Accélérer la transition écologique en entreprise passe nécessairement par les RH. C’est le point de vue d’Antoine Poincaré — directeur de l’Axa Climate School et co-auteur du livre Green RH : Quand la fonction RH fait sa révolution verte (Dunod) — qui prône une approche structurée en 4 axes pour faire des ressources humaines l’un des moteurs de cette transition.
Dans cet article, il revient ainsi sur les piliers essentiels d’une RH verte et nous explique comment chaque entreprise peut, à son échelle, faire de la durabilité un levier de performance, individuelle et collective.
Les 4 piliers de la Green RH
Comme nous l’explique Antoine Poincaré, le concept de Green RH repose sur 4 grands axes. Chacun permettant aux ressources humaines soit d’anticiper la façon dont la fonction peut être impactée de manière externe, soit d’accélérer la transition écologique de l’entreprise.
La décarbonation
Bien entendu, le premier pilier est la décarbonation. Les RH jouent un rôle essentiel en mobilisant leurs collaborateurs, qui sont les principaux acteurs des actions de l’entreprise en matière de réduction ou de gestion de l’empreinte carbone. De fait, les RH ont la capacité d’influencer la réduction de l’empreinte carbone de l’organisation.
Au-delà des gestes écoresponsables, cela passe par différents leviers. La politique de mobilité, par exemple, lorsque cette dernière encourage les déplacements doux. Mais aussi les marches à suivre inhérentes à :
- la restauration du personnel ;
- l’organisation des séminaires ;
- la gestion de la paie avec des bonus sur objectifs RSE pour les dirigeants, etc.
Les nouveaux risques professionnels
Le deuxième pilier concerne la protection des collaborateurs face aux nouveaux risques liés au changement climatique. On pense bien entendu aux risques physiques induits par les vagues de chaleur, les inondations, etc.
Mais il y a également de nouveaux risques psychosociaux à prendre en considération. L’écoanxiété, notamment dont on parle de plus en plus. Mais aussi les conséquences psychologiques dues aux catastrophes naturelles à répétition.
Dans ce contexte, anticiper et prévenir ces risques est désormais une mission centrale de la fonction RH, qui doit veiller au bien-être physique et mental des collaborateurs.
La mise en mouvement des salariés
Le troisième pilier est celui de l’engagement des collaborateurs. Dans un contexte où les attentes des employés vis-à-vis des actions écologiques de leur entreprise sont fortes, l’enjeu pour les RH est double.
Dans le registre de la marque employeur et du recrutement, il s’agit d’attirer des talents motivés par les valeurs environnementales de l’entreprise. Puis, l’objectif est de maintenir cet engagement au quotidien en impliquant les collaborateurs dans des initiatives écologiques concrètes.
Lors de notre échange, Antoine Poincaré donne l’exemple de salariés qui souhaitent réduire leur empreinte carbone personnelle. Ceci en limitant leurs déplacements en avion. Dans ce cadre, l’entreprise doit être capable de répondre à ces aspirations et d’élaborer une politique offrant des alternatives, selon les spécificités culturelles et géographiques.
La gestion des compétences
Enfin, la GEPP constitue le quatrième pilier d’une fonction RH verte ou verdissante. Un axe qui nécessite une vision stratégique de la part des ressources humaines. En effet, la transition écologique amène de nouveaux métiers et transforme en profondeur les compétences. Les RH jouent alors un rôle d’anticipation puisqu’ils doivent :
- identifier les compétences émergentes ;
- accompagner les salariés dans leur acquisition ou leur renforcement (upskilling) ;
- mettre en place des programmes de reconversion professionnelle pour les métiers impactés par la transition (reskilling).
À long terme, il s’agit de donner les moyens aux équipes de faire face aux nouveaux défis écologiques et de s’assurer que les compétences essentielles sont disponibles pour atteindre les objectifs durables de l’entreprise.
Compétences et transition écologique
Pour répondre à la question de l’avenir des compétences face à la transition écologique, Antoine Poincaré propose plusieurs lectures.
D’abord, une lecture métier basée sur l’étude Work Toward Net Zero (Deloitte) qui consiste à segmenter les métiers en deux catégories. Dans la première, l’on retrouve 3 groupes d’emplois :
- les métiers existants, dont la demande, et donc les tensions, va augmenter avec la transition (énergie renouvelable, rénovation énergétique, hydrogène, etc.) ;
- les métiers transformés par la transition (automobile, le BTP, etc.) ;
- les nouveaux métiers net zero qui émergent avec la transition verte (écoconception, décarbonation, etc.).
Du côté de la deuxième catégorie, on retrouve ceux qui sont inhérents aux industries très émissives, voués à disparaître. Dans cette catégorie, il y a également les emplois qui dépendent du climat et qui, par conséquent, souffrent déjà ou vont souffrir des effets du changement climatique. L’agriculture par exemple, ou les métiers impliquant une activité extérieure de manière plus générale.
Une adaptation des compétences nécessaires pour une économie de l’usage
Au-delà de cette lecture métier, Antoine Poincaré propose une autre grille d’analyse : par les compétences cette fois. Si aucune ne peut tout couvrir, il rappelle néanmoins que les opportunités sont nombreuses.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui passe de la vente d’équipements à un modèle proposant aussi des services de location. L’activité en point de vente est alors entièrement réorganisée, car elle demande des compétences nouvelles.
La gestion des stocks, autrefois axée sur des articles neufs, s’étend désormais aux produits d’occasion ou de seconde main. Les métiers s’orientent vers l’entretien du matériel, le suivi de l’usure et la remise en état des produits usagés. Ce besoin en compétences nouvelles appelle les RH à revoir leur approche. Il s’agit de développer ces compétences spécifiques au sein de l’organisation, ou de procéder à des reconversions adaptées aux nouveaux besoins.
Cet exemple illustre un phénomène plus large. Bien au-delà de la simple conversion des métiers, l’économie verte favorise l’émergence de méta compétences qui traverseront un large éventail de profession, de l’entretien des biens à la gestion des ressources naturelles, en passant par l’anticipation des risques climatiques.
Green RH & TPE/PME : les conseils d’Antoine Poincaré
Les TPE/PME n’ayant pas les mêmes moyens que les grandes entreprises, le directeur d’Axa Climate School propose deux axes pour intégrer la Green RH.
Le premier impulsé par un dirigeant généraliste qui souhaite aborder le sujet de la RSE. Dans ce cas de figure, les étapes sont connues et classiques. D’abord, la réalisation d’un bilan carbone, puis le déploiement d’une feuille de route de décarbonation.
En parallèle, un autre sujet, bien que quelque peu différent, reste à aborder : le rapport de l’entreprise au vivant. C’est-à-dire aux ressources naturelles dont l’organisation dépend d’une part, et l’impact de l’activité sur la nature qui l’entoure d’autre part. En effet, c’est bien ce double mouvement qui est important. Bien au-delà de l’installation d’une ruche sur un toit.
À l’inverse, s’il s’agit d’un profil de dirigeant CODIR, la recommandation d’Antoine Poincaré est plutôt d’appréhender la RSE par le prisme du métier :
Si vous êtes un(e) RH engagé(e) qui a envie de gérer le sujet de la RSE, prenez un des quatre piliers de la Green RH et faites en sorte de devenir très bon sur cet axe-là.
Au niveau du recrutement, il s’agit par exemple de se challenger. L’enjeu ? Devenir l’entreprise la plus convaincante d’un point de vue marque employeur sur ce que vous faites pour l’environnement. Et ce, à l’échelle du territoire ou de la région. Tandis qu’un directeur des achats peut, à titre d’exemple, élaborer et mettre en place une notation très fine et très claire destinée aux fournisseurs.
Bien plus qu’un concept, qu’une tendance, la transition verte des ressources humaines est une réponse concrète et stratégique pour les organisations. Une voie qui permettra d’atteindre des objectifs écologiques, bien sûr. Mais surtout d’accroître la performance, l’attractivité et l’engagement des talents, en lien avec les valeurs sociétales actuelles.
- Green RH : Quand la fonction RH fait sa révolution verte aux éditions Dunod