Cette fin d’année 2020 marque une échéance clé pour l’entretien professionnel. Toutes les entreprises ont jusqu’au 31 décembre pour respecter leurs obligations sociales en matière de gestion des parcours professionnels de leurs salariés. Alors pourquoi l’entretien professionnel est-il un outil incontournable pour l’entreprise ? Qu’est-ce que le bilan d’étape ? Comment et pourquoi se tenir à jour de cette obligation légale en cette fin d’année ? Le point avec Arnaud Brize, expert en droit de la formation et de l’ apprentissage au CESI.
*MISE À JOUR : Lors de la rédaction de cet article, les délais, initialement prévus au 31.12.2020, pourraient être amenés à être prolongés au 30.06.2021 par une ordonnance du Ministère du Travail
L’entretien professionnel au coeur du management des compétences
L’entretien professionnel est un véritable levier de management. Il permet d’identifier les possibilités d’évolution professionnelle et constitue un outil à la croisée des enjeux individuels et d’entreprise. D’un côté il retrace les aspirations professionnelles des salariés et de l’autre le projet d’entreprise, l’évolution de son activité et la sécurisation des compétences professionnelles des collaborateurs. En résumé, l’entretien professionnel conjugue la performance économique, la compétitivité de l’entreprise et la performance sociale, c’est-à-dire la formation en tant qu’acquis social dans l’entreprise.
Ses atouts peuvent être majeurs pour l’employeur, notamment lorsque cet entretien professionnel s’inscrit comme outil dans la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP), qui se nommait la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) jusqu’en 2017. Dans ce cadre, la structure a besoin d’identifier les compétences dont elle dispose, les perspectives professionnelles de ses salariés puis de faire le lien avec ses propres investissements en formation. Cet entretien permet de faire un état des lieux de ces différentes problématiques. Alors que 50% des emplois seront profondément transformés dans les dix ans à venir, les enjeux de formation restent prioritaires. Avec la crise que nous traversons, le télétravail peut favoriser l’isolement entre le salarié de l’entreprise et son manager. Dans ce contexte, les discussions autour de l’évolution et des compétences professionnelles sont aussi un bon moyen de renouer le lien.
Le bilan d’étape, qu’est ce que c’est ?
Pour la première fois cette année auront lieu les bilans d’étape pour les salariés qui étaient déjà en poste lors de la mise en place des premiers entretiens professionnels en mars 2014. Ce bilan, obligatoire tous les six ans à compter de la première année de mise en place de l’entretien professionnel, constitue un outil de vérification des critères de contrôle imposés par le Code du travail. Dans ce cadre, l’employeur devra vérifier que le collaborateur a bien réalisé trois entretiens dans les délais impartis par la loi, soit les périodes mars 2014-mars 2016, mars 2016-mars 2018 et enfin mars 2018 au 31 décembre 2020. Il devra aussi vérifier individuellement que chaque salarié a eu accès au minimum à une action de formation au cours de ses six précédentes années, selon les modalités de contrôle issues de la réforme 2014 ou 2018. Ce bilan d’étape devra donner lieu à un document écrit qui retrace et documente les trois entretiens du collaborateur ainsi que les actions de formations qui l’ont concerné ces six dernières années.
En cas de contrôle, si l’employeur n’a pas rempli les conditions attendues, à savoir les 3 entretiens dans les bonnes périodes ainsi que le minimum de formation, il est passible d’une sanction financière de 3000e, sous la forme de crédit formation à verser à compter du 01.01.2021 sur le compte formation de chaque employé concerné. Une sanction uniquement valable pour les entreprises de plus de 50 salariés.Le non-respect de cette obligation sociale a des conséquences financières, aussi le sujet de l’entretien professionnel. Ce n’est pas uniquement un sujet RH, mais également une préoccupation pour les directions financières qui doivent potentiellement provisionner ces sommes.
Le paradoxe du plan de relance
Aujourd’hui, dans un contexte de crise sanitaire, un plan de relance avec des fonds destinés à la formation des salariés (FNE formation, aides à l’embauche pour l’alternance… ) a été mis en place. L’État agit pour faciliter l’accès à la formation dans l’entreprise à moindre coût, avec des financements ciblés, mais il existe paradoxalement pour les entreprises cette crainte de devoir payer une sanction financière conséquente pour avoir manqué à la réglementation des entretiens professionnels. Face au silence actuel des pouvoirs publics sur ce sujet, il est donc conseillé aux entreprises de réaliser comme attendu leurs bilans d’étape en espérant que le ministère du Travail puisse faire évoluer la réglementation en fin d’année, ou bien encore espérer une forme d’indulgence en cas de contrôle et de non-respect des obligations par les DIRRECTE (notamment dans le cas où l’entreprise aurait respecté ses obligations de formation tout en ne réalisant pas les 3 entretiens dans les délais impartis).