Le 19 juillet dernier, Eric Besson annonçait le lancement d’une étude sur la pratique du télétravail dans les grandes entreprises françaises. Objectif : comprendre les causes de notre retard vis-à-vis de nos voisins européens, pour le rattraper. Parmi ces causes, deux craintes : celle de la perte de productivité et de l’isolement.
Idée reçue n°1 : télétravail = vacances
Si la crainte de voir les jours de télétravail se transformer en jours chômés est bien présente, ne faut-il pas se méfier de l’effet inverse : la surchauffe ? A domicile, la journée de travail commence dès le lever. « On prend son café devant l’ordinateur, on commence à consulter ses mails, on se met à travailler. Puis on s’aperçoit qu’il est 16h et que l’on est toujours pas douché, que l’on n’a pas mangé ». Marie-Claude Chazot, DRH d’Aldata, qui s’est lancé dans l’expérience du télétravail en mai dernier, raconte cette journée type avec une pointe d’humour soulignant ainsi « l’effet pervers » de ce mode d’organisation.
Reste une crainte, du point de vue du management : perdre la main sur la réalisation des objectifs, ne plus contrôler l’avancement des tâches. Une autre idée reçue, selon laquelle le management serait un frein au développement de ce mode de travail, et dont le cabinet Greenworking, partenaire du gouvernement dans l’étude annoncée, prévoit de mesurer la pertinence. « Le télétravail nécessite une relation de confiance », continue la DRH. Marie-Claude Chazot a elle-même pratiqué ce mode de travail dans plusieurs structures, dont HP et Microsoft – « chez qui le télétravail est largement plébiscité depuis de nombreuses années » – avant de le mettre en place chez Aldata.
Un salarié qui travaille de son domicile reste un salarié. Comme tout aménagement du temps de travail, les conditions – par exemple, tranches horaires pendant lesquelles le salarié doit être joignable – sont spécifiées dans le contrat ou l’avenant. A prévoir également : « Des points d’avancement réguliers, qui permettent de se rendre compte d’une baisse de productivité pendant les jours de télétravail », ajoute la DRH. Elle avance un deuxième contre-argument, pour convaincre le management que télétravail ne rime pas avec temps libre : lorsque le salarié travaille in situ, « le manager n’a pas les yeux rivés en permanence sur l’écran du salarié ».
Face à la crainte de perdre en productivité, le télétravail représente au contraire un intérêt financier réel pour l’entreprise. « Ce mode de travail permet de diminuer les coûts de structure, de régler le problème des salles de réunion surchargées et pourquoi pas, sur le long terme, de mettre en place des bureaux tournants », continue Marie-Claude Chazot.
Idée reçue n°2 : télétravail = isolement
Si ce n’est le frein du management, faut-il regarder du côté des salariés ? Les enquêtes d’opinion tendent à prouver le contraire. L’association Les Nouvelles Parisiennes a récemment commandé une enquête Opinion Way sur la question. Trois franciliens sur 4 seraient favorables au télétravail, et même 88% dès lors que leur temps de transport dépasse 1h. Chez Aldata, dès la présentation de cette nouvelle possibilité, les demandes ont afflué en masse. Le projet même émanait de la DRH mais aussi du personnel par la voix de ses représentants. « Il y avait une demande d’amélioration des conditions de travail. Le télétravail est l’une des réponses à cette demande qui permet de mieux aménager les temps de vie personnelle et professionnelle », explique Marie-Claude Chazot. Autres raisons, plus ponctuelles, qui les ont mené vers cette solution : les chutes de neige ou encore les grèves des transports.
Le télétravail est proposé sur la base du volontariat « Nous avons limité la possibilité de télétravail à deux jours par semaine », précise la DRH. Une limite qui permet d’éviter le risque d’isolement ou de marginalisation. Selon elle il ne faut pas non plus négliger l’impact sur les salariés qui ne se portent pas volontaires pour le télétravail : « il y aussi le risque, mais je ne pense pas que cela arrive, que le salarié qui reste dans l’entreprise 5 jours sur 5, ait le sentiment d’être plus présent et de travailler plus, du fait de l’absence physique des autres ».
D’après l’enquête ci-dessus citée, seulement 16% des salariés sondés s’inquiètent de l’isolement lié au télétravail. S’il ne convient pas à toutes les personnalités, le télétravail ne convient pas non plus à toutes les activités. « L’intérêt varie en fonction des départements, confirme Marie-Claude Chazot. Les services les plus demandeurs sont la R&D, les services support et administratifs ». Chaque salarié qui a fait une demande de télétravail bénéficie d’une période d’adaptation pendant laquelle il peut changer d’avis. Une clause indispensable, prévue dans l’accord interprofessionnel de 2005 sur le télétravail, qui laisse aux deux parties la possibilité de se rétracter.
Typhanie Bouju