Le Sénat vient d’adopter, dans la nuit de dimanche à lundi, l’article 2 de la réforme des retraites qui prévoit de créer un index senior dans les entreprises comptant plus de 300 collaborateurs, dans le cadre de la réforme des retraites. Avec la création de cet index, la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC, nouvellement appelée GEPP) devrait inclure une composante dédiée à l’emploi des seniors.
La mesure du gouvernement d’Elisabeth Borne et du ministre du Travail Olivier Dussopt fait néanmoins débat en France. La gauche considérant par exemple que ce dispositif serait inutile, bien que la majorité sénatoriale aurait « timidement défendu une mesure qu’elle veut compléter par un CDI senior et qu’il faut laisser vivre dans le dialogue social », ont indiqué pour Public Sénat Louis Mollier-Sabet et Guillaume Jacquot.
Explications.
Index senior : de quoi parle-t-on ?
Dans le cadre de la réforme des retraites qui prévoit l’allongement de l’âge de départ à la retraite, le Sénat a adopté – à 244 voix pour et 96 voix contre -, l’article 2 d’un projet de loi prévoyant la création d’un index senior dans les organisations de plus de 300 collaborateurs.
Le texte concerné par cette mesure prévoit un « indicateur relatif à l’emploi des salariés âgés » : un index senior obligatoire pour les organisations de plus de 300 salariés. Selon René-Paul Savary (LR), le seuil de 300 équivaut à un « seuil de discussion au sein de l’entreprise, de la gestion prévisionnelle des emplois (…) En dessous c’est un peu compliqué », affirme-t-il.
Toutefois, dans une version qui avait été transmise au Sénat, le gouvernement avait revu ce seuil, qui devait être abaissé à 50 collaborateurs. Une mesure souhaitée par une majorité de députés – avant que l’article ne soit rejeté.
Or, ce dimanche, le gouvernement a changé de direction en adressant, selon la chaîne parlementaire, « un avis de sagesse à la modification proposée par les rapporteurs du Sénat. Retour donc au seuil présent dans la version initiale du projet de loi. »
L’index senior sera rendu obligatoire à compter de novembre 2023 pour les organisations de 1 000 salariés. Quant à celles dont les effectifs sont compris entre 300 et 1 000, elles pourront prendre « un peu plus de temps pour se préparer, le projet de loi fixant l’obligation pour la publication de l’index à partir de juillet 2024 ».
- Quelle pénalité en cas d’irrespect de cet index ?
Dans les cas où les entreprises ne publieraient pas cet index senior, est prévue une pénalité à établir selon la masse salariale. Toutefois, ladite pénalité n’est pas prévue dans les cas où les résultats sur l’emploi des seniors seraient insuffisants.
Pourquoi cet index fait débat ?
« Le pari de la responsabilisation des entreprises sans contrainte ou sanctions financières n’a évidemment pas enchanté la gauche sur le principe. Mais en l’espèce, le problème est encore plus profond », rappelle la chaîne de télévision politique et parlementaire.
Et pour cause : l’article 2 aurait déjà été rejeté, en première lecture, par l’Assemblée nationale.
Si le texte avait été une loi ordinaire examinée jusqu’à son terme par la chambre basse, cet article n’aurait donc pas figuré dans la version transmise au Sénat. Mais le gouvernement ayant eu recours à l’article 47-1 au terme des délais prévus pour un budget de la Sécurité sociale, l’index senior a pu être réintégré dans la version du texte transmise au Sénat. « Le gouvernement se plaint de l’obstruction mais quand un article est voté et rejeté, ça ne vous intéresse pas. Moi je ne comprends pas », a notamment protesté Mélanie Vogel.
Mais ce texte, portant sur la création de cet index, déchaine aussi les passions pour une raison : le risque de censure par le Conseil constitutionnel, ainsi que le confirme un avis du Conseil d’Etat paru dans Le Monde, consulté par René-Paul Savary, qui, ayant été interpellé par la gauche, soutient que « Cette note ne contient rien de scandaleux, quelques dispositions sur l’index des seniors (…) Ce sont des alertes tout à fait courantes qui ne remettent pas en cause les discussions que nous avons au Sénat ».
Index senior : le risque d’inconstitutionnalité ?
Puisque cet index n’implique pas de nouvelles dépenses ou recettes concernant les comptes de la Sécurité sociale sur 2023, la mesure peut être censurée par le Conseil constitutionnel « au motif qu’elle n’a pas sa place dans un budget rectificatif de la Sécurité sociale pour 2023 », indique cette même source. Le sénateur LR se déclare conscient du risque d’inconstitutionnalité ; soutenant qu’il n’y avait pas de problème à procéder à l’examen de l’article. Ce à quoi les sénateurs et sénatrices de gauche ne semblaient pas adhérer.
Selon le sénateur écologiste Daniel Breuiller, « Le véhicule législatif choisi est proprement scandaleux. Nous allons discuter d’un index senior dont l’avis du conseil d’Etat que nous n’avons pas dit qu’il est manifestement inconstitutionnel (…) L’emploi des seniors, voilà un beau sujet. Manque de chance, nous sommes dans un budget rectificatif de la Sécu, donc ce débat, nous allons le mener à partir de l’article 2 ». Il dénonce notamment l’évacuation des amendements qui « présentaient une vision alternative de ce travail. »
Ce lundi, le Sénat examine la proposition de la commission des affaires sociales portant sur le thème « CDI senior » ou « contrat de fin de carrière ». Après avoir étudié 258 amendements ce dimanche 5 mars, 3011 amendements restent à débattre pour les sept dernier jours d’examen de la réforme des retraites.