Les contrats à durée déterminée sont soumis à des règles spécifiques, en particulier quand il s’agit de conclure plusieurs contrats successifs. Afin de limiter le recours aux contrats précaires, la succession de CDD sans interruption n’est possible qu’en suivant un certain nombre de règles. Il s’agit notamment de délais particuliers à respecter entre chaque contrat. Mais ces délais concernent ils tous les motifs CDD ? Existe-t-il des exceptions ?
Examinons ces différentes règles selon qu’il s’agisse d’une succession de contrats avec le même salarié ou sur le même poste de travail.
Succession de CDD avec le même salarié
Principe de la succession de CDD
La succession de CDD sans interruption est possible pour les contrats de remplacement, les contrats saisonniers ou d’usage (C. trav. art. L 1244-1).
Pour les autres contrats, il est nécessaire de prévoir une interruption avant la signature d’un nouveau contrat. Ce délai n’est pas précisé par le code du travail. S’il est trop bref, les juridictions pourront considérer qu’il s’agit d’une relation de travail à durée indéterminée. Pour éviter tout litige, le respect du délai de carence énoncé en deuxième partie de l’article est une bonne solution.
- Points de vigilance. Chaque contrat concerné doit être conclu pour l’un de ces motifs, sinon la succession est illicite (Cass. soc. 16-7-1987 n° 84-45.111).
Un nouveau contrat doit être signé à chaque fois sous peine de requalification en CDI.
Remplacement d’un salarié absent ou dont le contrat est suspendu
Si le salarié en CDD assure des remplacements successifs de plusieurs personnes, il doit bénéficier d’autant de contrats écrits que de salariés à remplacer. À défaut, son contrat pourra être requalifié en CDI (Cass. soc. 28-6-2006 n° 04-40.455).
Le nom de la personne remplacée et sa qualification doivent impérativement être indiquées sur chaque contrat.
La succession de contrat ne doit pas avoir pour objet ou effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Contrats saisonniers ou d’usage
Les entreprises peuvent conclure des CDD saisonniers (ou d’usage) successifs avec le même salarié sans restriction particulière. Ces renouvellements, même sur une longue période, ne sont pas de nature à créer une relation de travail à durée indéterminée entre les parties (cass.soc 15-10-2002 n°00-41.759).
La jurisprudence instaure toutefois quelques limites et apprécie au cas par cas la relation contractuelle. Ainsi, est requalifié en CDI la relation contractuelle d’un salarié employé chaque année depuis 22 ans pendant toute la période d’ouverture de l’entreprise (cass.soc.13-12-1995 n°92-42.713).
Succession de CDD sur le même poste
Délais de carence à respecter
À l’expiration d’un CDD, l’employeur ne peut pas recourir à un autre CDD (ou contrat temporaire) sur le même poste sans respecter un délai de carence égal :
- Au 1/3 de la durée du contrat initial, renouvellement inclus, si cette durée est de 14 jours ou plus
- À la moitié de la durée du contrat initial, renouvellement inclus, si elle est inférieure à 14 jours (c.trav.art.L1244-3 et L.1244-3-1)
La durée du contrat permettant ce calcul s’apprécie en jours calendaires.
Pour déterminer ce délai de carence il faut prendre en compte les jours d’activité de l’entreprise ou de l’établissement. Il ne s’agit pas des seuls jours d’ouverture aux clients ou aux fournisseurs.
Ces délais s’appliquent pour tout nouveau contrat sur le même poste, peu importe qu’il s’agisse du même salarié ou d’un autre.
Exemple. Prenons un CDD conclu pour la période du 6 avril 2021 au 4 juin 2021. Sa durée est donc de 60 jours calendaires. L’entreprise fonctionne du lundi au samedi.
Le délai de carence est égal au tiers de cette durée soit 20 jours. Il commence à compter du 5 juin jusqu’au 28 juin. Le nouveau contrat pourra être conclu à partir du 29 juin 2021.
Exceptions : pas de délai de carence pour certains contrats
L’employeur peut recourir à des CDD successifs pour le même poste, sans respecter de délai de carence, dans les cas suivants (art.L1244-4-1) :
- CDD pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, en cas de nouvelle absence de ce dernier. Cette absence doit faire l’objet d’un nouveau document (prolongation d’un arrêt de travail) ou doit être distincte de la précédente (la plus courante étant le congé parental qui fait suite au congé maternité).
- Contrat pour remplacer un chef d’entreprise ou personne assimilée
- CDD pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité
- Contrats saisonniers ou d’usage
- Rupture anticipée du contrat à l’initiative du salarié
- Refus du renouvellement de son contrat par le salarié
Adaptation par convention ou accord de branche étendu
Une convention ou un accord de branche étendu peuvent fixer des modalités spécifiques pour le calcul du délai de carence. Ils peuvent également prévoir des cas dans lesquels le délai de carence ne s’applique pas.
Mesures dérogatoires Covid-19. Jusqu’au 30 septembre 2021, les entreprises peuvent également aménager le délai de carence par accord collectif d’entreprise (loi 2021-689 du 31 mai 2021). Il peut notamment prévoir:
- Le nombre maximal de renouvellements possibles pour un CDD
- Les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable
- Les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats
Actualité jurisprudentielle. Délai de carence et contrat pour accroissement d’activité.
Un accord de branche peut écarter le délai de carence entre 2 CDD successifs lorsque l’un d’entre eux est conclu pour accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (CE 19-5-2021 n° 426825).
Conséquences du non-respect du délai de carence
Le contrat à durée déterminée conclu sans respecter le délai de carence est requalifié en CDI.
En outre, l’employeur est également passible d’une sanction pénale :
- Amende de 3 750 euros (7 500 euros en cas de récidive)
- Peine d’emprisonnement de 6 mois (art.L 1248-11)
Céline Le Friant