Parfois redoutée par les dirigeants, la grève est un droit fondamental des salariés avec lequel il faut compter. Chaque entreprise est en effet susceptible d’être confrontée un jour à un conflit collectif. Pour bien gérer cette situation et savoir comment réagir en tant qu’employeur, il est indispensable de connaître les principales règles du droit de grève en entreprise. Conditions de validité, protection des salariés grévistes, obligations de l’employeur…On fait le point.
L’exercice du droit de grève dans l’entreprise, comment ça marche ?
Tout salarié de l’entreprise peut faire grève mais selon quelles conditions et formalités ?
Conditions de validité de la grève
Dans les entreprises privées, la grève peut être déclenchée à l’initiative des salariés et pas nécessairement à l’appel d’un syndicat (secteur public).
Les critères de validité du droit de grève ne sont pas prévus par la loi mais par la jurisprudence. Les trois conditions suivantes doivent être impérativement réunies :
- Cessation complète du travail
- Arrêt collectif du travail. La grève de tous les salariés de l’entreprise ou d’une majorité n‘est toutefois pas requise. Elle peut être limitée à un établissement, un service, une catégorie professionnelle…
- Revendications professionnelles : salaires, conditions de travail, etc.
La durée de la grève n’est pas encadrée : il n’existe aucune durée minimale ou maximale. Elle peut durer quelques minutes ou quelques heures, plusieurs jours, voire plusieurs mois. Elle peut également être répétée (des débrayages courts et répétés constituent l’exercice normal du droit de grève, cass. soc. 25-1-2011 n° 09-69.030)
Bon à savoir. En principe, un seul salarié ne peut donc pas faire grève sauf s’il est le seul salarié de l’entreprise ou s’il participe à un mouvement social lancé au niveau national.
Formalités à suivre par les salariés
Les salariés du secteur privé peuvent se mettre en grève sans aucune formalité particulière : ni préavis, ni avertissement ou négociation préalable avec l’employeur.
Les grévistes doivent toutefois transmettre à l’entreprise les revendications professionnelles qui justifient le mouvement.
Règles particulières du transport de voyageurs
Dans un objectif d’information des voyageurs, des modalités spécifiques s’appliquent aux entreprises de transport terrestre de voyageurs (c.transports.art.L1324-1 et s.) et de transport aérien (c.transports.art. L 1114-1 à L 1114-7) :
- Négociation préalable obligatoire
- Interdiction de déposer un nouveau préavis, pour les mêmes motifs, avant la fin du préavis en cours
- Information de l’employeur au moins 48h avant de cesser le travail (pour les salariés dont l’absence affecte la réalisation des transports)
- Information de l’employeur 24h avant la reprise du travail si les salariés renoncent à poursuivre la grève
Limites au droit de grève dans l’entreprise
Grève illicite
Le mouvement social effectué en méconnaissance des conditions énoncées plus haut est illicite : absence de caractère collectif, d’arrêt total du travail ou de revendications professionnelles.
Quelques exemples :
- Grève pour des motifs politiques
- Travail effectué volontairement au ralenti ou de manière défectueuse (Cass. soc. 16-5-1989 n° 85-43.359
- Grève uniquement sur certaines obligations du salarié (grève des heures d’astreinte par exemple, cass. soc. 2-2-2006 n° 04-12.336)
Dans ce cas, il s’agit d’une faute professionnelle que l’employeur peut sanctionner et qui peut aller jusqu’au licenciement du salarié.
Abus du droit de grève
Contrairement au cas précédent, les conditions du droit de grève sont ici réunies. Pour autant, son exercice occasionne parfois des abus qui peuvent être condamnés par les juges.
C’est le cas notamment si l’arrêt collectif du travail entraîne (ou risque d’entraîner) la désorganisation de l’entreprise dans son ensemble et non sa seule production (cass. soc. 7-4-1993 n° 91-16.834).
Dans ce cas, le mouvement devient illicite avec une sanction possible des salariés.
Comment réagir en tant qu’employeur ?
Protection du salarié gréviste
L’employeur ne peut pas limiter, réglementer ou interdire le droit de grève par une convention ou un accord collectif.
En outre, les salariés grévistes bénéficient d’une protection particulière :
- Ils ne doivent subir aucune discrimination (par exemple en matière de rémunération ou d’avantages sociaux)
- Ils ne peuvent pas être sanctionnés ou licenciés en raison de leur participation au mouvement social. Deux exceptions toutefois : si la grève est illicite ou abusive, ou en cas de faute lourde.
Grève et bulletin de salaire
L’exercice du droit de grève suspend l’exécution du contrat de travail. L’employeur peut donc effectuer une retenue sur salaire proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail. Toute autre retenue supplémentaire est interdite et serait discriminatoire.
Le motif de la retenue (grève) ne doit pas être indiqué sur le bulletin de salaire. Il faut privilégier des indications neutres comme « absence non rémunérée » par exemple.
Pour en savoir plus sur cette thématique du salaire ne France, n’hésitez pas à consulter notre article intitulé salaire RH.
Demande de réparation en cas d’abus pendant la grève en entreprise
La dégradation des locaux ou du matériel, les violences commises sur le personnel non gréviste ou la direction sont des actes illégaux et pénalement sanctionnables.
L’employeur peut demander réparation devant le conseil des prud’hommes ainsi que sur le plan pénal.
Céline Le Friant et Laurène Boussé