Le silence organisationnel peut avoir des conséquences néfastes pour une entreprise, en matière de communication mais aussi de productivité.
Qu’est-ce que le silence organisationnel ?
En 2000, deux professeures new-yorkaises, E.W. Morrison et F.J. Miliken, exploraient les non-dits dans les entreprises dans le cadre de leurs recherches en théorie des organisations. Elles insistaient sur les situations quotidiennes dans lesquelles un collaborateur choisissait de ne pas exprimer ses idées, qu’elles ont appelé les « silences organisationnels ». Le silence organisationnel, aussi appelé « silence des employés », est une situation dans laquelle les collaborateurs retiennent les informations qui pourraient s’avérer utiles à l’organisation dont ils font partie. Ce silence peut être intentionnel ou non, lorsque les employés ne communiquent pas les informations à leur hiérarchie.
Ce silence organisationnel présente un risque pour les entreprises : les informations disponibles au niveau du terrain ne remontent pas et ne peuvent donc être prises en compte dans les décisions stratégiques, qu’elles soient d’ordre organisationnel, économique ou industriel.
Les mécanismes qui concourent au silence organisationnel sont nombreux et relèvent d’aspects psychologiques, ont trait au fonctionnement des collectifs ou proviennent de mécanismes organisationnels négatifs pour la QVCT. François Daniellou, ergonome et spécialiste des facteurs humains et organisationnels de la sécurité, en détaillait certains dans son article « Le silence organisationnel est le meilleur ennemi de la sécurité » publié en janvier 2017 :
-
Lorsque l’individu est placé dans une situation difficile à vivre, mais qu’il ne peut pas modifier, son inconscient peut modifier la perception de la situation pour la rendre plus supportable.
-
Les illusions managériales : la croyance du management que « la situation est sous contrôle » grâce au grand nombre de procédures.
-
La méconnaissance du terrain par les managers
-
La normalisation de la déviance : quand il y a tellement de règles qu’il est impossible de les respecter toutes, il devient envisageable d’enfreindre chacune.
-
Si les signalements de situations dangereuses ou d’erreurs font l’objet d’une sanction, il est probable que l’omerta va s’installer rapidement.
-
L’absence de suites données aux signalements.
Les conséquences du silence organisationnel
Le silence absolu n’existe pas et n’est que la manifestation de comportements de peur, de cynisme ou d’opportunisme. Les collaborateurs vont ainsi entrer dans une culture du silence pour des raisons diverses. L’étude « Silence Fails » de 2008 mettait en lumière le fait que le silence organisationnel est responsable de l’échec de 85% des projets et programmes. Il peut aussi être responsable d’un taux de turnover accru, de crises internes ou au niveau industriel d’une baisse flagrante d’innovations.
Ces silences ont donc des répercussions négatives sur l’entreprise mais aussi sur les individus qui la composent. On remarque ainsi des baisses de motivation, de performance ou encore de satisfaction.
Enfin, le silence organisationnel peut aussi provoquer un manque d’estime de soi, générer stress ou entraîner une dépression. (Arrêt de travail pour dépression : découvrez la durée moyenne.)
Comment lutter contre le silence dans une organisation ?
Le manager a un rôle à jouer pour lutter contre le silence organisationnel. Il doit être attentif aux signes et les prendre en considération pour ne pas laisser le silence s’installer. L’entreprise doit tout d’abord favoriser une culture interrogative et privilégier le doute à la certitude de la maîtrise. Cela permettra notamment de renforcer (ou de recréer) la confiance des collaborateurs dans leur management.
Les informations issues du terrain doivent être remontées et traitées grâce à une valorisation du management de terrain et la mise en place de capteurs de signaux. Ces informations doivent ensuite faire l’objet de réponses concrètes de la part de l’encadrement.
Surveiller et lutter contre le silence organisationnel est un enjeu important pour les entreprises, tant au niveau organisationnel que pour des questions de performance économique.
Clément KOLODZIEJCZAK