A la demande du Premier ministre, le rapport « Bien-être et efficacité au travail » a été remis le 17 février dernier. Dix pistes de réflexion ont été avancées. Mais le bien-être au travail ne serait-il pas à la base une affaire de bon sens ?
Le 17 février 2010, Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric, Christian Larose, vice-président du Conseil économique, social et environnemental, et Muriel Pénicaud, directrice générale des ressources humaines de Danone, remettaient à François Fillon 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail. Le gouvernement souhaite mieux intégrer la prévention du stress dans la démarche de prévention des risques professionnels dans l’entreprise et pour cela a fait appel à des praticiens.
Les 10 propositions
Les propositions qui ont résulté de leur étude, centrée sur l’entreprise privée, sont les suivantes : l’implication indispensable de la direction générale et de son conseil d’administration, la sensibilisation des managers de proximité, la restauration d’espaces de discussion et d’autonomie dans le travail, faire du dialogue social une priorité, mesurer les conditions de santé et de sécurité au travail, affirmer et concrétiser la responsabilité du manager vis-à-vis des équipes et des hommes, valoriser la performance collective pour rendre les organisations du travail plus motivantes et plus efficientes, anticiper et prendre en compte l’impact humain des changements, ne pas limiter la santé au travail aux frontières de l’entreprise et prendre en considération son impact sur son environnement, et accompagner les salariés en difficulté.
Le fait est que toutes ces dispositions sont pleines de bon sens. Cependant pourquoi les entreprises n’ont-elles pas toutes déjà pris les mesures qui s’imposent ? Nathalie Evrard-Steinberg, directrice du département coaching du cabinet Mercuri Urval et spécialiste du coaching de dirigeants et des managers, nous apporte un éclairage sur la situation que vivent à l’heure actuelle les dirigeants d’entreprise.
Le sens et le non sens
« Les dirigeants sont eux-mêmes stressés. Ils doivent faire face à plusieurs impératifs, notamment de rentabilité, explique la directrice, Ils sont dans un paradoxe et il faut les aider à prendre du recul pour leur permettre de retrouver le sens initial de l’entreprise, qui ne devrait pas être de remplir le portefeuille des actionnaires. » Elle avance deux façons de réduire le stress. D’une part, il faut retrouver la raison d’être de l’entreprise sur un marché donné. « L’entreprise n’est plus alors une simple machine à cash. Il s’agit de développer une nouvelle vision. On peut étudier sa situation sous des angles différents. Lorsque les dirigeants regardent de trop près la rentabilité, ils ne prennent plus de risques et n’innovent plus », développe-t-elle. A trop avoir la tête dans les chiffres, les dirigeants s’en trouvent paralysés. En décembre 2009, le cabinet Mercuri Urval a réalisé une enquête, avec le concours de la société d’études en ligne Panel On The Web, auprès des PME, qui a révélé que, la croissance durable existe quand l’entreprise satisfait ses clients par une innovation de produits et de services. Pour cela, elle doit investir sur le capital humain, intégrer de nouvelles compétences, sources d’innovation. Si le dirigeant se trouve acculé, il peut avoir recours à différentes aides. Nathalie Evrard-Steinberg témoigne : « J’ai vu des dirigeants qui n’hésitaient pas à faire du lobbying auprès des pouvoirs publics pour maintenir l’innovation française dans une industrie. » Elle ajoute : « La France a plus que jamais besoin d’innover aujourd’hui. Les dirigeants seront capables de gérer les risques s’ils sont soutenus par leur comité de direction. » Le stress descend en cascade, du dirigeant aux collaborateurs en passant par les managers intermédiaires qui, entre le marteau et l’enclume, subissent de fortes pressions. « Avec la crise, les organigrammes ont été aplatis et les managers intermédiaires écrasés, appuie la directrice, De nos jours, il faut être hyper performant de avec peu de moyens. Il faut faire de l’or avec des bouts de ficelle. Les managers opérationnels sont eux-mêmes réduits à travailler comme leurs collaborateurs et sont évalués sur leurs capacités managériales ! »
Une issue possible : la solidarité. « Il faut être capable de mobiliser les forces et de travailler en équipe afin d’affronter toute cette pression, suggère Nathalie Evrard-Steinberg, Il faut retrouver une dimension collective dans le travail. La réussite du manager d’après crise va passer par sa capacité à traduire la vision de l’entreprise en stratégie et à réapprendre à prendre des risques en se projetant à moyen terme dans un monde toujours plus dans l’immédiateté.»
Christel Lambolez