Dans ce nouveau rendez-vous Bibliothèque RH, Marie-Sophie Zambeaux, autrice de Recrutement sous influence : Libérez-vous des biais cognitifs (Dunod, 2025), nous invite à porter un regard plus lucide sur nos pratiques de sélection des talents.
Entre idées reçues, automatismes inconscients et sentiment de « bon feeling », le processus de recrutement est encore aujourd’hui largement influencé par des biais cognitifs. Pourtant, ceux-ci peuvent conduire à des erreurs coûteuses et compromettre la diversité, la performance et l’équité au sein des entreprises.
Durant 30 minutes d’échange, Marie-Sophie Zambeaux a partagé son expertise et les grandes lignes de son ouvrage : un guide à la fois pédagogique et pragmatique, destiné à tous ceux qui souhaitent recruter de façon plus juste et plus efficace.
Les biais cognitifs, intrus invisibles du processus de recrutement
En recrutement, le feeling est très souvent un biais déguisé. C’est avec ces mots que Marie-Sophie introduit l’objectif de son ouvrage : aider les recruteurs, RH et managers à mieux comprendre les biais cognitifs pour s’en prémunir.
Forte de 20 ans d’expérience dans le conseil et le recrutement, elle observe (encore) un décalage persistant entre l’intention d’objectivité et la réalité des décisions prises.
Au-delà de l’aspect financier (le coût d’un mauvais recrutement est estimé à 30 – 150 k€ selon le poste et l’entreprise), les biais cognitifs entraînent aussi des risques de discrimination, nuisent à la marque employeur, et compromettent la diversité des équipes.
Un exemple frappant : le biais d’affinité, aussi appelé syndrome du scarabée qui pousse à favoriser inconsciemment les candidats qui nous ressemblent – par le parcours, l’origine, les loisirs ou même la manière de s’exprimer.
À force de recruter des clones, on appauvrit la richesse cognitive des équipes. Et donc, on freine leur capacité d’innovation.
Quels leviers pour agir contre les biais cognitifs ?
Le propos du livre n’est pas de culpabiliser les recruteurs, mais bien de leur donner des outils concrets pour reprendre la main sur leurs pratiques. Car, dans les faits, on ne peut pas supprimer les biais cognitifs puisqu’ils font partie du fonctionnement humain. En revanche, on peut apprendre à les reconnaître pour mieux les neutraliser.
Structurer, former, challenger
Parmi les solutions proposées :
- L’entretien structuré, reconnu depuis des années comme l’un des moyens les plus efficaces pour limiter les biais : « Plus l’entretien est cadré, plus il est équitable ».
- Le travail en binôme RH/manager pour définir des critères de sélection clairs, justifiés et non subjectifs dès l’étape de rédaction d’offre.
- La formation à la psychologie cognitive, encore largement absente des cursus RH.
Marie-Sophie recommande aussi des exercices simples pour illustrer la subjectivité du tri de CV, comme distribuer à un groupe plusieurs candidatures fictives pour un même poste.
Tous les recruteurs ne les classeront jamais dans le même ordre. C’est une démonstration immédiate de l’impact des biais.
Objectiver le recrutement, la clé de la performance
Si les biais freinent la diversité, leur réduction constitue un véritable levier stratégique. Recruter sur la base des compétences et non de la ressemblance permet :
- D’ouvrir le champ des possibles à des profils plus variés,
- D’enrichir les points de vue dans les équipes,
- De booster la créativité et l’innovation.
Il faut arrêter de croire que structurer un entretien revient à déshumaniser. C’est tout l’inverse : c’est permettre à chacun d’être évalué sur des bases équitables.
Et sur le sujet de l’IA et du recrutement ? L’autrice se montre prudente : si les données d’entraînement sont biaisées, les algorithmes le seront aussi. L’humain doit donc rester aux commandes, quoi qu’il arrive.
Les entreprises sont-elles prêtes à passer à l’action ?
Selon Marie-Sophie, il y a une vraie montée en conscience sur ce sujet depuis quelques années, mais la mise en œuvre reste inégale. La résistance au changement, notamment dans la culture managériale, qui valorise encore trop l’intuition ou le feeling comme gage de talent en recrutement.