Les bases de données, en pleine explosion à travers tous les domaines, sont devenues fondamentales à la prise de décision et à la création dans les entreprises modernes. Pourtant, ces dernières comptent souvent peu de spécialistes de données. Pour que la culture d'entreprise favorise concrètement le recours intelligent aux données, il ne faut pas uniquement considérer le rôle des spécialistes des données, mais surtout offrir les formations et les outils adaptés à chaque niveau de l'entreprise, et revoir les modalités de recrutement en amont. Développer une culture analytique au service de l'entreprise requiert de la direction qu'elle revoit ces points précis, et qu'elle procède à des changements méthodiques à chaque échelon.
Outils et formations démultiplient les possibilités de chaque collaborateur
Une culture analytique qui part du management doit pouvoir être accessible à chacun grâce à des processus fluides et une politique encourageante. La promotion d'une telle culture, contrairement à une mise en place forcée, implique de donner aux collaborateurs les moyens leur permettant d'explorer leurs données et de les utiliser pour trouver des réponses à leurs questions. Si les analyses traditionnelles étaient gérées exclusivement par une équipe centralisée, aujourd'hui il incombe à la direction de s'assurer que tous les collaborateurs soient en mesure de trouver des réponses à leurs questions. Il est donc important de leur proposer des outils accessibles et des formations adéquates, en démocratisant l'accès aux données à l'échelle de l'entreprise, et ce tout en excluant les données sensibles.
Les analyses en libre-service représentent le socle fondateur d'une culture analytique efficace, car elles laissent toute liberté à l'expertise de celui qui demande l'analyse. Le grand défi posé au niveau technologique consiste à ne pas laisser transparaître la complexité fondamentale des bases de données. Il est important de garder à l'esprit qu'un outil n'est adapté à l'entreprise que si les utilisateurs de toutes les fonctions sont en mesure de l'utiliser. Le simple fait de disposer d'un outil que seul un nombre restreint d'utilisateurs saura mettre à profit pour effectuer des analyses n'est pas suffisant.
Il faut donc s'assurer que tous les utilisateurs soient en mesure de lire les données à leur disposition, notamment grâce à des formations supplémentaires qui se révèlent souvent très précieuses. On peut souvent y accéder directement dans l'outil, à travers des scénarios d'apprentissage ou des vidéos de formation en ligne. Une telle formation se focalise généralement sur les fonctionnalités du produit, mais il est important d'aborder l'aspect de la formation sous un angle plus large. Vous devez faire en sorte de favoriser l'esprit critique et la curiosité analytique, et d'aborder des aspects de base tels que la visualisation des données. Il peut être utile de recourir à des prestataires externes pour proposer ce type de formations. Une fois que vos collaborateurs disposeront des connaissances théoriques de base, les formations spécifiques aux fonctionnalités de l'outil prendront tout leur sens.
Il ne faut pas oublier que, dans de nombreuses entreprises, laisser la manipulation des données à la discrétion de chacun peut aller à l'encontre des usages traditionnels, notamment lorsque ces données sont sensibles. C'est là que doit intervenir la direction : cette dernière a un rôle clé à remplir en aidant l'entreprise à se détourner d'une mentalité sélective pour mieux appliquer les préceptes recommandés, sous peine de faire échouer la transition. Il faut accepter l'inconfort initial de la situation, pour ensuite prendre les mesures nécessaires à la mise en place d'une structure basée sur l'autonomie.
Dans cet esprit, la direction doit pouvoir fonctionner à partir de réponses elles-mêmes fondées sur des données plutôt que sur les seules opinions de cadres supérieurs. Les réponses ne doivent plus se résumer à la simple expression d'avis et les données doivent alimenter toutes les conversations. Bien évidemment, la direction se doit de montrer l'exemple en la matière. Chaque responsable doit utiliser les données au quotidien et mettre en place le procédé et la culture analytiques qu'il souhaite.
Par conséquent, l'exploitation de données doit être considérée comme une compétence nécessaire à chaque poste, et donc un critère à prendre en compte pour évaluer ses collaborateurs. L'entreprise pourra ainsi plus facilement récompenser les individus exploitant leurs données de manière exemplaire.
Au-delà de son fonctionnement quotidien, la direction doit aussi garder cette dimension analytique à l'esprit lors de ses recrutements. La mise en place d'une culture analytique auprès des collaborateurs actuels doit être assortie de tentatives d'attirer de nouveaux talents qui pourront favoriser la culture que vous souhaitez mettre en place. Les données doivent évidemment jouer un rôle en la matière, mais si les compétences techniques sont importantes pour certains postes, l'esprit critique reste un point fort que chaque collaborateur se doit de posséder.
Pour déceler cette qualité lors du recrutement, vous pouvez demander à tous les candidats, pas uniquement les analystes ou spécialistes des données, de passer un test basé sur l'exploitation des données. Les résultats sont très souvent éloquents. Ces tests sont l'occasion d'observer si les candidats sont capables de formuler des questions pour interroger leurs données, s'ils sont en mesure d'y trouver des réponses et s'ils pensent à formuler d'autres questions pour approfondir les premières découvertes.
La culture analytique et l'autonomie qu'elle implique servent aussi de révélateur de talents en entreprise, en mettant en lumière un trait de plus en plus recherché dans le monde du travail : la curiosité. Vous pouvez par exemple facilement évaluer la curiosité d'un candidat en lui demandant d'expliquer le fonctionnement des toilettes. Cette question peut sembler saugrenue, mais est très révélatrice. Nous passons beaucoup de temps aux toilettes, mais combien d'entre nous se sont déjà interrogés sur leur fonctionnement ? Cette question a également l'avantage de mettre tous les candidats sur un pied d'égalité et de leur permettre de sortir de leur carapace. La plupart des candidats préparent des réponses toutes faites en vue d'un entretien, mais certainement aucun ne pense à en préparer une sur le fonctionnement des toilettes. Vous avez ainsi la possibilité d'évaluer leur curiosité et leur personnalité, deux caractéristiques importantes pour tout recrutement et pour la culture d'une entreprise.
En conclusion, une culture analytique d'entreprise nécessite un processus de long terme. Mais une seule année sans véritable culture des données fera regretter n'importe quelle direction de ne pas avoir commencé sa mise en place plus tôt. Choisir la bonne technologie à déployer, former chaque collaborateur à son utilisation et placer les données au cœur des conversations ne sont que quelques exemples des mesures que vous pouvez prendre pour instaurer une culture analytique, et cette initiative doit partir du sommet de la hiérarchie.
Edouard Beaucourt:
Edouard Beaucourt a rejoint Tableau en 2013 en tant que directeur commercial Grandes entreprises. Depuis l'année dernière, il occupe le poste de directeur régional France, Suisse romande et Afrique du Nord et est à la tête du bureau de Paris. Auparavant, il occupait le poste de responsable commercial territorial du secteur des outils d'analyses professionnels chez IBM. Il a également travaillé au service commercial de Clarity Systems, Microsoft et Hyperion Solutions.