Le décret du 25 août dernier sur l’interdiction des stages hors cursus [1], modifiant celui de 2006 et applicable depuis le 1er septembre, a fait couler beaucoup d’encre du côté des syndicats et associations étudiantes. En cause : trois exceptions. Les stages réalisés dans le cadre d’une réorientation, d’un projet d’insertion professionnelle ou d’une année de césure restent autorisés. Mais il est un alinéa qui fait converger les opinions des DRH et des apprenants : la réalité pédagogique du stage. Au-delà du texte de loi, qu’est-ce qu’un bon maître de stage ? Qu’est-ce qu’une relation efficace entre un stagiaire et son référent ?
Maître de stage : tuteur de jeunes pousses
Cette métaphore horticole, Frédéric Baussan aime la transmettre aux futurs tuteurs qu’il forme[2]. Un maître de stage est un piquet, un soutien ; « il sert à faire pousser une jeune pousse bien droit », dit-il. En langage RH, cette définition se traduit par plusieurs qualités :
Volontaire et organisé
« Être tuteur, c’est d’abord une volonté », affirme le formateur, partenaire du cabinet conseil et formation Valexane[3]. Le maître de stage « doit avoir envie de prendre un jeune en charge, de le guider ». Mais le tutorat ne dégage en rien des responsabilités professionnelles quotidiennes et peut être refusé.
Capable de déléguer et de faire confiance
Frédéric Baussan met ici en garde ceux qui assimileraient « délégation » à « déchetterie ». Déléguer, c’est « donner aux autres la possibilité de penser », précise-t-il. Mais aussi d’agir, de prendre des initiatives, de réaliser les tâches incombant à une fiche de poste. C’est vers ce comportement que le tuteur doit mener son stagiaire.
Qualifié et pédagogue
Le tuteur est choisi en fonction du poste qu’il occupe, de la maîtrise qu’il en a et de son ancienneté. « Faire un stage, c’est apprendre un métier et une vie sociale en entreprise, déclare le formateur. On peut transmettre un savoir-faire, mais aussi un savoir-être ». La politesse, le respect des horaires, l’autonomie dans le travail, l’esprit d’équipe sont autant d’apprentissages qui serviront au stagiaire dans sa vie active future. Une conception validée par Audrey Le Henaff-Lecocq, responsable RH d’Akilea Engineering et elle-même maître de stage : « Nous évaluons le stagiaire en fonction des critères fournis par l’école, mais nous vérifions surtout s’il a su s’adapter à l’entreprise et fournir un travail en adéquation avec la charte de l’entreprise ». Objectif : lui apprendre un métier et l’embaucher en fin de stage.
Frédéric Baussan ajoute un troisième savoir : « le savoir-devenir ». Au tuteur de guider le nouveau venu dans la vie active vers les compétences qu’il devra acquérir pour se réaliser. Bien transmettre, c’est d’abord établir une fiche de poste détaillée : un métier inclut plusieurs postes, chaque poste plusieurs tâches, chaque tâche une consigne et des outils.
Au courant de la filière et du quotidien du stagiaire
L’établissement d’enseignement et l’entreprise sont liés par une convention et un livret d’apprentissage. Les écoles entrent en contact avec les entreprises lorsqu’elles recherchent des structures d’accueil pour leurs étudiants et en cas d’absence du stagiaire. Des échanges jugés insuffisants par Frédéric Baussan qui souhaiterait que « les écoles aient une réelle volonté de communiquer ». Le tuteur doit être ce lien entre le cursus pédagogique et le stage. Il doit connaître le quotidien de l’apprenant, ses cours, sa filière et « ne jamais perdre de vue qu’il est là pour obtenir un diplôme ».
Coup double : un apprentissage bénéfique au stagiaire et à l’entreprise
Dans la relation stagiaire/référent, il n’est pas de perdant. Il n’est nullement question ici d’un profit de l’entreprise en termes d’exploitation d’une main d’œuvre ultra qualifiée, à bas prix et jetable. Bien loin de ces dysfonctionnements, le stage est un échange gagnant-gagnant entre l’apprenant et le tuteur.
Selon Frédéric Baussan, « le tutorat est l’antichambre du management. Il s’inscrit dans la logique de la validation des compétences », pour l’apprenant mais aussi pour le tuteur. Accepter un tutorat traduit une volonté d’évolution professionnelle et implique l’acquisition de nouvelles aptitudes : définir une mission pédagogique, élaborer une méthode d’apprentissage et un process d’évaluation.
Le rapport de fin de stage, le guide du tuteur et le livret d’accueil sont autant d’outils utiles aux deux parties, qui permettent de renforcer la communication et la cohésion interne, de développer de nouvelles stratégies, de rafraîchir les mémoires ou encore de faire connaître l’entreprise.
Au cours de ses formations de tuteurs, Frédéric Baussan conseille la réalisation d’un livret d’accueil, « une carte nationale d’identité de l’entreprise ». Le stagiaire pourra y trouver un mot de bienvenue, des informations pratiques (horaires, consignes de sécurité, organigramme, organisation des syndicats…) et les fiches de poste. Ce procédé « permet au jeune d’étudier tous ces éléments à tête reposée et au tuteur de ne pas se répéter à chaque nouvel entrant », explique le formateur. Il se positionne en faveur de la présence du stagiaire dans l’organigramme : « cela lui permet de se positionner dans l’entreprise, de trouver sa place ». Dans ce cas, l’organigramme, tout comme le livret d’accueil dans son ensemble, devront impérativement être tenus à jour.
Pour la DRH d’Akilea, qui garde toujours l’œil sur les connaissances acquises pendant les cours, accueillir un stagiaire est « un réel atout » pour le tuteur, l’occasion de se tenir informé des évolutions de la profession.
Typhanie Bouju
[1] Consultez le texte sur www.legifrance.gouv.fr (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=7E979C547C4B1BE8D466F0DBB5DFA0C2.tpdjo04v_1?cidTexte=LEGITEXT000006054341&dateTexte=20101006)
[2] La plaquette de la formation de tuteur et maître d’apprentissage dispensée chez Frédéric Baussan Formation Conseil
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