Le statut de cadre semble avoir du plomb dans l'aile. Le sociologue, Denis Monneuse, auteur de « Le silence des cadres », (Vuibert) récompensé du Stylo d’or par l’Association Nationale des DRH milite plutôt pour un statut de manager. Explications.
Pourquoi dites-vous que le statut de cadre a vécu ?
Le rôle d’un cadre aujourd’hui n’est plus celui d’un cadre en 1920. A l’origine, un cadre était autonome dans son travail, proche de la direction générale, il participait à l’élaboration de la stratégie. Les cadres représentaient l’élite du salariat. Or, l’explosion du nombre de cadres -2% de cadres en 1950 contre 15/20% en 2014- a banalisé le statut. Les cadres participent de moins en moins à la stratégie. L’écart de salaire entre les cadres et les ouvriers a diminué. Autre signe qui ne trompe pas : rares sont les cadres qui possèdent encore un bureau individuel. La très grande majorité exerce en open space. On dénombre également de moins en moins de cadres managers mais de plus en plus de chefs de projets et de chargés de mission.
Du coup, qu’est-ce qui différencie encore les cadres des non cadres ?
La distinction entre ces deux populations se fait encore sur les cotisations retraite, dans certaines conventions collectives et quelques articles du Code du travail. Mais sur le terrain, elle me semble obsolète.
Que préconisez-vous pour remplacer ce « vieux » statut de cadre ?
A mon sens, la vraie différence se fait entre ceux qui managent une équipe et les autres, ceux qui ont l’unique responsabilité d’eux-mêmes. C’est pourquoi je propose de réfléchir à un statut de manager. Les partenaires sociaux devraient alors discuter sur les droits et les devoirs spécifiques du manager.
Quels seraient selon vous les droits inhérents au statut de manager ?
On pourrait par exemple accorder un droit à la déconnexion aux managers. De même, attribuer un nombre de jour RTT différent selon que l’on manage ou pas. Les managers devraient bénéficier d’un droit d’alerte spécifique s’ils constatent un comportement délictueux dans l’entreprise. Aujourd’hui, les cadres n’osent rien dire par peur d’être tenus responsables.
Les actuels chefs de projet auraient-ils accès à ce statut ?
Souvent, les chefs de projets managent des projets plus que des équipes. Pour obtenir ce statut, il faudrait qu’ils gèrent une équipe sur laquelle ils aient une vraie autorité.
Les cadres d’aujourd’hui sont-ils prêts à abandonner leur statut ?
Lors de mes différents entretiens avec des cadres, j’ai constaté qu’ils parlaient d’eux-mêmes de « vrais cadres » et de « faux cadres ». Ils sont extrêmement lucides sur le fait que le statut de cadre est un cadeau empoisonné et/ou une fausse promesse. Ils ne sont pas dupes. Quand ils sont nommés cadres ils savent qu’ils vont devoir travailler plus et ne pas forcément gagner plus. D’ailleurs, rapporté au taux horaire, leur salaire n’est pas toujours intéressant.
Recueillis par Sylvie Laidet