun qu’elles peuvent exprimer à la fois verbalement et non verbalement à partir d’une gestuelle et d’un langage du corps.
- Pratiques de réflexivité : c’est-à-dire être capable de se remettre en question, d’opérer une critique constructive, mais surtout reconnaitre et apprendre de ses erreurs
- Pratiques de socialisation : qui se développent au sein d’espaces dédiés sur un mode d’échange de connaissances informel voire amical.
Le retour d’expérience favorise l’articulation de ces 3 pratiques et nourrit la capacité d’une équipe à produire une interprétation consensuelle d’une situation, à créer et maintenir le sens.
Ainsi, les entreprises peuvent transposer le modèle militaire de retour d’expériences à chaud pour construire les collectifs et améliorer les pratiques de coordination au sein de leurs équipes projet.
Tout d’abord, le manager doit quotidiennement gérer le paradoxe d’avoir à la fois à mobiliser et unifier les acteurs en tant qu’entité collective, sans pour autant inhiber l’expression des expertises individuelles. Pour ce faire, le manager peut porter son attention sur les trois pratiques mises en avant de : communication, réflexivité et socialisation. Par exemple, au niveau des petites équipes, le débriefing informel, partie intégrante du retour d’expérience « à chaud », joue un rôle clé sur la socialisation et la réflexivité entre les membres.
Ensuite, au niveau des incitations managériales, il s’agit de créer les conditions d’émergence de ces pratiques, car la bonne volonté des acteurs de terrain n’est pas toujours suffisante. La prise en compte du retour d’expérience comme outil de coordination est essentielle. Par exemple, le manager peut encourager les pratiques de retour d’expérience régulières à partir d’un agencement du temps des équipes, ou en proposant et aménageant des espaces de détente. Une certaine prise de conscience est nécessaire pour comprendre que l’absence ou le manque d’incitations de ce type peut finalement conduire à un défaut de coordination au sein des équipes.