Le transfert de salariés, individuel ou collectif, génère de nombreuses incertitudes : quand le transfert est-il automatique ? Quelles sont les démarches à suivre pour le réaliser ? Comment gérer les conséquences individuelles et collectives ?
Dans un webinaire organisé par myRHline en partenariat avec WorkWise Avocats, Maître Philippe Cazello, avocat en droit social, a livré un panorama complet des différents types de transferts de salariés et des bonnes pratiques à adopter pour les gérer efficacement. Retour sur les enseignements clés.
Identifier la nature du transfert : la première étape cruciale
Dans la gestion des transferts, tout commence par une bonne identification de la situation. Il existe trois grands types de transferts :
-
Le transfert collectif automatique (soumis à l’article L.1224-1 du Code du travail) : il s’applique en cas de modification de la situation juridique de l’employeur – vente, fusion, externalisation d’un service, etc. Dans ce cas, les contrats de travail sont transférés de plein droit. « Le seul changement concerne l’employeur. Toutes les autres stipulations du contrat demeurent inchangées », a rappelé Philippe Cazello.
-
Le transfert collectif volontaire : il intervient en dehors du champ d’application de l’article L.1224-1, par exemple lorsqu’une convention collective impose une reprise des salariés en cas de perte de marché. Ce type de transfert nécessite une négociation tripartite entre l’ancien employeur, le nouvel employeur et le salarié.
-
Le transfert individuel : dans ce scénario, un salarié est transféré sans que cela résulte d’un cadre collectif ou légal. Là encore, tout repose sur l’accord des trois parties. « Le salarié ne peut pas se voir imposer un transfert individuel. Le refus ne constitue pas une faute », précise l’expert.
Anticiper les conséquences : droits individuels et aspects collectifs
L’une des complexités majeures des transferts réside dans leurs conséquences juridiques, tant individuelles que collectives.
Pour les salariés concernés
Lorsque le transfert est automatique, le contrat de travail est transféré en l’état, y compris l’ancienneté, la rémunération, et les avantages acquis. Toutefois, cela implique pour le nouvel employeur de réaliser un audit des contrats transférés. « Il est essentiel de mesurer les écarts entre les contrats transférés et ceux déjà en place dans l’entreprise d’accueil », a souligné Maître Cazello.
Des ajustements sont possibles, mais ils nécessitent de suivre la procédure de modification du contrat de travail, avec ou sans motif économique, selon les cas.
Sur le plan collectif
Le transfert peut également avoir un impact sur les accords collectifs. L’article L.1224-1 prévoit un maintien temporaire du statut collectif des salariés transférés pendant 15 mois (12 mois plus 3 mois de préavis). Durant cette période, le nouvel employeur est invité à négocier un accord de substitution. En l’absence d’accord, les salariés peuvent exiger une rémunération globalement équivalente à celle perçue précédemment.
Le sujet des représentants du personnel est aussi sensible. En cas de transfert partiel, le CSE ne suit généralement pas. Il revient alors au nouvel employeur d’organiser de nouvelles élections, si les seuils le justifient. Pour les salariés protégés, une autorisation préalable de l’inspection du travail est requise, sauf en cas de transfert intégral de l’établissement.
En pratique : sécuriser les transferts
Pour gérer efficacement les transferts, plusieurs bonnes pratiques sont à retenir :
-
Évaluer précisément l’entité économique transférée : s’agit-il d’un service autonome ? L’activité est-elle maintenue ? Les salariés sont-ils clairement affectés à cette activité ?
-
Anticiper les conséquences RH : préparer les équipes, informer les représentants du personnel, prévoir les ajustements contractuels nécessaires.
-
Sécuriser juridiquement les démarches : que le transfert soit automatique ou volontaire, il doit être bien documenté et justifié pour éviter tout litige.
Comme le résume Philippe Cazello : « L’important, d’un point de vue pratico-pratique, c’est vraiment de vérifier si l’on est dans le champ d’application de l’article L.1224-1. Si c’est le cas, le transfert est automatique. Sinon, tout doit être négocié. »
Si vous êtes confronté à une opération de transfert de salariés, individuelle ou collective, il est donc essentiel de vous poser les bonnes questions en amont pour en maîtriser les implications. Car un transfert mal anticipé peut vite devenir une source de contentieux ou de désorganisation RH.