On peut lire dans le rapport de la Commission Européenne sur la crise bancaire en Irlande que « rétrospectivement, il semble aujourd’hui incroyable que des professionnels compétents du secteur bancaire n’aient pas été conscients de l’importance des risques qu’ils prenaient ». Si l’intelligence de ces personnes n’était pas au cœur du problème, qu’est-ce qui les a amenés à prendre de si mauvaises décisions ?
Un certain nombre d’a priori perdurent dans l’entreprise et sont la base de nombreuses erreurs de jugement – et donc de prises de décisions inefficaces, voire néfastes.
Parmi les plus fréquentes :
- La confiance exagérée et l’optimisme excessif : elles se traduisent par une tendance à surestimer les capacités d’exécution de l’entreprise et les chances de réussite par rapport aux potentiels résultats négatifs.
- La confirmation arbitraire : les éléments probants à l’appui d’un argument ou d’une opinion sont exagérés, alors que les éléments contre sont minimisés. La confirmation qu’une proposition doit être adoptée ou qu’une décision doit être prise aboutit alors, sans réel fondement.
- Le préjugé positif : des faits sont ignorés en faveur de l’expérience de l’initiateur ou simplement parce que la personne à l’initiative de la proposition est appréciée.
- La tendance au statut quo : initialement, la volonté est ici de réduire les risques en s’en tenant à ce qui existe et en évitant toute perte éventuelle. En réalité, il s’agit d’une non réponse.
- La pensée unique : on peut parler ici de Politique du « tournesol » ou de la tendance du groupe à aligner sa vision sur celle des dirigeants du simple fait de leur ancienneté et de leur position hiérarchique.
Il est possible de combattre ces a priori, avec des collaborateurs capables :
- d’analyser des données et des éléments probants réalistes,
- de rechercher différentes options, d’explorer leurs implications à un niveau plus global,
- d’évaluer les aspects commerciaux et les conséquences des choix,
- et de défendre une position indépendante si nécessaire afin de contester une position avancée.
La qualité de la prise de décision n’est par ailleurs qu’une partie de l’existence du risque. Savoir communiquer sur ces décisions s’avère également important. Les principaux obstacles à l’exécution des stratégies viennent généralement d’un manque d’explications. Le risque est ici de voir le collaborateur inventer sa propre stratégie, ne comprenant pas réellement celle adoptée par son entreprise.
Les dirigeants de l’entreprise doivent alors être en mesure de :
- Expliquer les choix qui ont été faits et leurs motivations : les dirigeants et managers doivent prendre le temps d’expliquer leurs choix et d’exposer les raisons et les hypothèses qui les motivent. Ce n’est que lorsque les employés comprennent les choix et leurs raisons qu’ils se sentent responsables.
- Identifier clairement les prochains choix à venir : en engageant des discussions, l’entreprise s’assure que le processus s’apparente à une « joint venture » entre dirigeants et salariés, et que le collaborateur ne prendra pas par ailleurs ses propres décisions à l’aveugle.
Une communication efficace sous-entend une annonce écrite et orale claire impliquant les intervenants, et encourage le soutien et l’engagement en mettant l’accent sur le « nous » plutôt que sur le « moi ». Elle doit inclure des notions de persuasion rationnelle, de consultation et de collaboration, qui sont en opposition aux stratégies les moins efficaces comme le fait du prince et les moyens de pression.
Sans vision globale des facteurs comportementaux qui amènent de bonnes décisions sans risque, l’entreprise crée un angle mort. De la même manière que ses talents peuvent créer de la valeur, ils peuvent aussi créer du risque. La santé d’une entreprise dépend donc aussi de la capacité de ses collaborateurs à se remettre en cause, à considérer systématiquement toutes les options, sans oublier les pires, à savoir s’imposer seul contre tous, et également à bien communiquer ses décisions.
Les responsables de la gestion des talents ont donc ici un rôle essentiel à jouer. En mettant en place des systèmes d’évaluation et de développement de ces compétences, tant dans le recrutement que dans le développement des carrières et les plans de succession, ils peuvent aider l’entreprise à préserver l’équilibre entre appétence pour le risque et résilience face au risque chez ses collaborateurs.
Stéphane Amiot, Directeur Général France et Belgique de SHL