Entre les papiers dans la presse, les témoignages, les discussions à l’Assemblée Nationale, les ouvrages… le syndrome d’épuisement psychique et physique professionnel est en ce moment au centre des débats sur la qualité de vie au travail et plus encore sur la santé des salariés. Pourquoi en parle-t-on autant ? Phénomène de mode ou phénomène de société ? Nos questions et les réponses de Karine Blondeau, consultante spécialiste des risques psychosociaux au sein du cabinet Latitude RH.
Burn out : est-ce un phénomène de mode ?
Si l’on considère que la mode est une tendance qui va disparaître alors le burn out n’est pas un phénomène de mode mais bien une réelle problématique d’entreprise. Comme pour le harcèlement moral ou les discriminations il y a quelques années, il y a parfois un temps où l’on s’autorise à parler de sujets jusque là tabous. La médiatisation et l’évolution législative sur le sujet des risques psychosociaux font que les gens osent davantage en parler.
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Existe-t-il un profil de gens sujets au burn out ?
Il n’y a pas de vérité absolue sur le sujet. Mais on observe que les gens à forte responsabilité ayant de l’ambition, en quête de reconnaissance et qui prennent sur eux pour protéger leurs équipes, sont davantage sujets au burn out. Les personnes qui travaillent au contact de populations difficiles, souvent avec peu de moyens, sont également dans une grande souffrance psychique. Pour elles, il s’agissait de faire du social, et elles se retrouvent à faire du chiffre.
Comment expliquer ces nombreux burn out ?
On note d’abord une dimension économique. Dans les entreprises, les collaborateurs subissent des pressions de toutes parts : du marché, des clients, du management… Les exigences y sont élevées et les perspectives de reprise sont faibles. Certains salariés sont en mode survie. Ils sont mal dans leur job et se sentent prisonniers. On observe également une dimension sociologique. Depuis 10 ans, on assiste à une perte de sens professionnel. Souvent, il y a un fort décalage entre les aspirations initiales des salariés et ce qu’ils font réellement. Etant très attachés à leur épanouissement personnel, ils ne s’y retrouvent plus. Pour eux, c’est terrible à vivre. En période économique saine, ils seraient aller voir ailleurs, mais là, compte tenu de la morosité du marché de l’emploi, ils sont coincés et subissent. Enfin, l’explication est aussi culturelle. En France, on entretient le culte de l’hyper performance dans un environnement qui s’effondre. A force de toujours devoir faire plus avec moins, ce sont les collaborateurs qui finissent par s’effondrer.
En quoi les employeurs sont-ils concernés par ce sujet ?
Les entreprises ont une obligation légale de préserver la santé mentale et physique de leurs salariés. Or, le burn out peut être difficile à détecter car le collaborateur qui en prépare un ne va jamais se plaindre mais au contraire prendre sur soi. Les entreprises ne sont certes pas responsables à 100 % des burn out mais elles sont en revanche responsables de leur organisation. Elles ordonnent aux salariés d’être hyper performants sans nécessairement leur en donner les moyens. Enfin, les entreprises ont également à se saisir de ce dossier car, si les burn out se multiplient dans leurs murs, elles perdront en attractivité. Sans compter que les personnes faisant des burn out sont souvent des collaborateurs sur lesquels elles comptent beaucoup et qui pourraient leur faire défaut.
Etes-vous favorable à la reconnaissance du burn out comme maladie professionnelle ?
Oui je suis pour car ce serait au moins reconnaître que le burn out existe. Malheureusement, on compte encore trop de victimes de burn out qui sont montrées du doigt et culpabilisées. (Arrêt de travail pour dépression : découvrez la durée moyenne.)
Comment pourrait-on limiter ce phénomène de burn out ?
Les contraintes législatives sur les entreprises ne fonctionnent pas. Donc arrêtons avec ce système. Il faut en revanche intégrer la qualité de vie au travail dans le système managérial et les organisations. Revoyons le système de gestion et de management de la performance en passant d’un modèle de compétition interne à un modèle d’excellence. Donnons-nous les moyens d’atteindre cette excellence. De leur côté, les managers doivent aussi être capable de reconnaître le travail bien fait. En ne disant rien, ils découragent les collaborateurs qui cessent alors de faire des actions positives et efficaces. Les entreprises doivent également être beaucoup plus vigilantes sur les « personnes à risques ». Il faut les repérer, les surveiller et surtout les écouter. Ce sont souvent des gens très engagés et très bosseurs. Un employeur peut par exemple s’assurer que la personne n’envoie pas des mails à des heures indues, ne travaille pas chez elle toute la nuit… Dans le cadre de burn out, la prévention est capitale.
Sylvie Laidet