Selon une étude de mars 2008 d’Actineo, 60% des entreprises françaises seraient aménagées en Open space. Elles le sont principalement pour des raisons économiques. Ce choix permet, en effet, de pallier l’augmentation du prix du mètre carré, et vise à augmenter la productivité des salariés en les réunissant dans un seul et même endroit.
Ce type d’organisation du lieu de travail possède des avantages et des inconvénients, et fait l’objet de controverses. Est-il adapté à la France ?
Deux consultants allemands, les frères Eberhard et Wolfgang Schnelle, sont à l’origine du concept de bureau paysager dans les années 50. Ce concept a connu un grand succès aux Etats-Unis avant de revenir en Europe dans les années 80. Toutefois, dans le concept d’origine, il s’agissait d’espaces généreux agrémentés de nombreuses plantes vertes. Il avait pour but, à l’origine, de créer de grands espaces aérés et lumineux, afin d’améliorer la qualité de vie au travail. Ce n’est que par la suite que les entreprises se sont intéressées à l’utilité en termes de coût et de productivité de l’opération.
Avantages
Les avantages de l’Open space sont nombreux. Ce mode organisationnel permet plus de convivialité et de collaboration entre les équipes, une meilleure circulation de l’information, et semble abolir les barrières hiérarchiques à condition qu’il soit généralisé dans l’entreprise. Il favorise ainsi la transparence, valeur très recherchée par les entreprises.
Mais il séduit également, et peut-être principalement, pour des raisons économiques car il permet d’installer davantage de personnel dans moins de mètres carrés.
Inconvénients
Convivial et pratique, l’Open space est cependant souvent perçu comme trop bruyant par ses occupants et donc néfaste à la concentration.
Avec un espace vital considérablement réduit par ce modèle organisationnel (8 mètres carrés pour travailler contre 12 mètres carrés il y a cinq ans), les salariés peuvent ressentir, outre un problème de concentration, un certain mal être au travail dû à la proximité notamment. D’après Actinéo, de plus en plus d’entreprises constateraient même une perte de productivité de leur personnel.
L’Open space, question de culture ?
Le facteur culturel est fondamental en entreprise. C’est le rôle des professionnels des ressources humaines de le prendre en compte et surtout de l’anticiper avant d’implanter tout changement organisationnel en général, et celui de l’Open space en particulier.
Même si 60% des entreprises françaises sont aménagées en Open space, la France est encore bien en retard par rapport à l’Allemagne, par exemple, où les collaborateurs de certaines entreprises peuvent changer quotidiennement de lieu de travail grâce au concept « d’Open caisson ». Si en Allemagne, le concept est bien apprécié et porté par la direction, en France, les collaborateurs sont 60% à affirmer mal vivre cette trop grande proximité. Cela ressort notamment dans les bilans et enquêtes sociales.
Dans la tradition française, le bureau est un lieu symboliquement fort. Avoir son propre bureau fermé, c’est signe que l’on est bien placé hiérarchiquement.
Mais ce qui pose problème, en France, plus que la configuration des bureaux, c’est la nouvelle forme de management que les Open space engendrent.
Mode de management ou mode organisationnel ?
Les auteurs de « L’Open Space m’a tué » considèrent que l’Open space est une marque du new management. Selon eux, l’Open space sous-entend aussi une transformation du rôle du manager lui-même.
L’Open space fabrique une forme de contrôle social. La norme sociale, sous forme de rumeurs, est très présente dans l’entreprise, et est accentuée par l’Open space. Chacun peut surveiller les autres et écouter les conversations de ses voisins. La hiérarchie de l’entreprise peut se servir de l’Open space comme d’une mécanique de contrôle social des salariés entre eux, ce qui leur évite de le faire eux-mêmes.
Exemple concret : l’écran d’ordinateur du manager est désormais visible par tous et il est lui-même surveillé par ses subordonnés. La proximité dans l’espace change donc son rapport avec son équipe. Faut-il continuer à réserver des bureaux « privés » pour les hauts postes de direction ? Qu’en est-il du devoir de confidentialité lié à certains postes ou à certains actes managériaux ? Ces questions sont importantes car lourdes de conséquences pour le travail efficace en équipe.
Le travers de l’Open space réside aussi dans le sentiment de « flicage » des collaborateurs entre eux. Heure d’arrivée, de départ, temps passé au téléphone…
A l’inverse, il peut y avoir des aspects positifs à cette nouvelle manière de manager. La flexibilité de l’espace permet une communication plus aisée, voire plus chaleureuse, ou du moins plus spontanée entre les collaborateurs. L’Open space permet quoi qu’il en soit de manière évidente au manager de travailler plus directement avec ses équipes puisque les distances et les obstacles sont abolis.
L’Open Space présente-t-il plus d’avantages que d’inconvénients ? Favorise-t-il la collaboration ou le flicage et la compétition ? Bonne pratique ou mal nécessaire et inévitable ? Tout semble être une question de culture.
Anne-Sophie Duguay