Alors que la question de l’emploi des seniors s’invite dans la course à la présidentielle et que les pouvoirs publics affichent leur volonté de se positionner sur cette problématique, la France reste à la traîne par rapport à certains de ses voisins européens. Dans ce contexte, si certaines entreprises ont néanmoins fait le pari de l’emploi de profils plus âgés et ont intégré des actions spécifiques dans leur politique globale en faveur de la diversité, il reste encore du chemin à parcourir.
La Commission européenne a décrété 2012 « année du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle ». Certes, cette annonce prouve encore une fois la volonté des institutions d’agir sur cette problématique, mais les résultats se font malheureusement encore attendre dans l’Hexagone. Si Bruxelles avait fixé un taux d’activité de 50 % pour les 55-64 ans, celui-ci atteint en France à peine les 39 % en 2012 contre une moyenne de 45 % en Europe. Et ceci malgré les différentes mesures d’incitation lancées ces dernières années.
L’impact du Plan d’action senior
Impossible de parler de l’emploi des seniors en France sans revenir sur cette loi qui a imposé aux entreprises de plus de trois cents salariés de mettre en place depuis 2010 un « Plan d’action senior » avec les partenaires sociaux. Il s’agissait pour eux de travailler à la définition d’un objectif chiffré de maintien dans l’emploi ou de recrutement des seniors et à l’élaboration d’un plan de soutien (amélioration des conditions de travail, accès à la formation, tutorat…). Près de 35 000 plans et 88 accords de branche ont ainsi été signés et ont obligé les entreprises à appréhender avec précision cette question.
« La mise en place de ce plan d’action, explique Bertrand Favre, fondateur du site BiTWiiN.com, leader du recrutement senior en France, sans renverser complètement la tendance, a été un bon levier sur la question de l’emploi des profils expérimentés. Il a surtout permis de faire évoluer les mentalités. » Ces trois dernières années, les grands groupes se sont notamment dotés de personnes dédiées à l’emploi des seniors et ont mené des actions de communication dans ce sens. Il cite notamment les cas de Securitas, Starbucks, Décathlon ou Picard qui ont mesuré tout l’intérêt pour eux de faire entrer des seniors dans leurs points de vente – « pour équilibrer les rapports de force au sein des équipes et mettre en face des clients seniors des interlocuteurs en phase avec leurs centres d’intérêt » – et qui commencent à le faire savoir.
Maintien dans l’emploi plutôt que recrutement
Dans le détail, Bertrand Favre regrette néanmoins que 80 % des entreprises ont choisi la partie maintien dans l’emploi et n’ont pas encore pris le tournant du recrutement. Il reste confiant : « Les entreprises vont arriver au bout des trois ans de leur contrat. Elles vont devoir renégocier en interne et, cette fois-ci, contexte oblige, elles seront contraintes de bouger sur la partie recrutement. » Il ne manque pas de souligner également les limites de cette politique d’incitation, précisant que ces plans restent des déclarations d’intention et qu’il n’y a guère aujourd’hui de bilans précis et chiffrés des mesures mises en place.
L’exemple de Sodexo : la signature de l’Accord en faveur de l’emploi des seniors
Sodexo fait partie de ces entreprises qui se sont attelées à la tâche et qui mènent une action proactive pour favoriser la motivation au travail de ses salariés les plus âgés. En février 2011, l’entreprise signait ainsi à l’unanimité un « Accord en faveur de l’emploi des seniors » avec les organisations syndicales représentatives. Elle affirmait alors officiellement son ambition de s’engager sur cette question. Et même si les obligations légales ont forcément accéléré le processus, l’entreprise n’a pas attendu la loi pour travailler sur le maintien et la motivation des seniors.
« Notre engagement auprès des seniors, explique Antoine Imbault, responsable de projets ressources humaines chez Sodexo, s’inscrit directement dans notre philosophie en faveur de la diversité. C’est une valeur forte pour le groupe qui est omniprésente depuis sa création. A l’automne 2004, à l’heure de la signature par les entreprises de la charte de la diversité, nous nous posions déjà la question quant à la manière d’avancer sur les problématiques de l’intergénérationnel et de la motivation quel que soit l’âge des collaborateurs. » Rattrapé alors par la loi, Sodexo transforme un peu son champ d’action et se lance rapidement sur le thème plus précis du maintien des seniors dans l’emploi. « Nous avons commencé à travailler concrètement sur le sujet en mai 2009 et nous avons très vite noté la forte mobilisation de nos partenaires sur cette thématique, explique le responsable. Au départ, nous nous sommes basés sur les retours des collaborateurs qui avaient déjà quitté l’entreprise et, petit à petit, nous avons élargi notre étude aux salariés de plus de 45 ans. Nous les avons questionnés de manière précise sur ce qu’ils attendaient de l’entreprise, comment ils s’y sentaient, leurs inquiétudes, leurs satisfactions… »
C’est notamment à partir de cette enquête que Sodexo a pu rédiger un accord donnant lieu à quatre engagements majeurs qui seront la mise en place d’un dispositif d’entretiens de mi-carrière dès 45 ans (8 500 collaborateurs, soit près d’un tiers des salariés de l’entreprise), la prévention des situations de pénibilité au travail (organisation de visites sur les sites chaque année et audit systématique des conditions de travail des collaborateurs de plus de 45 ans), l’aménagement du temps de travail et l’information des collaborateurs via la publication d’un guide en trois tomes spécifiquement dédié aux collaborateurs les plus âgés (sur les questions de préparation au départ à la retraite et d’aide à la transition, et sur la présentation du dispositif de mi-carrière). Rien encore de concret sur le recrutement des seniors proprement dit mais la certitude pour Antoine Imbault que « cet autre aspect de la reconsidération des profils expérimentés fera partie du prochain accord ».
Audrey CAUDRON-VAILLANT