Une étude qui vient d’être publiée montre qu’il est difficile pour les femmes de gravir les échelons d’une entreprise en raison d’un phénomène de « plancher collant ». Lorsqu’elles candidatent pour un poste, elles ont moins de chance que les hommes d’être convoquées pour un entretien si le nouvel emploi implique une promotion ‘fonctionnelle’. En revanche, les chercheurs observent que lorsque le poste convoité implique davantage de responsabilités managériales, elles semblent être traitées de la même manière que les hommes.
L’étude « Do Employer Preferences Contribute to Sticky Floors ? » de Ann-Sophie De Pauw (IÉSEG School of Management) Stijn Baert (Ghent University, Belgique) et Nick Deschacht (KU Leuven, Belgique) est publiée dans la dernière édition de « Industrial and Labor Relations Review « (mai 2016).
La plupart des individus sont familiers avec la notion de « plafond de verre », qui exprime la difficulté des femmes d’atteindre le sommet de la hiérarchie dans l’entreprise. L’expression « planchers collants » se réfère quant à elle à la difficulté pour celles-ci d’être promues en début de carrière et de gravir les échelons au sein d’une entreprise.
Ann-Sophie De Pauw, professeur en négociation internationale, et ses collaborateurs ont émis l’hypothèse que ce phénomène pouvait s’expliquer par le fait que les employeurs préféraient, au moins au début, embaucher des hommes. Pour évaluer la validité de leur hypothèse, ils ont mesuré sur le marché du travail en Belgique les différences des taux de rappels entre des hommes et des femmes candidatant pour un même poste.
Lorsqu’Ann-Sophie De Pauw et ses collègues ont décidé d’étudier la discrimination entre les genres, ils ont été confrontés à un obstacle majeur. « Vous ne pouvez pas simplement demander à des employeurs s’ils préfèrent recruter des hommes plutôt que des femmes, explique Ann-Sophie De Pauw. Et les méthodes de recherche traditionnelle telles que les questionnaires et les expériences en laboratoire présentent des contraintes méthodologiques importantes. »
La promesse d’obtenir de véritables données de terrain a poussé l’équipe à développer une expérience en condition réelle. Ils ont élaboré un test de correspondance pour observer si les préférences des employeurs conduisaient bel et bien à un traitement inégal des postulants selon leur genre. Pour ce test, les chercheurs ont créé de faux CV qu’ils ont envoyés de façon anonyme à de vrais employeurs à la recherche de collaborateurs. Lorsqu’une réponse positive était reçue, ils abandonnaient immédiatement l’expérience pour ne pas perturber davantage l’employeur en question.
Les résultats montrent qu’en moyenne, sur l’ensemble des postes, les employeurs n’ont pas de préférence particulière lorsqu’il s’agit de recruter un homme ou une femme. Un postulant sur quatre est recontacté.
Cependant, lorsque les chercheurs ont regardé plus en détail les résultats, ils ont observé que les choses étaient différentes pour des postes impliquant une promotion. « Nous avons noté que les femmes avaient reçu 33 % de moins d’invitations pour un entretien pour un poste impliquant une promotion ‘fonctionnelle’».
Pourtant, le problème est plus subtil qu’il n’y paraît. Ann-Sophie De Pauw explique qu’il existe deux sortes de promotion : l’une, fonctionnelle, impliquant un emploi plus complexe ; l’autre impliquant plus d’autorité. « Les gens pensent souvent que la complexité va de pair avec un plus grand niveau d’autorité. En réalité, la corrélation entre ces deux facteurs est relativement faible. » Dans le cas présent, l’étude montre une préférence pour les hommes seulement lorsque le travail proposé implique une plus grande complexité, pas lorsqu’il implique davantage d’autorité. C’est un résultat qui a intrigué notre équipe de chercheurs. Il est intéressant d’isoler ces deux dimensions de la promotion pour démêler le problème. »
Ann-Sophie De Pauw fait l’hypothèse que pour des postes plus complexes, les femmes peuvent être sujettes à des facteurs traditionnels de discrimination et considérées comme moins productives que les hommes, mais pas lorsque les postes impliquent plus d’autorité. « Les femmes sont vues comme des managers d’équipe efficaces et ne font l’objet d’aucun grief particulier par rapport aux hommes dans ce domaine, » ajoute-t-elle.
Depuis la fin de cette étude, Ann-Sophie De Pauw et ses collègues sont en train de travailler sur une seconde hypothèse pouvant expliquer le « plancher collant ». En plus des préférences des employeurs, ce phénomène pourrait s’expliquer par la réticence des femmes à grimper l’échelle hiérarchique. L’équipe explore ce problème dans une étude dans laquelle hommes et femmes sont présentés à différents postes et à qui l’on demande s’ils accepteraient une promotion dans des circonstances différentes.
ZOOM sur la recherche à l’IÉSEG
Les professeurs permanents de l’IÉSEG ont également une mission de recherche : ce sont les membres du centre de recherche de l’École, IÉSEG Research. Son objectif est de faire progresser les connaissances dans les différents domaines du management et de l’économie appliquée. Ses membres publient dans les meilleures revues scientifiques internationales. L’IÉSEG est la seule École de Management française, avec HEC, dont le centre de recherche est une composante essentielle d’une Unité Mixte de Recherche CNRS. Le LEM (Lille Économie et Management) regroupe plus de 100 chercheurs et permet de former des Docteurs en économie et gestion.