Le Droit individuel à la formation (DIF) est une création de la loi du 4 mai 2004. Ce dispositif permet à chaque employé de capitaliser 20 heures par année avec le fameux compteur DIF : tant que le collaborateur ne tire pas sur son capital DIF, il le cumule, et ce, jusqu’à 120 heures (6 ans). Les compteurs engagés en 2004 arrivent donc à leur limite en 2010. A partir de ce moment, s’il n’y a pas eu de tirage, toute année supplémentaire ne sera plus due. Certains comptables de la formation se disent qu’après 2010, toute année supplémentaire, sans tirage, devient donc un gain comptable.
Deux remarques s’imposent : tout d’abord, 120 heures ne permet pas d’avoir une année d’une formation diplômante, les 120 heures nécessite une coproduction avec l’entrepreneur ou un système de validation des acquis d’expériences pour compléter le processus. Il ne s’agit donc d’une réforme qui donne un droit incomplet, et le deuxième point est que ce droit n’est pas opposable, il ne s’agit donc pas juridiquement d’un droit mais d’un droit à demander, on est loin de la révolution que certains appelaient de leurs vœux.
Allons plus loin, certains demandent de transformer le DIF en DUF (Droit Universel de la Formation), comme le Chèque emploi service universel (CESU), chaque individu aurait un chèque formation,… pourquoi pas, il existe bien des chèques repas ? Il n’est pas étonnant de voir la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP), qui représente les organises de formation, pousser à l’émergence de ce nouveau marché.
Rappelons que le secteur privé représente environ 15 millions de salariés (le DIF s’applicable à la fonction publique depuis 2007 et s’ajoute donc au raisonnement), chaque salarié ayant droit à 20 heures de DIF par an, cela représente 300 millions d’heures pas an et si l’on retient la base minimale de 9,15 € de l’heure, cela représente à minima 2,745 milliards par an, et sur 6 ans 16,47 milliards d’euros, 14 fois le chiffre d’affaires 2009 des 400 membres de la FFP. Cela évidemment invite à militer…
Pour sortir du particularisme et présenter une vision plus globalement du DIF, il s’agirait de rendre l’apprenant acteur de sa propre employabilité, et cette pratique permettrait de rendre le système plus efficace.
Cela est, toutefois, particulièrement étrange. Pourquoi l’individu seul serait-il capable de mieux s’orienter que les institutions ? D’ailleurs, certains auteurs anticipent l’objection et proposent, déjà, la solution, le DIO, un Droit individuel à l’Orientation, qui permettrait de diriger le DIF. Mais cela ne règle pas le problème, aujourd’hui, qui peut connaître les métiers de demain ? Quelqu’un aurait-il trouvé la vérité ? Rien n’est moins sûr dans un environnement aussi erratique. Mais le DIO est un pas suffisant, il ne règle pas le problème du passage à l’acte : si l’on sait où aller, il manque un DIA (Droit Individuel à l’Accompagnement) pour réaliser le DIF, une fois que l’on a appliqué son DIO, bien sûr… Autrement dit, l’individualisation nécessite un certain nombre d’acronyme pour réaliser un processus qui est à minima complexe.
Le DIF à travers les problématiques de l’intentionnalité réinterroge les fondamentaux de la formation. L’homme n’apprend-t-il pas tout au long de sa vie ? A-t-on encore besoin d’être guidé ? D’ailleurs, certains processus commencent à proposer des processus alternatifs comme la sérendipité, processus non guidé qui sort la formation du mode projet pour des modes plus intuitifs ou opportunistes. Ces nouveaux modes nécessitent de construire un nouveau contrat social qui associe l’individu et le collectif dans une coproduction, on parle aujourd’hui de communauté apprenante mais tout reste à construire…
Stéphane DIEBOLD