L’épidémie de COVID-19 et les confinements successifs ont été un formidable catalyseur pour le télétravail. En l’espace de quelques jours, le télétravail, qui était jusque-là relativement occasionnel, est devenu la norme. Et il est fort probable que cette situation s’inscrive dans la durée. Après 1 an de travail à la maison, beaucoup de collabrateurss se sont habitués aux avantages de cette organisation et ne sont pas forcément prêts à y renoncer. Ainsi, une majorité de télétravailleurs (86%) souhaitent continuer à travailler de chez eux, idéalement 2 jours par semaine (source : baromètre télétravail Malakoff Humanis). L’enjeu est donc important pour les entreprises. Et pour celles qui ne l’ont pas encore fait, la mise en place d’un accord sur le télétravail paraît plus que jamais indispensable.
Rappelons en préambule que le télétravail peut être mis en place de différentes manières : par un accord collectif, mais également par une charte, un accord individuel avec un salarié, ou de manière unilatérale en cas de circonstances exceptionnelles (comme une épidémie).
Nous vous proposons de détailler ici les différentes étapes nécessaires pour mettre en place un accord télétravail : avec qui et comment négocier, quel est le contenu de l’accord, ses conditions de validité…
Préparer la négociation d’un accord de télétravail
Vous pouvez mettre en place un accord de télétravail quelle que soit la taille de votre entreprise, y compris en l’absence de délégués syndicaux. Qui sont les acteurs de cette négociation ? Le CSE a-t-il un rôle à jouer ?
Avec qui négocier ?
S’ils sont présents dans l’entreprise, les délégués syndicaux (DS) sont seuls habilités à négocier un accord collectif. Toutefois, cela restreint les négociations aux entreprises de plus de 50 personnes
Dans le but de favoriser le dialogue social et la négociation en entreprise, d’autres acteurs prennent le relais en l’absence de délégués syndicaux (ordonnance « macron » du 22/09/2017) :
- Entreprises de moins de 11 et de 11 à 20 salariés sans CSE. L’employeur peut consulter directement ses employés et leur soumettre un projet d’accord de télétravail.
- Entreprises de 11 à 49 salariés, l’employeur peut négocier avec :
- Un ou plusieurs salariés non élus mais mandatés par une organisation syndicale représentative.
- Ou avec un ou plusieurs membres élus du CSE, mandatés ou non.
- Entreprises de plus de 5O salariés sans DS, l’employeur négocie avec :
- Un membre du CSE mandaté par un syndicat représentatif.
- À défaut, avec un membre du CSE non mandaté. Attention, cet accord ne peut porter que sur des mesures subordonnées exclusivement à un accord collectif. Ce qui exclut le télétravail, qui peut être mis en place par d’autres moyens (charte, décision unilatérale…).
- À défaut, avec un salarié mandaté non élu.
Accord télétravail : Rôle du comité social et économique
Aucune consultation du CSE n’est nécessaire si l’employeur met en place le télétravail par un accord collectif (contrairement à la mise en place par une charte).
Toutefois, le CSE joue un rôle important dans le suivi ou la modification du télétravail. Ce dernier affectant notamment les conditions de travail des employés, l’organisation du travail, la santé et la sécurité des salariés, il fait partie des thèmes de consultations récurrentes du CSE.
Comment négocier l’accord sur le télétravail ?
Avant de détailler le contenu de l’accord, voyons comment s’organise la négociation.
Modalités pratiques
Composition de la délégation syndicale
La délégation de chaque syndicat représentatif est composée d’un ou deux délégués syndicaux. Un accord entre l’employeur et les différentes organisations parties à la négociation peut prévoir un nombre supérieur.
Chaque syndicat peut compléter sa délégation par des collaborateurs de l’entreprise. Leur nombre est fixé en accord avec l’employeur, sans pouvoir être supérieur à celui des DS de la délégation. Si l’entreprise ne dispose que d’un seul DS, ce nombre peut toutefois être porté à deux (art.L2232-17).
Bon à savoir – Personnes extérieures à l’entreprise. La délégation ne peut pas inclure des personnes extérieures, sauf accord ou usage plus favorable. Mais elles peuvent néanmoins l’assister dans la préparation de la négociation.
Déroulement des négociations
Lors de la première rencontre, les parties fixent un calendrier de réunion. Elles peuvent prévoir le nombre de réunions qu’elles estiment nécessaire.
La rédaction d’un compte-rendu n’est pas obligatoire mais il est vivement conseillé. Il permet de garder la trace des différentes réunions, du contenu des discussions, etc.
Si l’entreprise emploie des personnes extérieurs (intérimaires par exemple), les DS de ces entreprises peuvent être entendus, à leur demande, pendant les négociations. Ils n’ont qu’un rôle consultatif (art.L2232-19).
Rémunération du temps de négociation
Le temps passé aux négociations est rémunéré comme du temps de travail effectif (art.L.2232-18).
En revanche, le temps nécessaire à la préparation des réunions est déduit d’un crédit d’heure spécifique dont disposent les DS et les salariés appelés à négocier. Il est de 12h/an dans les entreprises d’au moins 500 collaborateurs et de 18h/an au-delà de 1 000 salariés (art.L2143-16).
Contenu de accord de télétravail
Tout accord collectif contient obligatoirement un préambule (loi « travail » du 8/08/2016) présentant de manière succincte les objectifs et le contenu de l’accord. Toutefois, son absence n’entraine pas la nullité de l’accord (art.L.2222-3-3).
L’accord sur le télétravail doit mentionner les éléments suivants (art.L1222-9) :
- Les conditions du passage en télétravail
- Les conditions de retour à une exécution de contrat sans télétravail
- Les modalités d’acceptation par l’employé des conditions de mise en œuvre du télétravail
- Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
- La détermination des plages horaires pendants lesquelles l’employeur peut contacter le salarié
- Les modalités d’accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail
Comme pour tout accord, n’oubliez pas les clauses suivantes :
- Champ d’application
- Modalités de suivi de l’accord, de renouvellement, de révision
- Conditions de dénonciation
Bon à savoir – Salariés avec un contrat antérieur au 23/09/2017 prévoyant des dispositions relatives au télétravail.
En principe, les dispositions de l’accord collectif remplacent les clauses contraires ou incompatibles prévues dans le contrat de travail. Le collaborateur peut toutefois s’y opposer. Il fait alors connaître son refus à l’employeur dans un délai d’1 mois à partir de la communication de l’accord dans l’entreprise (ordonnance « Macron » du 22/09/2017, art.40, VII).
Les conditions de validité de l’accord de télétravail
Vous êtes parvenus à un accord ? Pour être valable, il doit respecter certaines modalités notamment relatives à sa signature.
Des conditions différentes selon les parties à la négociation
Accord négocié par un ou plusieurs délégués syndicaux
L’accord doit être majoritaire : il doit être signé par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au moins 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au 1er tour des dernières élections titulaires du CSE (art.L2232-12).
À défaut, l’accord est valable s’il est signé par les organisations représentatives ayant recueilli plus de 30% des suffrages aux élections et s’il est approuvé par les salariés à la majorité simple.
Absence de délégué syndical
- Moins de 11 salariés et de 11 à 20 salariés sans CSE (consultation directe des employés). Pour être valable, le texte devra être approuvé par les 2/3 du personnel lors d’un référendum.
- Entreprises de 11 à 49 employés :
- Salariés non élus, mandatés. La validité de l’accord est soumise à l’approbation de la majorité, consultés par référendum.
- Membres élus du CSE, mandatés ou non. Pour être valable, l’accord doit être signé par les membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.
- Entreprises +50 personnes sans délégué syndical
- Membres élus du CSE mandatés. L’accord est approuvé par la majorité des collaborateurs, par référendum.
- Salarié mandaté non élu. L’accord devra également être approuvé par les salariés, à la majorité des suffrages exprimés.
Dépôt et entrée en vigueur de l’accord de télétravail
Une fois l’accord signé, la partie la plus diligente le notifie à l’ensemble des organisations syndicales de l’entreprise.
Vous devez ensuite le déposer sur la plateforme Téléaccords et l’envoyer au conseil des prud’hommes du lieu de sa conclusion.
L’accord de télétravail entre en vigueur au lendemain de son dépôt.
Et après ? Les suites de la négociation
Accord : en cas d’échec des négociations, quelles solutions ?
Si les négociations n’aboutissent pas à un accord, vous pouvez mettre en place le télétravail par d’autres moyens :
- Rédaction d’une charte, qui devra obligatoirement être soumise à l’avis du CSE (contrairement à l’accord)
- Accord entre l’employeur et le salarié, formalisé par un avenant au contrat de travail
- Décision unilatérale de l’employeur en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure. Tel était le cas notamment pendant l’épidémie de covid-19.
Accord du salarié nécessaire
L’employeur doit recueillir l’accord des employés concernés. Que le télétravail soit mis en place par un accord ou une charte, l’employeur ne peut pas l’imposer aux salariés.
Seule exception : en cas de circonstances exceptionnelles (fermeture de l’établissement suite à l’épidémie de covid-19, par exemple) le salarié ne peut pas s’opposer au télétravail.
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