Le mercredi 2 février 2022, le rendez-vous était donné au cinéma des 3 Luxembourg dans le 5ème arrondissement de Paris. Le réalisateur Stéphane Brizé était présent pour dévoiler son tout nouveau film, intitulé Un Autre Monde. Un film humaniste, émouvant, courageux et brillant sur le management très compétitif du monde de l’entreprise.
Un Autre Monde : le 16 février dans les salles !
Un Autre Monde est le troisième volet de la trilogie que l’on nomme désormais “la trilogie sur le monde du travail” après la Loi du Marché et En Guerre. Lors de ces deux précédents films, Stéphane Brizé posait sa caméra sur les salariés du monde industriel. Dans Un Autre Monde, la caméra change de côté pour se tourner vers un cadre supérieur, directeur d’un site industriel fabriquant des pièces détachées dans le secteur de l’électroménager. Pour réaliser ce film, Stéphane Brizé a consulté une cinquantaine de cadres en entreprise pour comprendre leur situation, leur état d’esprit et le management de leurs entreprises. Le film est alors très détaillé et ultra réaliste avec des termes managériaux extrêmement précis. D’autant plus que Stéphane Brizé, en plus de son casting 5 étoiles constitué notamment de Vincent Lindon et Sandrine Kiberlain, a laissé place à des acteurs non-professionnels pour construire Un Autre Monde.
Un film sur le monde du travail qui voit le jour en pleine pandémie. En bref, un film retentissant et incroyablement actuel.
Synopsis
La première scène d’Un Autre Monde s’ouvre sur des portraits de famille; une famille heureuse et chaleureuse, constituée d’une mère, d’un père et de 2 enfants. Puis, changement brutal d’ambiance où nous retrouvons les deux principaux protagonistes (la mère et le père) entourés de leurs avocats durant leur procédure de divorce. Très rapidement nous comprenons que les choix professionnels ainsi que les obligations de Philippe Lemesle (Vincent Lindon), directeur d’un site français d’un groupe international de pièces détachées d’électroménagers, impactent sa vie personnelle. Philippe Lemesle, dirigeant passionné, a sacrifié sa vie de famille et sa vie de couple. Ce cadre supérieur se retrouve face à une solitude continue et au tourbillon du système ultra-libéral et compétitif du monde du travail. Philippe Lemesle doit réaliser un plan social et licencier 10% de son effectif actuel alors que ses salariés ont déjà fourni des efforts considérables lors des dernières années. Ce film relate la solitude d’un cadre qui évolue sans cesse dans un rapport de force au sein d’un contexte difficile, parsemé d’événements tragiques et brutaux.
Une avant-première en présence de Stéphane Brizé et de Christophe Dejours, psychiatre du travail
Une avant-première qui a rempli une salle de cinéma et a ravi le réalisateur. Dans un contexte de crise sanitaire, les français sont très heureux de pouvoir se retrouver dans une salle de cinéma et avoir la possibilité de regarder un film aussi percutant, intelligent et immergeant que sensible et déroutant. S’en est suivi un débat passionnant et passionné de 1h30 avec le réalisateur, Stéphane Brizé et le psychiatre, psychologue et professeur, Christophe Dejours.
Un film qui fait du bien aux cadres !
Après avoir donné la parole aux salariés, parfois syndicalisés dans ses précédents films, Stéphane Brizé donne cette fois-ci la place aux cadres supérieurs en entreprise. Des cadres qui sont plongés dans une solitude extrême et qui sont aliénés par un système de rentabilité et de profitabilité. Les faisant peu à peu sombrer. Non les cadres ne sont pas forcément, voire rarement, de mauvaises personnes qui virent les collaborateurs sans scrupule.
Ce film est avant tout un film de souffrance et de courage. Il met en lumière des moments d’introspection et de doutes auxquels nous sommes tous confrontés. Le courage et la moralité sont au cœur de ce film, est-ce qu’il faut accepter de faire des choses que l’on n’a pas envie de faire, sous couvert d’un contrat de travail ? Ou bien, quitter l’endroit qui nous fait souffrir, au risque de briser sa carrière ?
Un monde de l’entreprise réaliste et désolant
Un film ultra-réaliste, même trop réaliste puisque le réalisateur Stéphane Brizé expliquait avoir dû atténuer certains faits réels de peur que la vérité paraisse fausse. L’équilibre vie professionnelle et vie personnelle n’existant plus à cause d’une charge de travail et de responsabilités professionnelles et familiales très lourdes. À cela s’ajoute la pression du temps (9 semaines pour remettre le plan social à la direction), la pression des collaborateurs, la déshumanisation du travail. Finalement, Philippe Lemesle incarne un cadre devenu exécutant, alors qu’il rêvait d’être dirigeant.
Ce film est en compétition à la Mostra de Venise 2021. Qu’attendez-vous pour courir dans les salles de cinéma le 16 février ? Une promesse : un film qui libère la parole et éveille les consciences tout en questionnant sa propre relation avec le monde du travail dans lequel nous vivons et interagissons.
Iris Poulain