Aurélie Roche, Avocate au sein du Cabinet BRL Avocats de Paris, revient pour Horoquartz sur la législation en vigueur.
Travail à temps partiel : quelles sont les obligations légales de l’employeur ? Focus sur les bonnes pratiques.
Comment définir le travail à temps partiel ?
Parce qu’il est considéré que le travail à temps plein doit être privilégié et qu’il est impératif de s’assurer qu’il est librement accepté, le travail à temps partiel est strictement encadré par le code du travail.
De prime abord, le travail à temps partiel peut être défini simplement : est à temps partiel le salarié dont le temps contractuel de travail, exprimé en heures, est inférieur à la durée légale du travail[1] appréciée sur la semaine (35 heures), sur le mois (151,67 heures) ou sur l’année (1.607 heures).
Depuis 2014, cette définition est néanmoins insuffisante : le salarié à temps partiel bénéficie d’une durée minimale de travail déterminée par accord collectif, ou à défaut d’accord, par la loi qui fixe une durée minimale à 24 heures par semaine ou, le cas échéant, à l’équivalent mensuel (104).
Il peut être dérogé à la durée minimale, qu’elle soit d’origine conventionnelle ou légale, à la demande écrite et motivée du salarié pour 2 raisons alternatives : soit pour faire face à des contraintes personnelles soit pour lui permettre de cumuler plusieurs emplois. Des dérogations sont également prévues par la loi au bénéfice des contrats temporaires d’une durée inférieure à 7 jours, des contrats temporaires de remplacement et des contrats conclus avec des étudiants de moins de 26 ans.
Temps partiel : qui décide ?
Le travail à temps partiel peut être mis en place à l’initiative de l’employeur ou du salarié, même si aucun accord collectif n’encadre le travail à temps partiel dans l’entreprise[2]. Un accord collectif demeure nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre les aménagements autorisés par le code du travail (par exemple, pour augmenter le plafond des heures complémentaires) et obligatoire pour mettre en œuvre un temps partiel annualisé[3] ou augmenter temporairement, par voie d’avenant à durée déterminée, la durée du travail prévue au contrat.
En l’absence d’accord collectif, le travail à temps partiel peut être pratiqué dans l’entreprise après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel[4]. Par la suite, leur avis sera transmis à l’agent de contrôle de l’inspection du travail si celui-ci le demande. En l’absence d’instances représentatives du personnel, l’agent de contrôle de l’inspection du travail doit être informé de la mise en place du travail à temps partiel.
En tout état de cause, qu’il existe ou non un accord collectif, le passage d’un temps partiel à un temps complet, et vice versa, constitue une modification du contrat de travail qui ne doit pas être mis en œuvre sans l’accord des parties, formalisé par un avenant. C’est la raison pour laquelle le refus par un salarié d’effectuer un travail à temps partiel ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement[5]. Cependant, le droit pour l’employeur de refuser la demande du salarié de passer à temps partiel n’est pas discrétionnaire :
D’une part, l’employeur est tenu de faire droit à la demande du salarié dans certains cas particuliers : congé parental d’éducation, congé de solidarité familiale, temps partiel thérapeutique ou utilisation du compte personnel de prévention de la pénibilité.
D’autre part, lorsqu’un salarié, à temps complet, demande à passer à temps partiel[6], l’employeur ne peut refuser que dans les deux cas suivants :
- en justifiant de l’absence d’emploi disponible ressortissant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l’absence d’emploi équivalent ;
- ou en démontrant que le changement demandé a des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
Comment le mettre en place ?
Lorsque les parties se sont accordées sur le travail à temps partiel, un contrat ou un avenant au contrat de travail doit être établi par écrit[7], sous peine de sanction pénale[8] et/ou civile. Une attention particulière à la rédaction des clauses contractuelles, conformément aux mentions obligatoires exigées par la loi[9], est indispensable.
Le contrat de travail ou l’avenant doit notamment préciser :
- La durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de cette durée entre les jours de la semaine dans le premier cas ou les semaines du mois dans le second cas,
- Les cas dans lesquels une modification de cette répartition peut intervenirainsi que la nature de cette modification,
- Les modalitésselon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié,
- Les limitesdans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail contractuelle convenue[10], étant rappelé d’une part que les heures complémentaires sont majorées[11] et d’autre part que l’exécution d’heures complémentaires ne peut avoir pour effet de porter la durée de travail au niveau de la durée légale.
En l’absence d’un écrit ou à défaut des précisions nécessaires concernant la durée de travail et la répartition des heures de travail, le contrat est présumé conclu à temps complet. En cas de contentieux, le salarié peut dès lors réclamer le rappel de salaire correspondant. Toutefois, l’employeur peut démontrer l’accord des parties sur un travail à temps partiel s’il rapporte la preuve[12] d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et d’autre part, s’il justifie que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.
En conclusion, si le travailleur à temps partiel doit bénéficier d’une égalité de travail avec les salariés à temps plein, l’employeur doit veiller à encadrer le travail à temps partiel de façon plus rigoureuse, afin de respecter notamment le droit du salarié à temps partiel à cumuler plusieurs activités.
Aurélie Roche, Avocate au sein du Cabinet BRL Avocats de Paris, pour Horoquartz
[1] Si la durée conventionnelle de travail appliquée par l’entreprise est déjà inférieure à la durée légale du travail, sera à temps partiel le salarié travaillant un nombre inférieur à cette durée conventionnelle.
[2] A noter que la mise en place du travail à temps partiel est un thème qui doit être abordé lors de la négociation annuelle obligatoire dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux.
[3] Cf. l’article L. 3121-44 du code du travail
[4] Ces instances deviendront bientôt le Comité économique et social. L’obligation de consultation de cette instance sur la mise en place du travail à temps partiel est en tout état de cause maintenue (cf. l’article L. 3123-26 du code du travail).
[5] Cf. l’article L. 3123-4 du code du travail
[6] Le salarié doit adresser sa demande six mois au moins avant la date de mise en œuvre qu’il envisage par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette demande devra préciser la durée du travail souhaitée. L’employeur est tenu de répondre dans un délai de 3 mois à compter de la réception de la demande.
[7] Cf. l’article L. 3123-6 du code du travail
[8] L’absence de contrat écrit est sanctionnée par une contravention de 5ème classe (1.500 €) pour chaque salarié concerné (art. R. 3124-5 du code du travail)
[9] Cf. l’article L. 3123-6 du code du travail
[10] Par accord collectif, il est possible d’autoriser la réalisation d’heures complémentaires dans la limite d’un tiers de la durée contractuelle prévue. A défaut d’accord collectif, des heures complémentaires peuvent être exécutées dans la limite du 10ème de la durée contractuelle (Cf. l’article L. 3123-28 du code du travail).
[11] La majoration peut être fixée par accord collectif, sans pouvoir être inférieur à 10 % (Cf. l’article L. 3123-21 du code du travail). A défaut d’accord collectif, la majoration est fixée par la loi à 10 % pour chacune des heures accomplies dans la limite du 10ème de la durée contractuelle de travail et à 25 % pour chacune des heures accomplies entre le 10ème et le tiers de la durée contractuelle (Cf. l’article L. 3123-29 du code du travail).
[12] Cette preuve peut être rapportée par tout moyen : par exemple, en justifiant de l’information du salarié sur ses horaires de travail affichés sur le lieu de travail ou en fournissant les plannings hebdomadaires prévoyant la répartition des horaires entre les salariés et correspondant à l’horaire indiqué sur les bulletins de paie.