Le développement des compétences et les perspectives de carrière sont le premier levier de fidélisation des collaborateurs. Focus sur quelques démarches, certaines classiques : former, faire évoluer en interne. D’autres moins : accompagner un collaborateur dans un projet qui le mène hors de l’entreprise, ou, lui permettre de dégager du temps pour développer des compétences acquises dont il ne se sert pas dans l’entreprise, afin d’éviter sa frustration.
Donner envie, donner du sens, notamment par davantage d’éthique et de transparence, favoriser la qualité de vie au travail, la proximité avec la hiérarchie, rendre fier, donner des perspectives… Des différents facteurs de fidélisation des salariés c’est « la formation et la carrière qui arrivent en tête. Même en Chine, en ce qui concerne les entreprises françaises qui y sont implantées et qui ont intérêt à y développer des universités d’entreprise, comme le fait Schneider par exemple », observe Charles-Henri Besseyre des Horts, professeur associé au département Management et Ressources Humaines d’HEC Paris.
Le projet professionnel, pierre angulaire de la fidélisation
Retour en France. Les entreprises sont nombreuses à s’appuyer sur leurs programmes d’évaluation et de développement des compétences. Notamment Spie Ouest-Centre, comme l’explique sa responsable Développement Ressources Humaines, Catherine Collet : « Notre revue annuelle des potentiels a un triple objectif : apprécier au mieux les capacités des personnes, bien cerner les potentiels de l’entreprise et repérer ceux que nous qualifions de piliers de l’entreprise, c’est-à-dire, les personnes que nous ne voulons surtout pas perdre. » Cet état des lieux se décline ensuite, pour les potentiels, en plans individuels de développement comportant des formations, ou, pour les managers d’un certain niveau, du coaching, ou encore des parrainages. « Il s’agit de les accompagner pour les aider à déterminer un poste cible par exemple, et comment faire pour l’atteindre, ou encore, de permettre à la personne d’être en situation d’apprendre autre chose », complète-t-elle.
Même focus sur la trajectoire professionnelle et le développement de compétences, nouvelles ou transversales, chez les Brasseries Kronenbourg et ING Direct. Marion Bader, chargée de recrutement et relations écoles France du brasseur Kronenbourg témoigne : « Selon les résultats du rendez-vous biannuel d’évaluation, nous proposons des formations (métiers ou relationnelles) et du coaching, occasion pour la personne de travailler sur des points de communication personnelle. Nous faisons aussi travailler les collaborateurs sur des projets transversaux pour développer des compétences en gestion de projet, prise de parole en public et rayonnement de la personne en interne, en matière de charisme et de réseautage. »
La banque en ligne ING Direct a misé pour sa part sur une batterie d’outils pour formaliser le projet professionnel du salarié : le dossier d’entretien annuel comporte une feuille qui est consacrée à ce projet ; une cartographie des métiers permet aux collaborateurs de visualiser entre autres les passerelles métiers ; un questionnaire accompagné, doublé d’un entretien RH, aide les personnes ayant besoin d’être encadrées pour construire leur projet ; enfin, des parcours de formation individualisés sont proposés, dont une période de professionnalisation qui peut permettre de changer de métier dans l’entreprise ou en dehors.
Donner aussi des perspectives externes
Car fidéliser consiste aussi, parfois, paradoxalement, à accompagner le salarié vers l’extérieur. C’est une partie de la démarche pour engager les collaborateurs d’ING Direct. La banque en ligne a répondu ainsi à une problématique exprimée par ses équipes : le manque d’opportunités d’évolution dans l’entreprise. « Compte tenu de la spécificité de notre population – une moyenne d’âge de 33 ans pour un effectif de 420 personnes –, nous savons que nous ne pouvons satisfaire toutes les demandes de mobilité. Mais, sachant que cette mobilité est motivante, nous accompagnons les collaborateurs dans leur projet professionnel, même s’il est hors de l’entreprise ; notre but est qu’ils soient engagés le plus possible pour la partie de leur carrière qu’ils passent chez nous », explique Muriel Rocher, DRH d’ING Direct France.
L’ailleurs étant attractif (l’herbe plus verte du pré du voisin, etc.), mieux vaut s’en faire un allié qu’un adversaire. C’est-à-dire donner la possibilité de l’explorer, de l’utiliser sans qu’un départ de l’entreprise en découle. Le programme Temps Expert de Deloitte, dont une quinzaine de collaborateurs Deloitte bénéficient à cette date, prend en compte cet aspect. « Nous recrutons des gens très diplômés, qui ont appris beaucoup de choses mais qui, pour certains, ne vont utiliser qu’une partie de leurs connaissances et savoir-faire. D’où une frustration de voir que tout un pan de leurs compétences n’est pas utilisé », constate Jean-Marc Mickeler, associé et responsable de la Marque Employeur de Deloitte. Grâce aux 10 à 20% de temps qu’un collaborateur peut dégager, s’il en fait la demande et à condition que Deloitte y gagne en éminence, il a la possibilité de continuer à développer les compétences dont il ne se sert pas dans son quotidien professionnel, ou de les utiliser pour donner des cours, publier, participer à des groupes de travail ou à des investissements citoyens. Ce docteur en physique nucléaire, recruté autrefois par Deloitte, passionné par la mécanique des fluides, les volcans et la photographie, aurait pu en bénéficier. « À l’époque, Deloitte n’a pas perçu l’importance de son besoin d’écrire un livre, il est parti. Mais il est revenu depuis ! », raconte Jean-Marc Mickeler.
Des perspectives donc. Internes, externes mais aussi lointaines. « Aujourd’hui, si une grande entreprise n’offre pas à des jeunes cadres une possibilité d’avoir un parcours à l’étranger, elle est à côté de la question ; c’est plus aléatoire dans le cadre d’une PME », signale en conclusion Charles-Henri Besseyre des Horts.
Sophie Girardeau