Le 18 mars 2010, le groupe Demos organisait la 4ème édition des Trophées du DIF. Le droit individuel à la formation doit faire face à de nouveaux enjeux. Retour sur un dispositif très controversé et focus sur les meilleures pratiques 2009, notamment l’utilisation du droit en cas de chômage partiel.
Le DIF [Droit Individuel à la Formation] a encore un avenir devant lui. Les 4ème Trophées du DIF, organisés chaque année par le groupe de formation Demos, en témoignent. Il est certain que, cette année, l’intérêt pour ce dispositif était moindre vu le nombre de personnes mobilisées. « Après le Désir Individuel de Formation, le DIF devient en 2010 le Dialogue Ininterrompu sur la Formation, intervient Jean-Pierre Willems, expert en droit de la formation, Ce droit se construit au jour le jour. Ce que l’on va décider est fonction de ce que l’on observe. Le DIF peut être abordé de quatre manières, sous l’angle juridique, pédagogique, économique, et managérial. Il reste cependant une modalité technique de la mise en œuvre d’une formation qui doit être pertinente. » L’enquête « Les pratiques d’Entreprise en matière de Droit Individuel à la Formation (DIF) », révélée à cette occasion, prouve cependant que pour 47% des entreprises privées interrogées, le DIF a permis d’augmenter le taux d’accès à la formation. Pour 27% d’entre elles, le droit a contribué à développer l’implication des stagiaires. Elles sont 23% à prévoir une augmentation importante des demandes. L’enquête a été menée des mois d’octobre 2009 à mars 2010 auprès de 300 entreprises.
Une affaire de sous
Avant la remise des Trophées, des tables rondes ont permis d’aborder les processus de gestion du DIF, de communication et de financement, les politiques et les résultats du dispositif ou encore son efficacité. Depuis l’ANI de janvier 2009, le DIF est devenu portable, c’est-à-dire que les salariés quittent leur entreprise avec un compteur DIF, dont le montant est précisé sur le certificat de travail. Rappelons que le salarié en CDI à temps complet acquiert chaque année 20 heuresde DIF, qu’il peut cumuler jusqu’à 120 heures. Cela soulève de nombreuses questions, notamment financières, car l’entreprise ne paie pas la portabilité. C’est l’OPCA [organisme collecteur paritaire agréé], auquel cotise l’entreprise d’accueil, qui doit financer l’action de formation. Si le salarié est au chômage, c’est l’OPCA dont dépendait sa dernière entreprise qui en a la charge. Or, si un nombre majeur de salariés décident d’utiliser leur droit en 2010, est-ce que les OPCA seront en capacité d’assurer le financement ? Pour Paul Desaigues, conseiller confédéral à la formation initiale et continue de la GCT, « l’externalisation du financement constitue une façon d’amorcer la pompe. » Alain Druelles, chef du service formation continue au MEDEF, précise : « L’entreprise assume un coût collectif par sa contribution à l’OPCA. A l’heure actuelle il y a une articulation financière entre l’OPCA et leFPSPP [fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels]. Il n’est pas absurde qu’en cas d’opposabilité, l’Etat assure une partie de la portabilité. » Sur ce, Paul Desaigues renchérit : « Sur la base d’une collecte qu’il imposerait aux entreprises ? ». Les partenaires s’accordent à dire que la portabilité ne se limiterait pas aux 20 millions d’euros prévus pour 2010.
Le débat n’est pas clos, et ce droit, initié pour faciliter la formation professionnelle des salariés tout au long de la vie, risque encore de faire couler beaucoup d’encre. Les usages des entreprises et des particuliers donneront certainement au fil du temps la marche à suivre pour se l’approprier. Deviendra-t-il cependant un vrai droit, transférable, ou pas ?
DIF et chômage partiel
En attendant, les Trophées du DIF mettent en exergue les meilleures pratiques. Le cru 2010 a essentiellement utilisé le DIF en cas de chômage partiel et œuvré pour une forte communication en interne. Quelques cas d’actions collectives également ont été avancés.
Les prix d’or reviennent à Usines Class France SAS dans la catégorie PME et à Robert Bosch France dans la catégorie grandes entreprises. Ces entreprises se sont distinguées pour avoir utilisé le DIF dans le cadre du chômage partiel. Le droit a servi à réduire l’impact du chômage sur la rémunération. De 82 stagiaires en 2008, Usines Class France SAS en a compté plus de 300 en 2009. 50% des actions de formation ont été effectuées dans le cadre du DIF. Chez Robert Bosch France, 86% des salariés ont suivi une formation et un sur deux dans le cadre du DIF.
Le prix spécial secteur public a été remis à l’Office public de l’Habitat qui a élaboré des diagnostics avec les collaborateurs pour mettre en place le dispositif. Le prix spécial du jury a été donné à La Banque de France qui a inclus très tôt le DIF dans sa vision managériale avec la formation de 800 managers. Le droit a permis en l’espèce de clarifier les rôles des acteurs clé de l’entreprise. Le Trophée bronze PME est revenu à Call Expert qui a étendu le DIF à l’ensemble des collaborateurs, avec un taux d’acception qui dépasse largement les 90%. Norsys SAS a remporté le prix argent PME. L’entreprise possède un taux de DIF de 57%, a construit des cursus de formation sur deux ou trois ans, et propose systématiquement le dispositif lors des entretiens d’évaluation.
Dans la catégorie grandes entreprises, le prix bronze revient à Chronopost International qui a inclus le DIF dans son accord de GPEC [Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences]. Le prix argent a été décerné à Lectra qui a mis en place une vraie dynamique de mobilisation engendrant le doublement des heures de DIF. Son budget représente 10 à 15% du plan de formation. Des actions concrètes donc qui laissent présumer encore de belles perspectives.
Christel Lambolez