Il était une fois un jeune ado introverti, toujours fourré derrière son PC, accro à Counter Strike, qu’on appelait un gamer. En ces temps anciens, on s’inquiétait des dangers liés à l’addiction aux jeux vidéo, invoquant l’excès de violence, le risque de crise d’épilepsie. Aujourd’hui, les jeux vidéos sont fun et surtout serious. Belle contre-offensive des concepteurs de jeux vidéo qui ont gagné le terrain du management et des RH. Désormais, le gamer est un jeune diplômé ou un étudiant, bourré d’ambition, créatif, hypra réactif et inséré dans une communauté. Bienvenue dans World of HR-craft !
Génération Y : Serious Gamers
A l’origine de l’explosion des Serious Games, « un besoin d’innover dans les modes de communication avec les jeunes diplômés, les étudiants », explique Jean Mariotte, fondateur de Smart and Geek, agence de conseil en community management et créateur d’applications FaceBook et mobile. « La plaquette corporate ne fonctionne plus », ou ne suffit plus, poursuit-il. Pour parler aux jeunes, il faut parler jeune, et notamment remplir des cases « Exprimez-vous ». Le Serious Game s’intègre dans cette stratégie globale de e-réputation. Comment développer l’image employeur sur les réseaux, notamment non professionnels ? « Il faut y aller avec un angle fun et sympa », répond Jean Mariotte. La définition même du Serious Game.
Le Palmarès Employeur 2010 de RegionsJob a révélé, en octobre dernier, les attentes de cette génération Y : une entreprise en bonne santé économique, capable de lui offrir un réel plan de carrière, avec un management de qualité et soucieuse de son prochain, qu’il soit jeune, sénior ou handicapé. « Les jeunes recherchent des échanges authentiques, des informations sur le quotidien du métier », complète et confirme le fondateur de Smart and Geek. La génération Y veut connaître la réalité du métier… offerte sur le plateau virtuel du jeu vidéo. Paradoxal ? Pas tant que ça. Dans les Serious Games, le fond est sérieux, la forme attractive. « C’est le côté décalé qui fonctionne », plus efficace que « la langue de bois » ou la plaquette corporate, compare Jean Mariotte. Si paradoxe il y avait, comment expliquer de si vifs succès ? Avant même leur lancement, les Serious Games comptent déjà des milliers d’inscrits. Exemple parmi tant d’autres, « Le Défi des Prépas comptait 10 000 joueurs en deux semaines », arbore le concepteur de l’application en question.
Prenons les trois têtes de liste nationale du classement RegionsJob : BNP, Airbus et Crédit Agricole. Le premier vient de lancer la troisième édition d’Ace Manager, « inspiré de faits réels », qui plonge ses joueurs dans l’univers de la banque. Les trois équipes gagnantes sont récompensées par des sommes d’argent, qui elles, sont bien réelles. Du côté de Flight Simulator, pas de prix à gagner, seulement du plaisir à éprouver à bord d’un A380. Quant au Crédit Agricole, le groupe recourt aux Serious Games dans la formation de ses équipes commerciales depuis 2008. L’envie est forte de liée le succès de ces Serious Games à la place des entreprises qu’ils représentent, dans le classement RegionsJob et dans le cœur de la Génération Y.
Pour Jean Mariotte, « la bonne stratégie marque employeur consiste justement à ne pas l’intégrer de manière visible, à ne pas donner d’information brute dans le jeu. Il faut sortir du périmètre de l’entreprise ». Il prend l’exemple de Thalès – qui occupe la première place du classement RegionsJob en PACA et la troisième en Rhône-Alpes – dans le jeu Moonshield. « Le joueur doit défendre la Terre et construit une base en utilisant des technologies : celles de Thalès », décrit-il. A l’écran, le joueur voit apparaître une vidéo explicative sur chacune des technologies qu’il souhaite utiliser, présentée par un expert Thalès. Discret, efficace.
Serious game 2.0
Sur la page d’accueil de Moonshield, on apprend que le jeu est désormais disponible sur Iphone, Ipad et Ipod Touch. Pour l’expert Smart and Geek, Moonshield et le Défi des Prépas appartiennent à la « deuxième génération de Serious Games ». Aujourd’hui, ces jeux sont accessibles depuis les applications Facebook ou mobile. C’est ce qui fait la différence avec « la première génération, des jeux comme Reveal » accessibles seulement depuis un site dédié. Le Serious Game 2.0 accorde plus d’importance à la communauté qu’il réunit qu’au principe du jeu en lui-même. « Il ne faut pas concevoir le jeu pour le jeu, mais sa dynamique communautaire et sa continuité. On réfléchit d’abord à sa viralité », établit le concepteur d’applications.
Les Serious Games font partie des différentes possibilités de gestion de la marque employeur sur les réseaux sociaux. « Ils permettent d’associer une image positive à l’entreprise qui se trouve derrière », continue Jean Mariotte. Il cite d’autres systèmes d’analogie Plaisir de jouer/Plaisir de travailler, comme le « casual game – des mini-jeux, à budget réduit, plus superficiels, pour faire connaître la marque » ou encore le « InGame Advertising », le fait d’utiliser un jeu déjà existant pour communiquer. Dans les Sims, par exemple, Renault a commercialisé sa Twizy avant son lancement dans le monde réel. « Il s’agit là d’une stratégie de communication sur un produit, mais, avance-t-il, on pourrait transposer à la marque employeur en proposant à un joueur de devenir ingénieur chez Thalès, par exemple ».
Typhanie Bouju