8 MARS 2025, Journée internationale des droits des femmes. Depuis plusieurs années, la société multiplie les initiatives en faveur de l’égalité professionnelle. D’ailleurs, certains signaux sont encourageants. La présence des femmes aux postes de direction augmente, des lois imposent plus de mixité, et les entreprises s’engagent davantage.
Pourtant, de nombreuses études montrent que le monde du travail peine encore à atteindre une véritable équité. Certaines inégalités persistent malgré les avancées théoriques. Ainsi, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes reste significatif. Les femmes sont toujours surreprésentées dans les emplois précaires et/ou à temps partiel. La maternité continue d’être perçue comme un « risque » par de nombreux employeurs.
Alors, où en sommes nous vraiment de l’égalité femmes-hommes en contexte professionnel. Quel état des lieux en France ? En Europe ? Dans le monde ? Décryptage dans cet article
L’égalité femmes-hommes en France : État des lieux au 8 mars 2025
En France, le cadre législatif évolue depuis plusieurs années en faveur de l’égalité professionnelle. Pourtant, les résultats concrets sont encore mitigés, et tardent à se matérialiser.
En matière d’inégalités salariales, une infographie publiée par l’Insee en milieu de semaine montre par exemple que l’écart de salaire net en équivalent temps plein entre les femmes et les hommes de 14,2 %.

Infographie Insee sur l’écart des salaires entre les femmes et les hommes (Source en bas de page)
Mais l’inégalité professionnelle ne se résume pas à la rémunération puisque :
- 80% des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, une proportion bien plus élevée que les hommes ;
- la concentration des femmes dans les secteurs les moins rémunérateurs ;
- le plafond de verre freine leur accès aux postes à haute responsabilité.
Un bébé ou un job ?
Parmi les facteurs clés des inégalités au travail, l’impact de la maternité sur la carrière des femmes bien entendu. Ce phénomène, que l’on appelle biais de maternité, tend à freiner les promotions et à accentuer les écarts de rémunération.
Ainsi, avant même d’être enceinte, 27 % des femmes se disent discriminées au travail compte tenu du « risque maternité » qu’elles représentent aux yeux des entreprises. De même, selon plusieurs études de la Fondation des femmes, l’impact est tout aussi concret après une naissance puisque le salaire des mères est inférieur de 25 % à ce qu’il serait sans enfant.
Une baisse de rémunération qui, bien entendu, augmente avec l’arrivée d’un deuxième ou troisième enfant. Et ce, alors même que le salaire des pères reste quasiment inchangé. À l’inverse, ces derniers poursuivent, le plus souvent, leur petit bonhomme de chemin professionnel. Et ce, sans être « pénalisés par la parentalité ».
Face à cela, on peut souligner l’engagement de nombreuses entreprises françaises. En effet, bon nombre d’entre elles ont mis en place des politiques de soutien à la parentalité, via des congés allongés et un accompagnement au retour au travail.
C’est par exemple le parti pris par Mailinblack qui, pour soutenir les salariés parents, a déployé un congé supra légal entièrement rémunéré avec retour à 80 %. Des dispositions qui s’adressent aussi bien aux femmes qu’aux hommes. L’enjeu étant d’inciter les pères à s’emparer davantage du congé paternité. Mais surtout d’insuffler plus d’équité au sein des équipes vis-à-vis de la parentalité.
Indéniablement, ces politiques sont un premier pas. Pour autant, est-ce vraiment suffisant ? Non, bien entendu.
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Le plafond de verre, toujours d’actualité pour les femmes ?
Les chiffres relatifs à la présence des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises cotées montrent que la société semble aller dans la bonne direction : la loi Copé-Zimmermann a permis d’atteindre la barre des 46 %.
Néanmoins, ces résultats sont à nuancer puisque les femmes n’occupent que 22 % des postes les mieux rémunérés dans les entreprises. La loi Rixain, qui impose un quota de 40 % de femmes parmi les cadres dirigeants d’ici 2030, est censée accélérer le changement. Mais, nous le savons, son impact réel dépendra de son application par les entreprises.
En 2024, les femmes représentent 27,98 % des membres Comex des entreprises du CAC40 contre 9,5 % en 2014. Toujours la même année, 5 entreprises ont 40 % ou plus de femmes au Comex : Engie, Kering, Pernod Ricard, Schneider Electric et la Société Générale.
Malgré des avancées législatives, le plafond de verre demeure une réalité pour les femmes dans le monde du travail. Cette résistance s’explique par plusieurs facteurs à la fois structurels et culturels.
Tout d’abord, les biais inconscients et stéréotypes de genre jouent un rôle déterminant.
Qu’on le veuille ou non, la perception des rôles traditionnels attribués aux femmes — care, soutien, discrétion — enferme encore les femmes dans des fonctions moins stratégiques et moins visibles dans l’entreprise. À l’inverse, les hommes sont encore largement perçus comme des leaders naturels, plus aptes à gérer des responsabilités élevées.
Ensuite, les contraintes familiales, comme évoqué plus haut, qui restent des freins majeurs. Nous l’avons vu, les entreprises sont soumises à des obligations d’égalité et mettent en place des dispositifs divers et variés destinés à leurs collaboratrices et collaborateurs. Cependant, il reste un domaine largement influencé par la disponibilité perçue des femmes : les pratiques de recrutement et de promotions (mobilité interne).
Un autre facteur déterminant est celui de la ségrégation sectorielle. C’est un fait : les femmes sont bien plus présentes dans les métiers où les rémunérations sont plus faibles — soin, éducation, services, etc. —, et la féminisation des secteurs tels que la Tech, la finance ou l’ingénierie avance assez peu.
De fait, le marché du travail tel qu’il est encore aujourd’hui, au 8 mars 2025, limite encore l’accès des femmes aux fonctions les plus rémunératrices.
Enfin, les quotas et obligations légales peinent à produire des effets en profondeur. Nous l’avons vu, nous assistons aujourd’hui à une meilleure représentation des femmes dans les conseils d’administration. Pour autant, cela ne traduit pas une présence plus importante dans des fonctions de management ou de direction générale.
Cela signifie que si l’arsenal législatif est supposé servir la cause des femmes, dans la réalité l’impact sur la culture d’entreprise et les politiques RH reste, pour l’heure, limité.
Par conséquent, dépasser le plafond de verre implique des changements bien plus profonds que des paliers chiffrés ou la diffusion de données sur l’égalité professionnelle.
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Index égalité professionnelle, levier d’égalité ou leurre ?
Comme chaque année depuis 2019, les entreprises avaient jusqu’au 1er mars pour publier leur index d’égalité professionnelle. Obligatoire pour les organisations de plus de 50 salariés, celui-ci vise à évaluer plusieurs critères comme l’écart de rémunération, les augmentations et les promotions.
Voici un aperçu des index égalité professionnelle 2025, basé sur les données 2024 partagés depuis la semaine dernière :
- Orange Store : 93/100
- EDF SA : 95/100
- Metro France : 93/100
- Qonto : 91/100
- BNP Paribas Personal Finance : 94/100
- Total Energies : 93/100, 100/100 et 91/100 (selon les groupes d’entités)
- Disneyland Paris : 99/100
- Puy du Fou : 89/100
L’an dernier, 93 % des entreprises ont atteint le score égalité professionnelle de 93/100. Si la note moyenne ne cesse de progresser depuis 5 ans, il n’en demeure pas moins que 7 % des organisations ont toujours un score inférieur à 75/100. Ce qui montre finalement que près d’une entreprise sur 10 ne respecte pas pleinement ses obligations à ce sujet.
Le problème ? C’est qu’en pratique peu d’employeurs sont sanctionnés. Selon la Direction Générale du Travail, seulement 120 sanctions ont été prononcées entre 2021 et 2024. Un nombre relativement faible qui limite l’efficacité des mesures.
Par ailleurs, dans son rapport de janvier 2025, la Cour des comptes considère cet outil comme défaillant car cet index touche une faible part des salariés du privé. De même, il invisibilise les inégalités réelles entre femmes et hommes au travail. Et, enfin, il ne prouve pas que les entreprises qui le déclarent sont plus vertueuses que les autres.
La fin du sexisme en entreprise est-elle à la portée de la société ?
Évidemment, le sujet du sexisme est indissociable de celui de la condition des femmes en entreprise. Et pour cause : le baromètre du sexisme du HCE indique que 76 % des salariés considèrent que les femmes et les hommes ne sont pas traités de la même manière au travail.
Une réalité qui a des conséquences directes :
- 21 % des femmes déclarent avoir constaté un écart de rémunération avec un collègue masculin, à poste identique ;
- 10 % affirment avoir subi une discrimination à l’embauche ou à l’avancement.
Résultat ? Bon nombre de femmes « anticipent » l’échec de leur démarche professionnelle, et hésitent à postuler à des fonctions impliquant des responsabilités. Ce qui, bien entendu, creuse davantage les inégalités de carrière. Et ainsi de suite.
Égalité femmes-hommes, vers une harmonisation des politiques d’égalité en Europe ?
À l’image de la France, l’Europe affiche des résultats contrastés en matière d’égalité. D’après l’Indice européen de l’égalité de genre (EIGE), le score moyen de l’UE est de 71/100, avec des disparités notables : la Suède (82), le Danemark (78.8) ou encore la France (76.1) sont de bons élèves. Tandis que la Grèce (59.3), la Roumanie (57.5) et la Croatie sont dans les derniers pays du classement.

Indice d’égalité des sexes (source Eige Europa)
L’Union européenne a introduit plusieurs directives récentes pour renforcer l’égalité :
- Directive « Women on Boards » : impose 40 % de femmes dans les conseils d’administration les grandes entreprises cotées (2026) ;
- Convention d’Istanbul, désormais ratifiée par l’ensemble des États membres, vise à lutter contre les violences sexistes ;
- Obligation de transparence salariale, votée en 2023, qui impose aux entreprises de publier les écarts de salaires entre hommes et femmes.
Place des femmes en entreprise : quelles sont les tendances à l’échelle mondiale ?
À l’échelle mondiale, il faudra encore du temps pour parvenir à une réelle parité entre les femmes et les hommes. 131 ans pour être plus précis, selon le Forum économique mondial.
En matière d’égalité salariale, ONU Femmes indique d’ailleurs que les écarts salariaux moyens sont, aujourd’hui encore, estimés à 20 % de moins pour les femmes. Ceci en tenant compte des variations importantes selon les régions du monde ou les secteurs économiques.
Cependant, plusieurs tendances semblent démontrer une évolution positive vis-à-vis de l’égalité femmes-hommes sur le lieu de travail. Par exemple :
- Une augmentation de la présence des femmes sur le marché du travail en Asie du Sud-Est et en Afrique Nord. Celle-ci étant due à la mise en place de réformes et de programmes d’émancipation économique.
- Une progression du nombre de femmes diplômées, puisque 60 % des personnes ayant obtenu un diplôme universitaire dans le monde sont des femmes. Et ce, bien qu’elles restent sous-représentées dans la Tech et les activités scientifiques.
- Un développement des quotas de parité dans les sphères politiques et professionnelles, en Amérique latine ou, comme évoqué plus tôt, en Europe.
Dans le même temps, on observe aussi de vrais reculs sur l’accès aux postes stratégiques et l’égalité des salaires dans plusieurs pays. C’est notamment le cas aux États-Unis, en Hongrie ou dans certaines régions du Moyen-Orient.
Cet éclairage à l’échelle mondiale démontre ainsi que l’égalité professionnelle est étroitement corrélée à la capacité des gouvernements et des entreprises à instaurer des politiques en faveur de la représentation féminine. Et ce, à tous les niveaux.
L’entreprise, un acteur clé de l’égalité hommes-femmes
Les entreprises ont un rôle stratégique dans la lutte contre les inégalités de genre. Pour accélérer la transformation, plusieurs actions sont essentielles :
- élimination des écarts salariaux par des audits réguliers et des ajustements transparents ;
- promotion de la mixité à tous les niveaux de l’organisation, notamment en favorisant la parité dans les recrutements et l’évolution professionnelle ;
- renforcement des politiques de parentalité, notamment via un congé paternité élargi et mieux rémunéré ;
- tolérance zéro face au sexisme et au harcèlement, avec des procédures strictes et des formations obligatoires ;
- encouragement des femmes dans les filières stratégiques (tech, ingénierie, finance) avec des incitations ciblées et des mentorats professionnels.
La fonction RH peut jouer un rôle moteur à jouer en intégrant ces enjeux dans les stratégies d’entreprise. La Journée internationale des droits des femmes du 8 mars 2025 est une occasion clé pour renforcer ces engagements et, surtout, transformer les paroles en actions concrètes.
Source(s) documentaire(s) :
- Écart de salaire entre femmes et hommes en 2023, Insee 04/03/2025
- Quelle organisation du travail pour les salariés à temps partiel ? Dares décembre 2024 n° 74
- La dépendance économique des femmes, une affaire d’État ? Fondation des femmes
- Le coût d’être mère, Fondation des femmes
- Les résultats de l’Index de l’égalité professionnelle 2024, ministère du Travail
- Les inégalités entre les femmes et les hommes, rapport de la Cour des comptes de janvier 2025
- État des lieux du sexisme en France à l’heure de la polarisation, Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes de janvier 2025
- Diversité et inclusion au sein des entreprises du CAC40, Observatoire Skema Business School
- Tout ce que vous devez savoir sur l’appel à l’équité salariale, ONU Femmes
- L’équilibre hommes/femmes dans les conseils d’administration au sein de l’Union européenne, Toute l’Europe