Depuis le mardi 29 septembre, Paris et la petite couronne font à nouveau l’objet de mesures restrictives renforcées dans la lutte contre le coronavirus. Entre recherche du bien-être au travail et covid-19, les entreprises cherchent l’équilibre. Entre des salariés désormais habitués au télétravail, l’inconfort d’un port du masque obligatoire, le réaménagement du rythme de travail, les entreprises voient l’expérience collaborateur fortement impactée.
Le défi de l’expérience collaborateur transposée en télétravail
Les barrières physiques ajoutées par les précautions de protection des salariés impactent l’expérience collaborateur. En plus d’une réorganisation des espaces et des postes, le port du masque au travail, obligatoire la plus grande partie de la journée hormis quelques exceptions, requiert une adaptation des interactions au quotidien. Avec la plus grande partie du visage couverte (la bouche, le nez et le menton pour un port du masque correct) et le télétravail – la communication corporelle se retrouve affaiblie, voir rendue quasi impossible.
Dans ce contexte, les outils numériques peuvent venir concilier recherche du bien-être au travail et Covid-19, notamment la prévention de risques psychosociaux liés à l’isolement. Le baromètre du travail à distance de l’Usine Nouvelle publié fin août atteste de ce réflexe mis en place par un bon nombre d’employeurs : 47% des sondés ont adopté des outils de communication digitaux (visioconférence) et de partage de documents adaptés (logiciels comme Dropbox). Le succès est au rendez-vous, 83% des managers se déclarent satisfaits du télétravail, qui s’est installé vite et avec une rapidité opérationnelle pour 88% des sondés.
Le Covid-19 continue de chambouler le dialogue social
Les tensions montent dans les secteurs les plus impactés comme l’aviation : le plan de sauvegarde de l’emploi présenté par Airbus, qui scinderait en deux l’entreprise et diminuerait drastiquement la production, fait face au refus des représentants et du personnel. De son côté, le secteur de la restauration d’entreprise est lourdement impacté, Elior annonce 1 888 suppressions de postes. Enfin, le coronavirus fait son entrée aux prud’hommes pour licenciement abusif.
Malgré l’adoption du chômage partiel par un bon nombre d’entreprises, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi a augmenté de deux tiers par rapport à l’an dernier. Cela montre les limites du dispositif qui ne s’applique pas aux contrats en CDD, d’intérim et de temps partiel. Parmi les plus touchés on retrouve les jeunes et les salariés évoluant déjà dans une certaine précarité de l’emploi. Dernière mesure en date qui figure au coeur des tensions, le gouvernement vient d’annoncer que les salariés entrés en contact avec une personne contaminée par le Covid-19 et pour qui le télétravail est impossible, ne bénéficieront pas de jours de carence.
Des fractures révélatrices du lien entre bien-être au travail et Covid-19
Le baromètre de l’Usine Nouvelle dépeint une vision contrastée de l’adaptation du travail face au Covid-19. Du côté positif, les collaborateurs ont pu gagner en temps, en flexibilité et en efficacité. Pour les entreprises, on note un gain financier, un argument de recrutement et un remède à l’absentéisme. En revanche, l’isolement des collaborateurs reste très présent, les modes de travail n’étant pas toujours adaptés à une collaboration à distance et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle encore fragile.
En effet, la vision globale de l’environnement de travail est à revoir et trahit un bien-être au travail en berne, que les salariés soient en présentiel ou à distance. La question du refus de retourner au bureau démontre le besoin de mettre à jour la vision datée du rôle des locaux d’entreprise. Les salariés ne considèrent pas le bureau comme un lieu d’alchimie d’idées et de développement au contact des autres et donc un passage essentiel à leur performance professionnelle.
Bien-être au travail et covid-19 : l’expérience collaborateur remise en cause
Selon une étude Change-Yougov menée le mois dernier, 63% des sondés trouvent que leur travail manque de sens. Un tiers des répondants vont plus loin, affirmant être malheureux dans leur travail. Pour 75% des actifs, l’équilibre entre leurs vies personnelle et professionnelle constitue une motivation suffisante pour changer d’employeur. Cette tendance s’intensifie dans les grandes villes où les sondés estiment qu’ils dédient trop de temps dédié au travail. Pourtant, des freins importants les retiennent tels que la perte de salaire, leur âge, l’inexpérience dans une nouvelle activité et le changement de rythme. Enfin, les parents salariés sont plus enclins à retrouver du sens dans leur poste actuel.
Le port du masque au travail, le télétravail et d’autres mesures de protection des salariés contre le Covid-19 invitent les entreprises à réinventer les interactions et la part d’humain dans le travail. Sans un bien-être au travail au beau fixe, comment retenir les salariés et maintenir la fédératrice dynamique collective ? Une bonne compréhension des attentes des collaborateurs sera essentielle et pourra s’articuler autour d’une approche RH et management à deux niveaux : l’une personnalisée et l’autre collective. Puis, il sera question de placer l’expérience collaborateur dans la stratégie d’entreprise (reprise économique, rétention de talents, atout de recrutement, etc). L’expérience collaborateur comme moteur de performance peut encore rattraper une rentrée qui n’aurait pas été au beau fixe sur plusieurs niveaux.
Mai TREBUIL