L’emploi des seniors ! Avec le chômage des jeunes, c’est un peu l’épine (voire le tronc) dans le pied des gouvernements successifs. Trop vieux, trop chers, trop rigides, trop ceci, trop cela… Bref, tous les prétextes sont bons pour virer les seniors. Pire, pour ne pas recruter de quinquas au chômage. Et ce malgré, les incitations financières du contrat de génération et autres mesures en faveur de l’emploi des seniors. Bilan, des milliers de quinquas sur le carreau, qui rament pour décrocher un poste. Et pourtant, les employeurs auraient toutes les raisons du monde de faire confiance aux seniors. Christophe a testé cette recherche d’emploi… à 50 ans. Témoignage.
Début 2013 : c’est officiel, je fais partie du plan social de l’agence de communication dans laquelle je bossais comme directeur du développement depuis 13 ans. Bad news mais en même temps, je m’y attendais.
Juillet 2013 : Je remballe mes petites affaires et m’accorde quelques semaines de vacances pour encaisser le choc.
Septembre 2013 : je liste les 10 personnes les plus influentes de mon réseau et les contacte les unes après les autres. Au cours de déjeuners, deux me parlent d’un poste à pourvoir dans une belle agence. L’une d’elles me recommande même auprès du dirigeant qui doit alors entrer en contact avec moi. 3 jours plus tard, toujours silence radio. Je prends l’initiative de l’appeler et, après plusieurs rendez-vous, nous tombons d’accord sur une fiche de poste et un salaire.
2 novembre 2013 : je prends mes nouvelles fonctions dans cette agence à mi chemin entre une SSII et une start-up. Me voilà regonflé à bloc. Sauf qu’à confondre vitesse et précipitation, je me rends rapidement compte que ce poste n’est pas pour moi. Trop de promiscuité à mon goût, une agence n’ayant pas nécessairement les moyens de ses ambitions… D’un commun accord, on se sépare au cours de la période d’essai.
Mai 2014 : me voilà à nouveau sans emploi. Premier gros coup de bambou. Durant une semaine, j’ai du mal à refaire surface. Je ne me vois pas recontacter les membres de mon réseau pour leur dire que 7 mois plus tard, je suis à nouveau « sur le marché ». Ma fierté serait mise à mal. Je m’inscris alors sur une vingtaine de job boards et sur quelques sites spécialisés. Chaque matin, parfois durant trois heures, je checke mes alertes « offres d’emploi » et je réponds le plus précisément possible. Je me rends volontiers à tous les entretiens. J’assiste à un maximum de conférences, de salons pour garder le contact avec mes ex et futurs clients mais aussi pour rester connecté aux mutations rapides du digital. C’est également à cette période que je m’interroge sur la place d’un cinquantenaire dans le secteur de la communication. Ne suis-je pas finalement trop vieux ? Via mon réseau perso, je rencontre deux consultants RH pour faire un mini bilan de compétences. Selon eux, mon expérience et mon aisance à prendre la parole en public pourraient m’autoriser à me réorienter vers la formation dans le domaine commercial. Recommandé par un ami, je rencontre l’un des dirigeants d’un organisme de formation parisien très connu. Il me parle de son business, des opportunités à saisir… Et me conseille de rappeler les RH en septembre.
Mi juillet 2014 : la France tourne au ralenti. Les entretiens se raréfient. Et quand j’arrive en short list, je ne suis pas sélectionné. J’ai un profil «trop PME », « trop grand compte », trop ceci, trop cela. Et puis bien sûr trop âgé. Un recruteur, mon manager potentiel âgé de 35 ans maxi, m’a même avoué qu’il ne se voyait pas m’encadrer vu mon âge. La presse réitère une nouvelle fois que l’emploi des seniors est au plus bas. Ce n’est pas la joie. Bref, j’aspire à un break. Je pars en « vacances » avec de petites angoisses.
Mi aout 2014 : le principal concurrent de l’un de mes anciens employeurs me contacte car il envisage de créer un poste de directeur du développement et voudrait se servir de mon expérience en la matière pour définir plus précisément les contours du poste. On doit se rappeler à la rentrée.
2 septembre 2014 : nouveau coup dur. Ce matin là, mes enfants et mon épouse reprennent le chemin de l’école. Je me retrouve seul face à mon écran. Un petit coup de moins bien qui ne dure pas. Je réagis immédiatement. Je mets à jour mon profil sur les réseaux sociaux. Je prends l’option réseau +++++. Je bombarde mes contacts de mail. Bilan : une douzaine d’entretiens dès la première semaine de septembre. Dont un avec le dirigeant m’ayant contacté pour parler du poste de directeur du développement. Au fil d’un rendez-vous qui se transforme en déjeuner, il me demande comment je me projetterais dans le poste. Rendez-vous est pris 15 jours plus tard afin que je lui détaille ma vision des choses.
15 septembre 2014 : je débarque dans son agence avec un Power Point béton. Il est convaincu par ma présentation et me fait une proposition d’embauche. Après quelques négociations, notamment sur la rémunération, j’accepte la première offre. La même semaine, je reçois également une seconde proposition sérieuse émanant d’une autre agence de communication.
17 novembre 2014 : je débute dans ma nouvelle fonction de directeur du développement. Je me sens bien. Le travail est toujours passionnant. L’ambiance est bonne et les conditions de travail idéales. Si je fais le bilan, entre le 15 mai et le 2 octobre 2014, j’ai répondu à 132 offres d’emploi ayant débouché sur 6 entretiens. Et j’ai honoré 20 rendez-vous réseaux. Majoritairement des déjeuners avec des personnes que j’avais aidé dans leur carrière avant. Le renvoi d’ascenseur a bien fonctionné. Au total, 32 rendez-vous au sein de 26 entreprises différentes. Et 2 propositions d’emploi sérieuses grâce à mon réseau ».
Recueillis par Sylvie Laidet