Le knowledge management (ou KM) est souvent réduit à sa vision d’outil informatique de structuration des contenus, alors que si l’on revient à la traduction même, la gestion des savoirs n’est pas seulement le classement de la bibliothèque mais aussi la relation avec l’information et bien sur sa gestion proprement dite.
Dans un monde où l’information souffre d’une difficulté de visibilité avec la fameuse infobésité, trop d’informations tuent l’information, la relation à l’information prend un tout autre sens. Un des premier travaux du KM est de rendre visible l’information pertinente. C’est d’ailleurs l’occasion, de créer une nouvelle fonction, le knowledge designer. A cet égard, il est à rappeler cet exemple anecdotique, le New York Times avait rendu visible des informations des dons de campagne de Barak Obama, résultat son animation sur le financement a plus intéressé que les articles de fonds… le KM est un travail sur la forme au moins autant que le fonds.
Mais, le knowledge est aussi une nouvelle relation aux usages avec par exemple la notion de réalité augmentée. L’homme augmenté peut profiter des capacités de stockage et d’alimentation de l’outil informatique dans une relation nouvelle interactive. Si classiquement l’homme alimente la machine, avec le web sémantique, la machine peut alimenter l’homme au-delà de ses demandes, c’est ce que l’on appelle les data mining ou données intelligentes. Cette relation nouvelle soulève de nombreuses interrogations particulièrement intéressantes.
Le KM évacue trop vite l’homme au profit du savoir, mais le savoir ne doit pas être chosifié. C’est l’homme qui est au cœur et particulièrement la place de sa mémoire. William Chase et Herbert Simon, en 1973, ont montré l’importance de la mémoire dans la gestion de l’information, en comparant des joueurs d’échec : les experts sont supérieurs aux novices, car ils ont emmagasiné un nombre de parties supérieures, ce qui leur permet de dénouer plus de problèmes et surtout plus rapidement. « La mémoire est la sentinelle de l’esprit » disait William Shakespeare dans Macbeth.
La gestion des savoirs est forcément à associer à la mémoire à long terme facteur d’habileté et de rapidité du traitement de l’information. La gestion des savoirs revient à s’interroger sur la structuration de cette mémoire à long terme pour avoir accès au stock, la formation devient la constitution de ce stock. Mais cette mémoire est en constante réécriture, cela autorise à penser la mémoire en terme de flux. L’important est dans le mouvement, la formation flux. Ce qui nous ramène à la mémoire de travail qui sert de filtre conscient pour la mémoire à long terme avec des nouveautés notables. Torkel Klingberg, Professeur à l’Institut du cerveau de Stockholm, propose de nouvelles perspectives pour l’apprenant, avoir directement accès à la mémoire à long terme par l’émotion. L’apprentissage par cœur doit laisser place à un apprentissage avec cœur, ou un apprentissage par l’affect. Une révolution dans le paradigme dominant. Les neurosciences ouvrent des perspectives nouvelles particulièrement intéressantes.
Tant de potentialité qu’on a du mal à choisir un chemin et la tentation est grande de rentrer dans une ère messianique pour reprendre le terme de Walter Benjamin, attendre les nouveautés comme d’autres le messie… Se laisser happer par la nouveauté de la nouveauté. Or, ce serait oublier que le KM est au cœur de la formation, construire un concept qui assure la formation trans-formation.
Stéphane DIEBOLD