La coupe du Monde de Rugby est une leçon en termes d’engagement collectif. Certes, ce n’est pas la 1ère fois qu’un parallélisme est dressé entre le management en entreprise et le sport. Mais cette comparaison est d’autant plus intéressante aujourd’hui lorsque l’on voit le revirement de l’équipe française après la débâcle face au Tonga et que l’on écoute les joueurs: « la clé de notre réussite repose sur notre engagement collectif ». Ce ne sont pas les talents individuels qui font la réussite d’un projet mais bien l’engagement de ces talents au service d’un collectif. Le triste exemple de l’équipe française de football lors du Mondial en Afrique du Sud en est la preuve. Or aujourd’hui, face à une situation économique de plus en plus complexe, avec des bouleversements brutaux incessants, renouer avec le collectif est plus que primordial, c’est une question de survie.
De la nécessité de recréer le lien social
Dans son ouvrage « Donner et Prendre1», le sociologue Norbert Alter indique que le bon fonctionnement des entreprises ne repose que sur la « bonne volonté » des acteurs. La coopération repose en effet sur la seule volonté de donner : on donne aux autres parce que donner permet d’échanger et d’exister en entreprise. Norbert Alter aboutit ainsi à la mise en évidence d’un phénomène paradoxal : le problème des organisations ne consiste pas à « mobiliser les salariés » mais à tirer parti de leur volonté de donner. La priorité des priorités conclut-il, est de recréer le lien social en favorisant les échanges sociaux à l’intérieur des entreprises.
Or c’est au management intermédiaire qu’est confié le rôle d’animer et de coordonner les équipes, de faire en sorte que la stratégie élaborée soit mise en action. Il est la clef de voûte dans la réussite des projets mis en oeuvre et du fonctionnement quotidien de l’entreprise. Le lien social, élément essentiel pour garantir la performance de l’entreprise, repose en 1er lieu sur le management intermédiaire. Mais pour que le management intermédiaire puisse jouer son rôle de « rassembleur », il est nécessaire de lui en donner les moyens.
Donner aux managers les moyens d’agir
Selon une enquête TNS Sofres publiée en 2009 (2) , 64% des salariés souhaiteraient, pour être mieux entendus, développer les occasions d’échange informel avec leur supérieur hiérarchique. Or, comme le souligne les auteurs dans l’ouvrage « Le rôle du manager intermédiaire dans l’entreprise de demain » (3) , les managers de proximité se trouvent confrontés à des difficultés nouvelles de positionnement : l’augmentation du nombre de cadres « experts » au détriment des fonctions de management, l’éloignement géographique entre les équipes, le poids croissant des procédures dans les relations de travail, l’insuffisante association des managers de proximité aux décisions ou encore le développement d’organisations matricielles contribuent à déstabiliser ce maillon essentiel de l’organisation en nourrissant des interrogations quant à l’étendue réelle de leur pouvoir au sein de l’entreprise .
Ainsi, pour que les managers de proximité aient les moyens de recréer du lien social et favoriser l’engagement collectif, pilier de la performance collective, il est nécessaire de :
-Réaffirmer les compétences de décisions et non pas seulement d’exécution du management de proximité en donnant au management intermédiaire les moyens d’une autonomie réelle. Cela passe notamment par une clarification de l’organisation. Chaque salarié doit pouvoir identifier clairement son supérieur hiérarchique, faute de quoi il aura des difficultés à dire quelle est sa place dans l’entreprise. Il ne s’agit pas de renoncer aux organisations matricielles et au mode projet, mais de maintenir au moins un lien hiérarchique structurant pour le salarié.
-Réaffirmer les compétences de communication et d’animation directe du management de proximité. Les nouveaux moyens de communication permettent désormais à la Direction Générale de s’adresser directement à l’ensemble des collaborateurs. Les managers intermédiaires ont de ce fait perdu une partie du pouvoir qui était le leur. Cette dépossession s’est souvent accompagnée d’effets pervers, les managers n’étant plus en mesure de faire auprès de leurs collaborateurs la pédagogie des choix stratégiques définis par la Direction Générale et se trouvant de fait en porte-à-faux dès lors que ces choix doivent évoluer pour s’adapter à la conjoncture. Il doit donc y avoir une communication multicanal à plusieurs niveaux, avec un niveau direct entre le management et les équipes opérationnelles.
-Valoriser la performance collective et managériale en réintégrant dans la rémunération variable des managers des critères collectif et pas seulement individuels. La mesure de la performance est trop souvent aujourd’hui éclairée à la seule lumière de la performance financière et se base sur des critères uniquement individuels. La performance collective doit aussi être prise en compte et faire partie des objectifs des managers. Au-delà de la performance économique, c’est aussi la qualité managériale qui doit être récompensée par l’entreprise avec la promotion des comportements exemplaires et la sanction des comportements déviants.
Le rôle des DRH dans l’accompagnement d’un nouveau modèle managérial
Ainsi, le manager de proximité est en 1ère ligne dans la cohésion d’équipe et la gestion du lien social. L’enjeu est d’autant plus important qu’émergent de nouveaux thèmes dans les relations sociales. Dans un contexte de croissance modérée, la faible progression du pouvoir d’achat risque d’aviver encore les tensions liées au partage de la valeur ajoutée. De même, les enjeux sociaux porteront de plus en plus sur les questions de reconnaissance, de diversité et de prise en compte des aspirations individuelles dans l’organisation du travail.
Pour cela, les managers doivent être préparés et accompagnés à ce rôle. Le DRH a dans ce cadre une double mission : mettre en place une organisation suffisamment souple et flexible pour s’adapter aux différentes transformations et à une logique de globalisation de l’économie mais lisible et opérationnelle pour le manager et son équipe; définir un nouveau modèle managérial en adéquation avec les enjeux sociaux et économiques et accompagner les managers dans ce nouveau rôle et en particulier sur le développement des compétences collectives et individuelles, l’adaptation des comportements face aux transformations et la gestion sociale des aspirations individuelles.
Ainsi, la revitalisation du management intermédiaire et la redéfinition du rôle que joue celui-ci dans la gestion des hommes doivent être considérées comme des objectifs de nature économique autant que sociale. Dans un environnement compétitif en perpétuelle redéfinition, où le capital humain prend une importance croissante, le rôle du management intermédiaire en matière de conduite du changement, de motivation des équipes, de relais des signaux faibles devient fondamental. Il implique une évolution sensible dans les qualités exigées du manager : il s’agit moins pour lui d’appliquer des directives et de contrôler ses équipes que de faire preuve d’autonomie et de leadership. Ceci doit être un des chantiers RH à traiter en priorité : renforcer le management de proximité et créer ainsi les conditions favorables pour accélérer la conduite des transformations et renforcer ainsi la performance de l’entreprise.
(1)Norbert Alter, Donner et prendre. La coopération en entreprise. La Découverte, Paris, 2009
(2)TNS Sofres, Salariés et sortie de crise, 2009
(3)Institut de l’entreprise, Le rôle du manager intermédiaire dans l’entreprise de demain, 2009
Katya GERAUD
Fondatrice du cabinet de conseil Be HR