Le bonheur au travail est un des plus gros raté RH de ce début de siècle. Et je ne suis pas un des ces aigris désabusés qui ne croient plus au travail comme source d’épanouissement personnel. Bien au contraire. Simplement, quand les salariés se font casser les jambes au travail, on leur offre des plâtres multicolores en leur disant « tu vois, il est sympa ton job ! », on se dit qu’il y a des choses à revoir.
Tu penses que le bonheur déborde de ton entreprise ? Vérifions ça ensemble…
Tu as nommé un CHO
Coucou, je vous présente le nouveau bisounours officiel. Il fait des blagues, peint les murs en rose, organise des « moments conviviaux ». Ouf ! Nous sommes sauvés ! Nous avons un Chief Happiness Officer.
Tu pensais qu’en nommant un responsable du bonheur ton entreprise allait devenir cool ? C’est raté ! Il s’agit même souvent des types les plus flippants de l’entreprise…
Une publication scientifique vient justement de sortir sur le sujet.
En voici les conclusions : se centrer sur le bonheur au travail a un effet négatif sur le vécu des salariés. Ils se sentent moins heureux, et on en trouve davantage dans un état dépressif. En fait, ça crée plus de frustrations que ça ne crée d’enthousiasme.
Bilan de l’histoire :
- Si tu as un CHO, vire-le au plus vite. Qui sait, il est peut-être encore temps.
- Si c’est toi…
- Si tu n’en as pas, pour le coup, réfléchi à deux fois avant de te lancer !
Tu as mis en place des ateliers bien-être pour lutter contre le stress
Cette mesure mérite définitivement le prix « Excellence RH » dans la catégorie « J’ai rien compris à mon métier ». Si tu en es à l’origine et que tu pensais distribuer du bonheur, voici ce que tu distribue en réalité :
Ces ateliers de détente/relaxation/méditation sont ridicules quand on prend un minimum de recul sur le sujet. Le travail stresse les gens… donc on leur offre des ateliers de détente… puis ils retournent à leur travail stressant… donc on leur offre des ateliers de détente… puis…
À quel moment adresse-t-on la source du problème ? Jamais ! Car :
#1 c’est moins sexy comme activité, personne ne te décernera de prix pour ça.
#2 de toute façon, soyons honnête, tu ne sais absolument pas comment t’y prendre pour l’adresser.
#3 ce sujet concerne les directions opérationnelles et un RH n’a pas assez de pouvoir (couilles ?) pour influencer les pratiques des autres.
Si tout le monde est heureux au travail, ces ateliers sont géniaux. Mais si ils viennent adresser un problème plus profond, ça ne vaut pas mieux que ces illuminés qui prétendent créer une culture d’entreprise en faisant une liste de valeurs bidons : #empathie #bienveillance #innovation #ambition #teamspirit #bullshit #guignol #lol
Le job RH est fait « à l’ancienne »
Désolé de ne pas pouvoir appuyer ce point par une étude scientifique, mais je peux constater une corrélation proche de .90 entre « ancienneté des pratiques d’un service RH » et « tristesse profonde des membres du personnel ». Sérieusement, même la moquette défraîchie qui jonche le sol de leur bureau a meilleure mine !
Le paradoxe flagrant qu’on trouve dans les entreprises « à l’ancienne », c’est qu’elles disent mettre « l’humain au centre » et utilise cet argument comme bouclier face à la digitalisation qui menace ! Au final, les recruteurs doivent passer leur temps à sourcer et évaluer les candidats de façon artisanale, et passent le plus clair de leur temps à faire des tâches à zéro valeur ajoutée. Ils n’ont pas compris que la digitalisation était la meilleure opportunité pour dépasser leur calvaire quotidien.
Alors ce bilan ?
Jérôme DESRACHE