La révolution content marketing implique nécessairement qu’une marque, dans le cadre de sa transformation en média, repense la façon dont est organisé son département marketing – un peu moins en marketeur et davantage en éditeur – et qu’elle le restructure autour de nouvelles compétences et de nouveaux rôles, tous directement ou indirectement liés au contenu. En effet, gérer l’intégralité du process de content marketing en l’internalisant suppose de faire appel à de nouvelles compétences organisées autour de nouveaux rôles. Les nouveaux métiers du contenu digital sont ceux indispensables à la conception et à l’exécution d’un process de content marketing global et l’on peut aujourd’hui en recenser cinq :
1. Le Chief Content Officer
Désigné plus timidement en France comme « content marketer » (expression s’apparentant davantage à un rôle qu’à un véritable métier) ou comme Directeur du content marketing, le Chief Content Officer est, outre-Atlantique, une sorte d’entrepreneur du contenu. Il impulse les initiatives contenu puis endosse et donc gère, l’implémentation de ces initiatives. Il est ainsi le personnage « clé de voûte » d’une stratégie de content marketing.
Le Chief Content Officer doit faire preuve de compétence dans les domaines suivants : stratégie, contenus (élaboration de la stratégie globale), design, benchmarks, mix « contenu » et marketing (c’est à dire intégration de l’un et de l’autre), réseaux sociaux, prévisions budgétaires et établissement de prévisionnels, négociations de contrats (avec des free-lancers, prestataires, entreprises de softwares marketing, etc.), développement d’audience, datas et analytics. Il en assure également la responsabilité et la supervision.
Dans certains cas, le Chief Content Officer sera aussi créateur de contenus ; ce n’est toutefois ni obligatoire ni systématique. Si son équipe est souvent outsourcée, il est en revanche toujours préférable que sa fonction demeure interne à l’entreprise.
Aujourd’hui, lorsque ce rôle est reconnu par les entreprises conscientes de la nécessité du content marketing (ce qui, soyons clairs, est encore très rarement le cas en France), c’est alors au Directeur marketing qu’il est confié, amenant ce dernier à effectuer, de fait, sa « transformation » digitale…
2. L’éditeur
En charge de la réalisation des initiatives-contenu au quotidien, l’éditeur assure le passage du concept et de la stratégie à leur concrétisation. À mi-chemin entre stratégie et opérationnel 100% focus contenus, il est celui qui conçoit et gère au jour le jour le planning éditorial, la création et la production de ces contenus. Il prend en charge toute la partie « mots-clés » de la stratégie, l’optimisation SEO des contenus (même s’il outsource les prestations de recommandations SEO et d’implémentation de ces recommandations). Il endosse également la responsabilité de l’optimisation des contenus pour les moteurs de recherche et est responsable du design éditorial et visuel des contenus (images, vidéos, formats de contenus visuels autres, etc.). Souvent lui aussi créateur de contenu, l’éditeur participe ainsi nécessairement à la constitution de l’actif « contenu » de la marque. Enfin, selon la taille de l’entreprise, le rôle d’éditeur peut également être confié au Chief Content Officer.
3. Le créateur de contenu
Il est, comme son nom l’indique, responsable de la rédaction des contenus. S’il n’est pas nécessairement un écrivain ou un journaliste chevronné, il aura nécessairement d’excellentes compétences rédactionnelles. Le plus souvent, cette fonction est attribuée à celui qui, au sein de l’entreprise, détient une expertise particulière du métier ou bien de l’industrie dans laquelle la marque opère.
La création de contenu peut être outsourcée : en France comme aux États-Unis, les métiers de la création de contenu constituent un marché très dense composé à la fois de nombreux free-lance, d’agences de création de contenus, de plateformes d’achat-vente de contenu mais aussi de places de marché dédiées à la rencontre entre marques et créateurs de contenus (à l’instar de la plateforme YouLoveWords).
4. Le producteur de contenu
Autre nouveau métier du contenu, à mi-chemin entre le créateur et le web-designer, le producteur de contenu est celui qui conçoit le « contenant », c’est à dire l’emballage dans lequel le contenu sera diffusé (parfois désigné comme « gabarit »). En effet, le récit (storytelling) de la marque, une fois formulé en mots, doit être ensuite véhiculé dans différents formats qui sont aujourd’hui éprouvés et font partie intégrante de toute stratégie de content marketing : vidéos, infographies, livres blancs, études de cas, e-book, études statistiques. La création de ces formats implique, de la part du producteur de contenu, différentes expertises en web design et une bonne connaissance des outils technologiques dédiés à la production de ces contenus. Les innovations technologiques en la matière étant constantes, il appartient au producteur de contenu de se tenir régulièrement « à jour ».
5. Le Chief Listening Officer
Le Chief Listening Officer est la version « content marketing » du Community manager tel qu’entendu en France. Comme son nom l’indique, il écoute, veille, surveille … la vie du contenu distribué par l’entreprise. En ce sens, il supervise les conversations tissées grâce au contenu produit par la marque et, le cas échéant, selon la taille de l’entreprise, s’assure que chaque équipe en charge de tel ou tel contenu ou tel ou tel canal de distribution, engage valablement les conversations. Le Chief Listening Officer est donc réellement en charge de la distribution de contenu sur les réseaux sociaux, à ceci près qu’il se doit d’être moins centré sur la seule « exécution » opérationnelle (par exemple, distribuer tel ou tel contenu sur tel canal et prévoir 3 retweets toutes les 24h), mais davantage sur la stratégie contenu globale et sur les feedbacks apportés par les conversations sociales ; la teneur de ces feedbacks permet ensuite au CCO d’ajuster la stratégie de content marketing. Enfin, le Chief Listening Officer est également en charge de la relation avec les influenceurs de la marque.
Enfin, la révolution content marketing ne concerne pas seulement la marque et ses clients, ni même la seule personne du marketeur – qui doit « repenser » son métier en considération d’un nouveau consommateur (le consommateur 3.0) – elle impacte également les ressources humaines et en particulier la structure organisationnelle du département marketing de l’entreprise. Traditionnellement structuré en silos, il se voit désormais imposer une organisation en « hub ».
Selon la taille de l’entreprise, les compétences inhérentes à chacun de ces cinq métiers pourront soit être réparties entre plusieurs personnes (grandes entreprises) soit, dans le cas extrême, être réunies en une seule (start-up). Quoi qu’il en soit, et du strict point de vue du content marketing, lorsque chacune de ces fonctions est assurée, on est alors en présence d’une véritable « dream team contenu ».
Par Karine Abbou CEO & founder de Content Marketing Académie et
Emmanuel Stanislas, fondateur de Clémentine, cabinet de recrutement spécialiste des métiers du digital et de l’IT.