Dans un contexte où l’état des lieux du sexisme en France inquiète, les initiatives en faveur de l’égalité femmes-hommes au travail semblent les bienvenues, après la question du congé menstruel : tout récemment, la branche Syntec a créé un congé exceptionnel pour les salariées ayant fait une fausse couche. On vous en dit plus dans cet article.
Fausse couche : un accord pour un congé exceptionnel
La Fédération Syntec représente à ce jour plus de 3 000 groupes et sociétés françaises spécialisés dans le Numérique, l’Ingénierie, le Conseil, l’Événementiel et de la Formation professionnelle.
En décembre dernier, la Fédération a signé un nouvel accord destiné aux collaboratrices ayant vécu une fausse couche avant 22 semaines d’aménorrhée, leur permettant de poser un congé d’une durée de 2 jours. Ces derniers ne sont pas déductibles des congés payés. Ils sont rémunérés et peuvent être accolés à un arrêt maladie dans certains cas. La collaboratrice devra seulement transmettre un certificat médical à son employeur dans un délai de 15 jours suivant l’arrêt naturel de grossesse. Ce dispositif s’applique aussi au/à la conjoint·e dans le cas où il/elle travaillerait dans la même branche.
Certaines entreprises ont décidé de prendre l’initiative de mettre en place ce dispositif pour soutenir leurs employées en cas de fausse couche.
Par exemple, certaines grandes entreprises françaises telles que L’Oréal, Carrefour, Total, La Poste et Danone ont déjà mis en place des politiques de congé fausse couche pour leurs employées. Certaines petites entreprises et start-up ont aussi adopté des politiques similaires pour signifier leur engagement en faveur de l’égalité des sexes et du bien-être de leurs employées.
Cependant, notons que la mise en place du congé fausse couche reste largement facultative en France et qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour élargir la disponibilité de ce dispositif aux salariées travaillant dans différents secteurs.
Une démarche QVCT
Cette initiative, bien qu’exceptionnelle, s’inscrit pleinement dans une démarche QVCT – à l’instar de la PME Critizr qui a mis en place un congé de 5 jours pour les personnes concernées par une fausse couche ainsi qu’un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles particulièrement douloureuses.
L’arrêt naturel de grossesse – ou “fausse couche” concerne 200 000 femmes chaque année en France. En outre, une femme sur dix est sujette à un risque de fausse couche au cours de sa vie.
L’association Syntec a reconnu que les interruptions de grossesse peuvent entraîner une souffrance physique et émotionnelle significative pour les collaboratrices, et que ces dernières ont besoin de soutien dans ces moments difficiles. Ainsi, la Fédération a souligné l’importance de la mise en place d’un congé fausse couche pour renforcer l’égalité des sexes au sein des entreprises. Syntec soutient que les entreprises qui offrent un environnement de travail soutenant et flexible pour les femmes seront en mesure de favoriser la rétention des talents et de faire progresser les talents féminins, ce qui aura un impact positif sur la performance globale de l’entreprise. Une initiative qui représente donc un double avantage (pour les salariées d’une part, pour les entreprises d’autre part).
Enfin, l’association encourage les entreprises à adopter des politiques similaires pour soutenir les collaboratrices de leur personnel, améliorer leur bien-être et leur performance au travail.
Selon Hubert Giraud du Syntec, la balle est à ce jour dans le camp du ministère du Travail : il estime que ce dernier pourrait donner son feu vert d’ici mars 2023. La Fédération se félicite d’être la première branche professionnelle à investir ce sujet alors que les femmes ne constituent que 34 % des effectifs. Or, il s’agit de dire aux femmes : “Si vous travaillez dans cette branche, on prendra soin de vous”. Cet accord ne constitue à ce jour qu’une première étape d’une politique bien plus ambitieuse visant à attirer davantage de talents féminins vers des métiers souvent attribués aux hommes.
Cette initiative permet notamment de tenir compte du deuil périnatal pouvant affecter les personnes confrontées à une fausse couche et oeuvrer pour un meilleur éveil des consciences à ce sujet.
L’objectif principal de ce dispositif est de permettre aux femmes de faire face à un événement difficile et douloureux sans devoir s’inquiéter de leur travail ou de leur rémunération. Il s’agit également de reconnaître la souffrance émotionnelle et physique que peut entraîner une interruption de grossesse, quelle que soit sa cause.
En outre, d’autres problématiques liées aux enjeux d’égalité hommes-femmes pourraient suivre (violences sexuelles au travail, parentalité en entreprise, aidants familiaux, etc.)
Congé fausse couche : quid des autres pays ?
Bien que le congé fausse couche soit une avancée en termes de droits des femmes, il est important de noter que de nombreux pays n’ont pas encore mis en place de tels dispositifs.
Toutefois, quelques pays proposent un accompagnement en ce sens. Ainsi que le rappelle TV5 Monde, au Canada, dans l’Ontario, lorsqu’une personne perd un bébé dès 17 semaines avant la date prévue pour accoucher, elle peut bénéficier de 17 semaines de congé maternité – sans solde en revanche. En Inde, les femmes peuvent obtenir jusqu’à 6 semaines de congés, mais puisqu’elles ne sont pas salariées dites légales, elles préfèrent y renoncer.
La Nouvelle-Zélande est le seul pays qui garantit le « congé fausse couche ». Ainsi, le Parlement national avait adopté en 2021 un congé rémunéré à toutes les personnes faisant une fausse couche ou donnant naissance à un enfant mort-né – de même pour leur partenaire. Ils peuvent avoir droit à un congé exceptionnel de 3 jours.
Dans l’Hexagone, ce congé pour fausse couche peut aller de 3 jours à deux semaines selon les organisations. Des actions similaires ont été déployées, à l’instar de l’entreprise Critizr, depuis l’année dernière dans le cabinet PwC, mais aussi chez Kellogg’s France.
“Chaque année, 23 millions de fausses couches se produisent dans le monde, soit environ 15 % du total des grossesses. Cela représente 44 grossesses perdues chaque minute”, expliquait Paula Forteza, ex-députée, dans le cadre d’une proposition de loi portant sur « une meilleure prise en charge de la fausse couche » et préconisant un congé exceptionnel de 3 jours.
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