70 % des professionnels y seront confrontés au cours de leur carrière. Et les RH ne font pas exception. Entre transformations du métier, exigences accrues et pression émotionnelle, la fonction RH est un terrain propice au syndrome de l’imposteur. Comment l’identifier ? Et surtout, comment en sortir ? Réponse dans cet article.
Comprendre le syndrome de l’imposteur dans les fonctions RH
Le syndrome de l’imposteur se traduit par une remise en question permanente de ses compétences, un sentiment d’illégitimité persistant, voire la conviction d’avoir trompé son entourage professionnel.
Dans les ressources humaines, ce phénomène peut être accentué par la posture attendue d’expert, confrontée à des situations humaines complexes et évolutives. Malgré des responsabilités importantes, les professionnels RH sont parfois en manque de reconnaissance explicite ou de critères objectifs pour mesurer la qualité de leur action, ce qui nourrit le doute.
Ce syndrome ne relève pas uniquement du manque de confiance en soi. Il s’ancre dans un contexte organisationnel où la charge émotionnelle, la confidentialité, et les injonctions contradictoires peuvent fragiliser la perception de sa propre légitimité.
Une fonction RH exposée à des tensions structurelles
Positionnés à l’interface entre la stratégie de l’entreprise et les attentes des collaborateurs, les professionnels RH évoluent dans un équilibre souvent instable. Ils doivent à la fois porter les décisions de la direction et accompagner les salariés dans leur mise en œuvre. Ce qui peut créer un sentiment de tension ou de dissonance. Cette position d’entre-deux place les RH dans une zone grise : ni les salariés ni la direction ne les perçoivent pleinement comme alliés.
De même, cette exposition permanente à des enjeux humains et organisationnels contradictoires peut générer une forme d’isolement professionnel. La confidentialité inhérente à la fonction, notamment dans la gestion de situations sensibles (ruptures de contrat, conflits, sanctions), limite les possibilités d’échange ou de décharge émotionnelle.
Par ailleurs, l’évolution rapide des attentes à l’égard de la fonction RH – digitalisation, transformation des pratiques managériales, intégration des enjeux RSE ou encore hybridation du travail – rend le rôle plus stratégique, mais aussi plus complexe. Le périmètre s’élargit, les compétences requises se diversifient : il faut être à la fois juriste, communicant, data analyst et facilitateur.
Or, cette montée en expertise, bien qu’enrichissante, est rarement accompagnée d’un renforcement des moyens ou d’un appui suffisant.
À cela s’ajoute une invisibilisation fréquente du travail accompli, les réussites RH étant souvent perçues comme allant de soi. Quand, à l’inverse, les dysfonctionnements sont rapidement pointés. Ce déséquilibre entre reconnaissance et effort constitue un facteur supplémentaire de fragilisation.
Des répercussions sur l’efficacité et la posture professionnelle
Chez les professionnels RH, le syndrome de l’imposteur prend souvent une forme silencieuse. Parce qu’ils ne « produisent » pas directement de chiffre d’affaires, qu’ils exercent une fonction parfois mal comprise, ou qu’ils sont perçus comme simples exécutants des décisions managériales, leur légitimité peut être questionnée – y compris par eux-mêmes.
Ce doute intérieur s’amplifie lorsqu’il s’agit d’endosser un rôle stratégique : prendre la parole en CODIR, faire valoir des arbitrages en matière de climat social, de transformation culturelle, de people analytics, etc. La peur de ne pas être « assez » business ou expert pousse parfois à l’autocensure ou à la survalidation hiérarchique. Mais aussi à une forme de repli sur des missions plus opérationnelles.
À terme, cela peut affecter leur posture :
- prudence excessive dans la prise de décision ;
- évitement de visibilité ou perfectionnisme contre-productif ;
- perte d’estime personnelle ;
- baisse de la prise d’initiative.
Dans un métier déjà soumis à une pression d’exemplarité, le sentiment d’imposture est rarement verbalisé.
Sur le plan relationnel, ce phénomène peut affecter la capacité à affirmer des positions dans des contextes tendus ou face à des interlocuteurs hiérarchiques. Il contribue également à une charge mentale accrue, liée à la crainte constante de l’erreur ou de l’évaluation négative.
Reconnaître et agir face au syndrome de l’imposteur des RH
Avant de rechercher des solutions au syndrome de l’imposteur, une précision est importante : le doute fait partie intégrante de toute trajectoire professionnelle. Il n’est pas systématiquement problématique mais le devient lorsqu’il bloque la prise de décision ou altère la posture professionnelle.
Autocritique excessive, minimisation systématique des réussites ou incapacité à intégrer les signes de reconnaissance sont généralement signe d’un syndrome de l’imposteur. Et dans ce cas, plusieurs leviers peuvent être activés :
- Rompre l’isolement fonctionnel : encourager les échanges réguliers entre pairs RH, mettre en place des espaces de discussion confidentiels, ou encore intégrer des formats de co-développement peut contribuer à normaliser le doute et à partager des pratiques.
- Redéfinir les critères de réussite : mettre en avant des indicateurs qualitatifs, valoriser les efforts plutôt que les seuls résultats, et adopter une approche apprenante dans le pilotage des actions RH permettent de repositionner le sentiment de compétence sur des bases plus durables.
- Interroger l’environnement de travail : dans certains cas, le malaise persistant peut être lié à des facteurs organisationnels – injonctions contradictoires, valeurs non partagées, manque de soutien managérial. Une évaluation lucide de l’environnement est alors nécessaire pour distinguer ce qui relève de l’individu et ce qui tient au cadre structurel.
Et si les RH avaient besoin d’un RH ?
Aborder le syndrome de l’imposteur dans la fonction RH suppose un travail à deux niveaux : individuel, mais aussi organisationnel. D’un côté, il s’agit de permettre aux professionnels RH de reconnaître ce ressenti sans honte. Par exemple, avec des espaces de parole entre pairs.
Mais la réflexion ne peut être uniquement personnelle. Elle doit aussi interroger les représentations collectives du métier RH : à quel moment valorise-t-on vraiment leur contribution ? Comment rendre visibles des succès souvent immatériels, comme l’apaisement d’un conflit ou l’évolution d’une culture managériale ?
Ce double travail – reconnaissance individuelle et revalorisation structurelle – est fondamental. Car chez les RH, le sentiment d’imposture est d’autant plus insidieux qu’il s’exerce dans un rôle souvent invisible, mais central à la santé sociale de l’entreprise.
Source(s) documentaire(s) :
- Le syndrome de l’imposteur, J. Sakulku & J . Alexander